Plus tôt cette année, la CMI a dépêché une délégation binationale composée de commissaires et de membres du personnel à la Conférence des Nations Unies sur l’eau de 2023, à New York. Il s’agissait de la première conférence de l’ONU sur ce thème depuis 1977.
Une dizaine de milliers de participants venus du monde entier se sont réunis pendant trois jours pour discuter des efforts de plus en plus nombreux déployés à l’échelle de la planète pour faire face aux crises liées à l’eau et à l’assainissement des eaux et pour assurer un accès équitable à cette ressource. Les questions relatives aux eaux transfrontalières ont occupé une place centrale dans les débats, comme nous l’avons déjà signalé dans un article sur les principaux points à retenir de la conférence.
Bon nombre des principes de coopération promus par les Nations Unies sont appliqués le long de la frontière entre le Canada et les États-Unis dans le cadre de l’Initiative internationale des bassins hydrographiques (IIBH) de la CMI, qui célèbre son 25e anniversaire en 2023.
La réunion sur le thème de « l’eau pour la coopération » mérite une mention particulière. Axée sur la coopération transfrontalière et internationale dans le domaine de l’eau, cette partie de la conférence a été l’un des cinq « dialogues interactifs » thématiques du programme officiel. La réunion, animée par Serigne Mbaye Thiam du Sénégal et Christian Frutiger de la Suisse, a été l’occasion pour les participants d’entendre les déclarations officielles des représentants du Vietnam, de la Turquie, du Pakistan, de l’Autriche et des États-Unis.
Les messages-clés de la réunion sur l’eau pour la coopération (qui sont énumérés dans le résumé des actes de la conférence) correspondent étroitement aux principes qui sous-tendent l’IIBH. Selon les actes de la conférence, 153 pays se partagent des cours et plans d’eau ou des aquifères, dont quelque 310 bassins fluviaux et 468 aquifères. De plus, les changements climatiques, la croissance démographique, les changements dans l’occupation des sols et les impacts environnementaux présentent tous des défis susceptibles de mener à des conflits et à des différends liés à l’eau.
Les discussions ont mis en évidence la valeur de la coopération transfrontalière dans le domaine de l’eau et ont souligné que ces efforts doivent inclure les peuples autochtones, les résidents et des parties prenantes comme le secteur privé, le monde agricole et les organisations environnementales.
Les participants ont également fait remarquer que les organisations de gestion des bassins versants sont de « véritables agents de paix » qu’il convient de renforcer plutôt que de s’en remettre à des frontières géopolitiques strictes. Le document conceptuel du Secrétariat des Nations Unies relatif à la discussion souligne l’importance de la recherche scientifique coopérative et de l’expertise qui comprend à la fois les méthodes scientifiques occidentales et les savoirs écologiques autochtones.
Sur tous ces points, les principes de l’IIBH sont un réel exemple du succès potentiel de ce genre de gestion coopérative. L’approche écosystémique intégrée de l’IIBH, qui consiste à examiner les bassins hydrographiques dans leur ensemble, préconise la prise en compte de tous les aspects de l’écosystème au Canada et aux États-Unis au moment de résoudre des problèmes et de prendre des décisions de gestion.
L’inclusion et la participation du public sont d’autres principes-clés de l’IIBH.
Les conseils de la CMI sur les bassins hydrographiques sont composés de membres de divers organismes étatiques, provinciaux et fédéraux qui traitent de sujets allant de l’infrastructure aux transports en passant par l’environnement et l’agriculture. Les membres de ces conseils proviennent de collectivités locales, de nations autochtones et d’établissements de recherche. Cet éventail d’expertise permet de profiter de points de vue variés et des connaissances spécialisées de tous les secteurs, et permet aussi de tenir des discussions approfondies en lien avec la prise de décisions relative aux domaines d’étude, aux recommandations et à la gestion de l’eau.
Le projet en cours dans le bassin du lac des Bois et de la rivière à la Pluie, qui vise à recommander de nouveaux objectifs en matière de qualité de l’eau et de niveaux d’alerte, est un exemple de la façon dont les divers points de vue peuvent être rassemblés pour favoriser le règlement des enjeux liés aux bassins hydrographiques. Les membres du Conseil international du bassin du lac des Bois et de la rivière à la Pluie ainsi que des groupes consultatifs proviennent des quatre coins du bassin; ils contribuent tous à la formulation des recommandations adressées à la CMI et aux gouvernements du Canada et des États-Unis.
Un autre exemple est l’étude de la remontée des poissons par le Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix en collaboration avec les nations autochtones, la Société d’énergie du Nouveau-Brunswick, les groupes étatiques, provinciaux, locaux et environnementaux.
L’événement des Nations Unies a en outre permis de souligner le lien entre, d’une part, l’adaptation aux changements climatiques, les mesures d’atténuation des changements climatiques et la résilience locale, et, d’autre part, la coopération dans les bassins hydrographiques transfrontaliers.
Voilà un autre secteur où l’IIBH a fait œuvre de pionnière avec, en tant que principe directeur, la gestion adaptative. La gestion adaptative revient à reconnaître que les écosystèmes changent constamment, en particulier en raison des changements climatiques et des pratiques d’occupation des sols, et que les besoins des habitants du bassin sont en constante évolution.
La gestion adaptative signifie que les conseils se doivent d’évaluer régulièrement l’efficacité de leurs pratiques et de leurs décisions au vu de nouvelles informations, connaissances et données scientifiques, afin de s’assurer qu’ils peuvent s’acquitter de leurs responsabilités.
L’un de ces exemples est le Cadre d’orientation sur les changements climatiques (CCGF) que les conseils de la CMI ont appliqué pour étudier l’effet des changements climatiques sur les responsabilités de la Commission dans leur bassin.
Le Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix a terminé sa première évaluation climatique sur la base du CCGF en 2018, et le Conseil international du bassin du lac des Bois et de la rivière à la Pluie est également passé au travers de certains pans du cadre. D’autres conseils dans les bassins de l’ouest, comme ceux du lac Osoyoos et du lac Kootenay, ont entamé une démarcher selon le CCGF. Le projet d’objectifs et d’alertes en matière de qualité de l’eau du Conseil du bassin du lac des Bois et de la rivière à la Pluie s’inscrit dans cette logique, tout comme l’Étude de la consommation réalisée par les agents régulateurs des rivières St. Mary et Milk, qui est fondée sur des décennies de données en vue de permettre une meilleure estimation de la quantité d’eau consommée ou évaporée le long de ces deux cours d’eau partagés.
Les participants à la session des Nations Unies ont reconnu que ce type de coopération est un effort à long terme constitué de petites étapes et d’occasions de dialoguer en dehors des réunions officielles. L’IIBH le reconnaît également, car la tenue de « dialogues ouverts et respectueux » fait partie de ses principes directeurs.
L’IIBH favorise la confiance et la compréhension mutuelles, de même que la collaboration avec les ayants droit et les parties prenantes. Bien que le consensus ne soit pas toujours possible, il convient que chacun soit entendu et que son point de vue soit pris en compte. L’IIBH a permis d’appuyer d’autres approches en dehors des réunions officielles pour ce genre de travail, comme dans le cas du Conseil international de contrôle du lac Osoyoos lors du Forum sur la science de l’eau du lac Osoyoos en 2007, 2011, 2015 et 2022.
Compte tenu de l’abondance des eaux partagées dans le monde, la CMI et l’IIBH sont d’excellents exemples de la façon dont les pays et les collectivités peuvent travailler ensemble pour faire en sorte que de précieuses ressources soient gérées de la façon la plus efficace possible au profit de tous. Parmi les points-clés de la Conférence des Nations Unies sur l’eau, mentionnons : la reconnaissance que l’eau permet de connecter tous les peuples, qu’elle est un élément commun pour le développement et que la cogestion réussie de l’eau est un moyen non négligeable d’éviter les conflits.
Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.