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De la terre à l’eau, les dernières recherches des conseils des Grands Lacs de la CMI sur les nutriments

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Allison Voglesong Zejnati
IJC
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Source : CMI

 

Depuis les années 1960, la Commission mixte internationale (CMI) s’intéresse de près à la présence de nutriments dans les Grands Lacs, et elle a d’ailleurs adressé de nombreuses recommandations stratégiques à cet égard aux gouvernements du Canada et des États-Unis. Les proliférations d’algues dans le lac Érié sont au cœur du premier Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs (AQEGL) de 1972. La CMI, par l’entremise de ses conseils consultatifs des Grands Lacs, continue d’étudier les nutriments, leur gestion ainsi que la qualité de l’eau, et elle formule régulièrement des recommandations à ce sujet.

Les nutriments sont en fait les matières nutritives qui nourrissent les organismes à la base du réseau trophique (ou chaîne alimentaire). Ces organismes, qui génèrent leur propre matière organique, comprennent des plantes, des algues et des cyanobactéries. Quand ils sont présents dans de bonnes proportions, les nutriments sont non seulement bons pour le milieu, mais ils sont aussi essentiels à la vie. En revanche, quand ils sont en excès, ils peuvent créer des conditions propices à une dégradation de la qualité de l’eau. Chaque écosystème des Grands Lacs a besoin de sa propre alimentation équilibrée en nutriments, puisqu’une bonne alimentation favorise la santé de la chaîne alimentaire. Les algues sont donc un fondement important du réseau trophique de tout plan d’eau, mais les grandes proliférations d’algues peuvent être une nuisance ou avoir des effets nocifs sur la vie aquatique et la qualité de l’eau.

Les nutriments pénètrent dans l’eau par des sources ponctuelles, comme les tuyaux des usines de traitement des eaux usées, ou par des sources diffuses comme les champs agricoles fertilisés ou les zones forestières. En 2018, la CMI a publié un rapport sur les tendances d’épandage d’engrais dans le bassin occidental du lac Érié qui a révélé que les engrais commerciaux sont la principale source de phosphore liée aux activités agricoles en général. À la faveur de nouvelles données publiée dans un rapport complémentaire, le Comité des priorités scientifiques du Conseil consultatif des sciences des Grands Lacs (CCS) a estimé que les applications agricoles globales ont légèrement diminué ces dernières années, bien que l’utilisation commerciale d’engrais ait augmenté au Canada. 

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Crédit photo : CMI (voir l’infographie complète ici)

Si les engrais commerciaux sont au cœur du problème dans le bassin occidental du lac Érié, le fumier provenant des exploitations d’engraissement du bétail est une préoccupation dans toute la région des Grands Lacs. Celui-ci contient certes des éléments nutritifs qui contribuent à la croissance des cultures, mais son épandage en quantités excessives, ou au mauvais moment, peut polluer les eaux.

À la fin de 2019, le Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs (CQE) a publié un rapport sur les règles régissant la gestion du fumier concentré stocké dans les installations d’élevage, rapport qui présente une infographie. On y recommande que les États et les provinces bordant les Grands Lacs coordonnent leurs règles en matière d’entreposage et d’épandage de fumier, en suivant le modèle de l’Ontario.

Le CQE a, depuis, organisé des webinaires pour recueillir des commentaires sur la faisabilité de ces recommandations. En avril, le Conseil a organisé un webinaire s’adressant aux producteurs agricoles et à des ONG. En mai, le conseil d’administration a tenu un webinaire public pour répondre aux questions. On peut le revoir ici (en anglais seulement.)

Plus tard cette année, le CQE résumera les principaux messages découlant des commentaires reçus et transmettra à la CMI les enseignements qu’il faut en tirer. Il lui donnera aussi des conseils sur les prochaines étapes à suivre pour ce qui est de la politique de gestion du fumier dans le bassin des Grands Lacs.

En ce qui concerne les données utilisées pour estimer l’ampleur de la charge en nutriments dans les cours d’eau, les rapports du CCS et du CQE font état de lacunes statistiques considérables. Afin de pouvoir mesurer, suivre et prévoir les charges en nutriments, les scientifiques et les gestionnaires s’appuient sur des données de surveillance et sur des modèles informatiques. Toutefois, les lacunes dans les données disponibles limitent souvent la précision des modèles informatiques.

Dans un rapport de 2019, le Comité de coordination des recherches du CCS examine la possibilité de modéliser la gestion des éléments nutritifs par le biais de la gestion adaptative. En ce qui concerne la gestion des charges de nutriments dans les bassins occidental et central du lac Érié, le rapport recommande d’améliorer la coordination entre les modèles et les organismes, par l’application d’un cadre de gestion adaptative.

Les récents rapports des conseils consultatifs de la CMI sur les Grands Lacs ont mis l’accent sur la surabondance de nutriments dans les lacs et sur leurs effets sur le littoral. Un prochain rapport du Comité des priorités scientifiques du CCS, qui doit être publié plus tard cet été, examine les complications susceptibles de survenir dans la chaîne alimentaire quand les niveaux de nutriments diminuent dans les régions extracôtières des lacs.

L’AQEGL fixe des cibles de charge en nutriments pour chaque lac, à l’échelle binationale. On continue d’assister à des proliférations d’algues nuisibles le long des baies et des plages des lacs Michigan-Huron, Ontario et dans bassin oriental du lac Érié. D’un autre côté, on constate une diminution, en deçà des cibles, des concentrations totales de phosphore dans les secteurs plus au large. Les scientifiques avancent l’hypothèse que ce phénomène est en partie dû au fait qu’à proximité des berges, le phosphore est « piégé » par les moules zébrées et quaggas envahissantes et par les algues nuisibles, ce qui perturbe la chaîne alimentaire dans les zones situées loin des berges et qui prive les poissons indigènes de leurs sources d’alimentation.

Le prochain rapport du Comité des priorités scientifiques du CCS sera le fruit d’un projet de recherche pluriannuel ayant consisté à mettre à jour les données actuelles sur les tendances relatives aux nutriments et à la production de poissons au large, et à faire scientifiquement le point sur les causes probables du déclin de la productivité des pêches dans les lacs.

Qu’il s’agisse des conséquences de l’épandage commercial d’engrais et de fumier dans les champs ou de l’impact des charges de nutriments sur la productivité des poissons, les conseils consultatifs de la CMI sur les Grands Lacs continuent de rendre compte des avancées en matière de sciences et de politiques sur les nutriments. La Commission et ses conseils consultatifs s’attendent à ce que leurs conseils aident les gouvernements dans leurs travaux dans ce domaine, en particulier pour ce qui est des mesures et des programmes en vertu de l’annexe 4 de l’AQEGL.

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Allison Voglesong Zejnati
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Allison Voglesong Zejnati is public affairs specialist at the IJC’s Great Lakes Regional Office in Windsor, Ontario.

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