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Des expériences dans l’espoir de contrôler les populations de moules envahissantes sur le récif

kevin bunch
Kevin Bunch
good harbor bay

Le récif de Good Harbor, dans le lac Michigan, est ravagé par le botulisme aviaire et une efflorescence extrême d’algues depuis que deux espèces envahissantes, les moules zébrées et les moules quaggas, se sont installées sur son fond rocailleux à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Deux expériences sont menées pour déterminer s’il est possible de contrôler ces espèces envahissantes et quelles seraient les conséquences de ces mesures sur l’écosystème local. Si ces expériences sont concluantes, elles pourraient ouvrir la voie à la prise de mesures similaires de contrôle et d’élimination dans d’autres baies et affluents des Grands Lacs.

La moule dreissénidée, espèce également envahissante, provient de la région pontocaspienne d’Europe de l’Est et est un organisme filtreur prolifique qui dévore le plancton dans les eaux à proximité des berges. La réduction subséquente de la quantité de phytoplanctons, lesquels transforment la lumière du soleil et les éléments nutritifs en aliments pour d’autres organismes, a eu un effet d’entraînement sur le réseau alimentaire de sorte que les populations de poissons ont diminué.

Comme les moules mangent le phytoplancton, l’eau est plus claire et les déchets de moules fertilisent le fond du lac. Or, cette fertilisation permet à des espèces d’algues benthiques, comme le Cladophora, de se multiplier et de former un tapis massif.

Bien que peu de données aient été recueillies, le récif de Good Harbor est reconnu comme étant un important habitat de fraie pour des espèces comme le touladi et le corégone. Il constitue donc un site tout indiqué pour la mise à l’essai des techniques de contrôle qui pourraient être appliquées à d’autres récifs et à des habitats de fraie dans l’ensemble des Grands Lacs.

Dans le cadre de la première expérience, des équipes ont été envoyées dans l’eau en 2016 pour enlever manuellement les moules envahissantes des roches. Pour la seconde expérience, qui doit commencer dès août si le permis est obtenu à temps, un biopesticide, le Zequanox contre les moules sera appliqué de façon ciblée directement sur le fond du récif.

Une équipe surveillera ensuite les sites pour voir si les moules reviennent sur le récif et pour déterminer les conséquences sur la communauté de bactéries et la croissance excessive d’algues nuisibles; ces deux problèmes découlent des changements écologiques causés par les moules filtreuses. « Le projet d’enlèvement manuel des moules fait l’objet d’un suivi depuis plusieurs années et les résultats préliminaires semblent prometteurs », indique Julie Christian, chef des ressources naturelles, Sleeping Bear Dunes National Lakeshore.

mussels clinging
Des moules envahissantes s’accrochent à la coquille des moules indigènes des Grands Lacs. Crédit photo : Département des ressources naturelles du Wisconsin

Selon Mme Christian, au cours de la période de surveillance, les scientifiques ont constaté que, sur les roches où les échantillons de moules et d’algues ont été prélevés, la recolonisation ne se faisait pas rapidement. Soucieux de voir si cette mesure pouvait être appliquée à plus grande échelle et de ramener le site à son état préalable à l’invasion, des plongeurs du Service des parcs nationaux, de l’Université du Wisconsin-Milwaukee et de la communauté locale ont commencé à se rendre sur le site pour enlever manuellement les moules des roches à l’aide de truelles dans une zone de 40 mètres carrés (430 pieds carrés) du récif.

« Les résultats préliminaires montrent un changement dans les algues dans la zone, tant sur le plan de la quantité d’algues que sur le plan de la composition des algues, indique Mme Christian. On ne trouve plus de Cladophora dans cette zone, algue qui est un élément important du cycle du botulisme aviaire. » Le botulisme aviaire est une maladie causée par une neurotoxine rejetée par la bactérie Clostridium botulinum. Cette neurotoxine peut tuer les oiseaux qui mangent des gobies arrondis, lesquels s’alimentent de moules zébrées qui se sont nourries de bactéries et qui accumulent la toxine.

Mme Christian indique que les moules envahissantes ne sont pas revenues dans la partie du récif qui a été nettoyée. L’hypothèse de travail est que le gobie mange les jeunes moules, ce qui empêche la moule de redevenir un problème.

L’élimination manuelle exige beaucoup de main-d’œuvre et peut coûter cher, de sorte qu’il n’est que possible de nettoyer de petites zones précises et qu’il est impossible de nettoyer un environnement aussi vaste que celui des Grands Lacs. « L’association binationale Invasive Mussel Collaborative, coordonnée par la Commission des Grands Lacs (CGL) avec le financement de l’US Geological Survey et de l’initiative de restauration des Grands Lacs, souhaite voir si le Zequanox peut être appliqué pour contrôler efficacement les moules et obtenir des résultats similaires à ceux du nettoyage des récifs par l’enlèvement manuel », indique Erika Jensen, gestionnaire du projet de la CGL.

Le Zequanox est composé principalement de cellules mortes d’une souche bactérienne appelée pseudomonas fluorescens, qui se trouve communément dans le sol et l’eau et qui renferme des composés létaux pour les moules zébrées et quaggas. La substance endommage le système digestif des moules envahissantes qui la mangent puis les tue. Les essais indiquent que ces cellules bactériennes n’ont pas d’effet sur la majorité des invertébrés, des oiseaux, des plantes, des poissons et des autres moules indigènes (bien que des effets ont été observés sur la truite brune européenne). De plus, ce traitement est biodégradable et ne demeure pas dans l’environnement.

« Lors de l’application du Zequanox, un système de confinement sera placé sur le site d’essai sur le récif », fait observer Mme Jensen. La substance devrait tuer complètement les moules et cet essai permettra de surveiller les résultats. La CGL et ses partenaires de projet souhaitent voir si les coquilles des moules seront nettoyées naturellement, ainsi qu’observer la réaction de l’écosystème environnant (c.-à-d. la fraie des poissons, l’activité des gobies arrondis, la croissance du Cladophora et les réactions des communautés benthiques et microbiennes). Selon Mme Jensen, si tout va bien, l’application du Zequanox aura lieu en août, lorsque le temps sera calme et l’eau sera chaude.

Les responsables espèrent voir si l’application directe du Zequanox sur le fond du récif serait une solution viable dans un environnement plus vaste. Normalement, le Zequanox est appliqué dans toute la colonne d’eau, mais cette approche ciblée permettrait d’utiliser une moins grande quantité de produit et ainsi permettre des économies.

Mme Jensen fait remarquer que, comme le projet est à petite échelle, l’ampleur de la réaction de l’écosystème est incertaine, mais que le travail devrait fournir des indications des possibilités à plus grande échelle. Après l’application du Zequanox, la School of Freshwater Science de l’Université du Wisconsin-Milwaukee collaborera avec le département des ressources naturelles du Michigan et l’Université du Michigan pour surveiller le site pendant plusieurs semaines; la CGL et les partenaires du projet espèrent pouvoir poursuivre le suivi en 2020.

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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