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Calculer la valeur des Grands Lacs…

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John Livernois
IJC Great Lakes Science Priority Committee
great blue heron fish ecosystem services

Officiellement, les Grands Lacs soutiennent une économie régionale de 6 billions de dollars américains, mais leur valeur est bien supérieure à cela, puisqu’il faut tenir compte d’aspects comme l’esthétique, l’habitat faunique, la conservation de la biodiversité, la pêche récréative, la baignade, la navigation de plaisance et le maintien de la vie aquatique. Les lacs fournissent également de l’eau potable à près de 40 millions de Canadiens et d’Américains.

Cependant, la plupart des services dits « écosystémiques » ne sont pas pris en compte par les marchés, les mesures conventionnelles ne leur accordant aucune valeur, ce qui augmente le risque que la valeur réelle des services écosystémiques soit carrément ignorée, ou du moins qu’elle soit sous-évaluée dans le processus décisionnel public.

Nous n’avons pas besoin de remonter très loin en arrière pour en trouver des exemples. Au XXe siècle, l’activité industrielle vigoureuse dans la région des Grands Lacs a permis de créer de bons emplois bien rémunérés, mais le plus souvent moyennant un coût environnemental considérable que doit maintenant assumer la génération actuelle au titre du nettoyage de nombreuses zones fortement contaminées. 

Nous sommes de plus en plus conscients de la nécessité de mieux comprendre, mesurer et communiquer la véritable valeur des services écosystémiques des Grands Lacs. Mais comment s’y prendre?

C’est afin de trouver une réponse à cette question que les principales parties prenantes ont récemment pris part à un atelier virtuel de trois jours lors duquel les panélistes et les présentateurs ont discuté de l’état actuel des connaissances et des lacunes en matière d’estimation de la valeur non marchande des pêches et des services écosystémiques dans les Grands Lacs, et ont présenté différentes méthodes d’évaluation.

Une revue bibliographique exhaustive a fait ressortir une importante lacune sur le plan des connaissances : seules quelques études d’estimation de la valeur non marchande ont été menées dans le cas des Grands Lacs. L’atelier a néanmoins débouché sur un résultat encourageant, en ce sens qu’il a permis de créer une communauté de pratique comme moyen de promouvoir les études portant sur l’éventail complet des valeurs des Grands Lacs, afin de leur donner la priorité.

La science de l’évaluation des services écosystémiques, qui réunit des écologistes et des économistes, vise à comprendre et à quantifier — le plus souvent en unités monétaires —, la mesure dans laquelle les services écosystémiques contribuent au bien-être de la société.

Deux façons permettent habituellement de déduire la valeur que la société accorde aux écosystèmes : en observant les choix que nous faisons ou en recourant à des entrevues structurées. Il s’agit d’aller chercher un savoir susceptible de mener à une meilleure prise de décisions publique, une prise de décisions qui soit mieux renseignée et qui tienne pleinement compte de l’impact des services écosystémiques sur le bien-être social. 

D’aucuns craignent qu’en chiffrant ainsi la nature on n’en réduise la valeur en la ramenant à l’état d’un simple produit. Cependant, ceux qui sont en faveur de l’évaluation font remarquer que nous faisons quotidiennement des choix qui ont une incidence sur l’environnement et qui reflètent nos valeurs implicites. Les estimations de la valeur non marchande visent à exprimer plus clairement ces valeurs implicites afin de fonder la prise de décisions publiques sur des mesures transparentes et complètes. 

Les méthodes d’estimation de la valeur non marchande ne sont pas sans présenter quelques difficultés. Comme certains services écosystémiques sont difficiles à quantifier, il est inévitable que certaines valeurs ne puissent pas être mesurées.

Il est, par exemple, peu probable de parvenir à mesurer la contribution des services écosystémiques à l’identité culturelle et spirituelle à l’aide des méthodes conventionnelles. De plus, comme les méthodes d’évaluation reposent souvent sur des entrevues structurées portant sur les changements hypothétiques de qualité de l’environnement, il existe toujours un risque que des réponses soient inexactes ou biaisées. Il demeure que l’évolution des méthodologies a permis d’élargir la gamme des services dont la valeur peut désormais être estimée, ce qui atténue le risque de biais. D’ailleurs, ces méthodologies continuent d’évoluer et de s’améliorer avec le temps.

Toute décision de la société qui touche aux écosystèmes des Grands Lacs reflète l’évaluation que nous en faisons, que celle-ci soit explicite ou pas. Si l’on fait en sorte que l’évaluation soit explicite, il devient possible d’assurer la transparence du processus décisionnel, d’identifier les gagnants et les perdants de toute décision, et de veiller à ce que les coûts ou les avantages d’un projet sur le plan environnemental soient mesurés au même titre que les coûts ou les avantages économiques conventionnels, comme le revenu ou l’emploi. Il va maintenant falloir déployer un effort concerté pour que l’estimation de la valeur non marchande des services écosystémiques devienne une composante régulière et incontournable de toute activité de nature scientifique, de surveillance et d’évaluation dans les Grands Lacs.

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John Livernois
IJC Great Lakes Science Priority Committee

Dr. John Livernois is a professor of economics, specializing in environmental issues, at the University of Guelph and is a member of the Science Priority Committee of the IJC Great Lakes Science Advisory Board.

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