Comparaison des plans de régularisation en périodes de précipitation extrêmement abondantes
Ce texte explique la performance actuelle et anticipée des plans de régularisation du lac Ontario - Plan 2014 (mis en œuvre en 2017) et Plan 1958-DD (en vigueur de 1963 à 2016, écarts compris), durant les périodes de précipitations extrêmes de 2017 et 2019.
Apports d’eau et débit du lac Ontario. Le lac Ontario est alimenté par les précipitations (pluie et neige qui tombent sur le lac et sur son bassin hydrographique) et par l’apport d’eau des autres Grands Lacs, par le biais du lac Érié et de la rivière Niagara. L’eau se retire du lac Ontario principalement grâce au phénomène d’évaporation et par son écoulement dans le fleuve Saint-Laurent via le barrage Moses-Saunders. La figure 1 montre les liens entre les Grands Lacs d’amont et le lac Érié, le lac Ontario, le fleuve Saint-Laurent et la rivière des Outaouais.
Les apports d’eau qui entrent dans le lac Ontario varie d’une année à l’autre (voir le graphique supérieur de la figure 2 ). Par le passé, des apports d’eau élevés ont mené à un niveau d’eau élevé du lac Ontario, y compris en 1973, 1976, 1993 et 1998. Dans les six premiers mois de 2017, les apports d’eau au lac Ontario furent les quatrièmes plus élevés depuis 1918, principalement en raison de fortes précipitations. La rivière des Outaouais a également établi des records en avril et en mai 2017, déversant une quantité d’eau sans précédent dans le fleuve Saint-Laurent, près de Montréal (graphique inférieur de la figure 2). En 2019, des records furent battus pour l’apport total d’eau dans le lac Ontario (principalement en provenance du lac Érié), entre janvier et juin et pour le volume d’eau élevé de la rivière des Outaouais se déversant dans le fleuve Saint-Laurent. L’affluent des Grands Lacs d’amont arrivant par le biais du lac Érié, continue d’être élevé en raison du temps extrêmement pluvieux couvrant le bassin amont.
Débit avec les plans 1958-D et 2014. Les deux plans de régularisation possèdent des « règles de débit » qui déterminent le volume d’eau s’écoulant par le barrage Moses-Saunders. Ce débit, est étroitement suivi par le Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent afin qu’il soit conforme aux conditions d’exploitation établies par la Commission mixte internationale. En conditions de pluviosité extrême, le débit fixé dans le nouveau plan est très semblable à celui qui aurait été appliqué sous l’ancien plan. Cela s’explique par les règles du Plan 2014 s’appliquant dans de telles conditions de pluviosité et qui furent conçues pour refléter les règles du Plan 1958-D, y compris tout ce qui fut appris de ses écarts par les années antérieures d’expérience, avec des conditions d’humidité comparables. Sous le plan 1958-D, le Conseil devait s’écarter fréquemment des règles de débits afin de tenir compte des conditions du moment (le plan plus les déviations est connu sous le nom de « Plan 1958-DD »). Dévier du Plan 1958-D était autorisé lorsque les conditions d’apport d’eau se situaient en dehors de la gamme retenue lors de l’élaboration du plan, comme ce fut le cas à plusieurs reprises entre 1960 et 2000. L’éventail des conditions d’apport d’eau retenues afin d’élaborer le Plan 2014 fut élargi afin d’inclure ces conditions plus récentes, les caractéristiques d’événements extrêmes, ainsi que des scénarios probables pour l’avenir. De plus, il a souvent été nécessaire de s’écarter des règles du Plan 1958-D pour tenir compte des conditions de la glace en hiver, s’ajuster aux effets d’un débit faible ou élevé de la rivière des Outaouais sur le cours inférieur du fleuve Saint-Laurent et pour maximiser le débit du lac Ontario afin d’atténuer les inondations sur son pourtour, tout en maintenant les conditions de sécurité pour la navigation. Jadis, ces conditions devaient être corrigées par des écarts au Plan 1958-D, mais elles sont maintenant incluses et prises en compte directement dans les règles de débit du Plan 2014. Par conséquent, sous le Plan 2014, le Conseil est toujours autorisé à dévier des règles du débit dans des conditions de précipitations extrêmes, causant au niveau d’eau du lac Ontario de dépasser le seuil supérieur de déclenchement saisonnier ou que des conditions particulièrement sèches font que le niveau du lac passe sous le seuil inférieur de déclenchement saisonnier. En revanche, lorsque son niveau d’eau est moins extrême, on s’attend à ce que les règles du Plan 2014 soient généralement respectées.
Simulation du débit du Plan 1958-DD pour 2017 et 2019. Pour les deux années 2017 et 2019, lorsque le niveau d’eau du lac Ontario a dépassé les seuils de déclenchement du Plan, le débit fut augmenté au-delà de celui prévu dans le Plan 2014. Cependant, avant que le dépassement de ces seuils de déclenchement ne survienne, le débit était largement déterminé par les règles de débit du Plan 2014 fondées sur les mesures appliquées en vertu du Plan 1958-DD. Il est difficile d’estimer avec certitude quels auraient été les écarts de débit en 2017 et en 2019 si le Plan 1958-DD avait été en vigueur. Malgré cette incertitude, il y a un haut degré de confiance dans la simulation du Plan 1958-DD pour 2017 pour trois raisons : 1) étant donné que le Plan 2014 fut initialement mis en œuvre en 2017, les deux plans auraient débuté l’année exactement avec le même niveau d’eau; 2) les précipitations extrêmement abondantes de 2017, ont causé l’écoulement d’un débit maximal, ce qui aurait été essentiellement le cas avec le Plan 1958-D; 3) les règles du débit dans le Plan 2014, appliquées durant la majeure partie de 2017, reposaient sur des règles et décisions similaires prises par le Conseil en vertu du Plan 1958-D, y compris des écarts afin de gérer la formation du couvert de glace, atténuer les impacts des inondations en amont et en aval du barrage et le maintien de conditions sécuritaires de navigation.
Comparons les plans pour 2017. Un rapport du Comité de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent (GAGL) du Conseil examine le rendement du Plan 2014 pour 2017. La figure 2-10 ci-contre compare le débit et le niveau d’eau réels du lac Ontario en 2017 à ceux qui seraient survenu sous le Plan 1958-DD. La ligne noire pointillés illustre le débit du lac Ontario en vertu du Plan 2014. La ligne en gris pointillé correspond à ce qu’aurait été le débit si le Plan 1958-D avait été suivi à la lettre (c.-à-d. sans écarts). Les lignes orange représentent le débit et le niveau d’eau qui auraient pu survenir sous le plan 1958-D avec déviations (c.-à-d. selon le plan 1958-DD). La gamme simulée des écarts possibles reflète l’incertitude dans les décisions du Conseil, les courbes orange plus épaisses indiquant des périodes de plus grande incertitude dans les décisions relatives au débit. En 2017, en application stricte du Plan 1958-D, sans écarts, le débit du lac Ontario aurait été plus élevé au printemps, ce qui aurait entraîné des inondations beaucoup plus importantes dans le cours inférieur du fleuve Saint-Laurent, puis plus faibles pendant la majeure partie de l’été, ce qui aurait entraîné des niveaux d’eau plus élevés du lac Ontario pendant l’été et l’automne. Avec les déviations, le débit et le niveau d’eau du lac Ontario auraient été presque identiques sous les plans 2014 et 1958-DD. Les périodes précises où le débit aurait pu différer (selon les écarts) sont indiquées par les lettres A à E. Les différences dans les niveaux d’eau des lacs attribuables aux incertitudes des déviations sont faibles (environ 3 cm ou 1,2 pouce).
Comparons les plans pour 2019. Une analyse semblable pour les conditions hydrologiques de 2019 est plus complexe en raison du Plan 2014 en fonction sur une plus longue période de temps qu’en 2017 et de la plus grande gamme d’incertitude quant aux déviations possibles qui auraient pu être décidés sous le Plan 1958-DD menant jusqu’au printemps 2019. Néanmoins, les apports d’eau extrêmement importants dans le lac Ontario par l’affluent élevé record du lac Érié et des précipitations supérieures à la moyenne auraient nécessité un débit semblable en vertu des deux plans. À titre d’exemple, commençant à l’été 2018, le débit maximal du lac Ontario prévu dans le Plan 2014 tout en assurant la sécurité de la navigation, fut appliqué même si son niveau d’eau avait diminué à des moyennes saisonnières. Le débit du lac Ontario est demeuré élevé jusqu’à l’automne, ce qui a donné lieu à un niveau d’eau extrêmement bas du lac Saint-Laurent, le bassin de retenue immédiatement en amont du barrage Moses-Saunders.
À ce moment-là, le débit prescrit par les deux plans aurait été limité afin de maintenir des conditions sécuritaires pour la navigation commerciale et de plaisance dans le cours supérieur du fleuve Saint-Laurent. En fait, en vertu du Plan 1958-D, le Conseil aurait pu déroger au plan afin de réduire le débit du lac Ontario et aider davantage les plaisanciers, causant ainsi une légère augmentation de son niveau d’eau. En janvier 2019, les conditions météorologiques hivernales auraient imposé les mêmes réductions de débit du lac Ontario sous les deux plans afin de favoriser la formation du couvert de glace et réduire le risque d’embâcles dans le fleuve Saint-Laurent. La stabilité du couvert de glaces a permit d’appliquer un débit élevé en février et en mars 2019, mais elle a aussi causé un autre abaissement du niveau d’eau du lac Saint-Laurent en amont du barrage, augmentant dès lors les risques d’exposition de ses prises d’eau municipales (risque qui aurait été pris en compte dans les deux plans). Alors que la glace fondait en mars, avant l’ouverture de la Voie maritime plus tard le même mois, le débit du lac Ontario est demeuré très élevé (légèrement en dessous des valeurs maximales). Étant donné que les prévisions au début de mars 2019 ne laissaient pas entrevoir de conditions météorologiques extrêmes, il est peu probable que le Conseil aurait dérogé au plan 1958-D pour en augmenter considérablement le débit; s’il l’avait fait, cela aurait réduit le niveau d’eau du lac Ontario d’au plus 5 cm (moins de 2 po). Lorsque la Voie maritime a ouvert à la fin du mois de mars, le Plan 2014 a de nouveau établi le débit maximal sécuritaire pour la navigation, comme cela aurait été fait sous le Plan 1958-DD. En avril et en mai, le débit record de la rivière des Outaouais et les graves inondations en aval du barrage, auraient imposé la limitation du débit du lac Ontario sous les deux plans. Enfin, pendant toute cette période, les apports d’eau dans le lac Ontario sont demeurés élevés, atteignant des niveaux records en mai. En conclusion, aucun des deux plans de régularisation n’aurait permis de relâcher davantage d’eau du lac Ontario et assez rapidement pour faire une différence significative sur son niveau d’eau et prévenir les inondations de 2019.