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Éliminer la pollution par les nutriments à coup de… tomates!

kevin bunch
Kevin Bunch
tomato plant roots

Selon une étude publiée récemment par l’Université de Windsor, le système racinaire de la tomate s’avère efficace, peu coûteux et écologique dans l’élimination de l’eau d’éléments nutritifs comme le phosphate. La capacité des racines à cet égard se compare favorablement à celle d’éléments couramment utilisés, comme de la sciure de bois ou des mollusques contenant des nanoparticules de fer.

Pour David Ure, étudiant au doctorat au Département de chimie et de biochimie de l’Université de Windsor, on ne s’explique pas vraiment l’efficacité des racines de tomate dans l’élimination du phosphate et, dans une moindre mesure, du nitrate. On a constaté que les composés naturels présents dans le système racinaires de la tomate excellent à fixer les nutriments, surtout par rapport à d’autres substances, comme le fer chélaté, qui sont couramment utilisées par les agriculteurs.

« L’élimination du phosphate et du nitrate des eaux usées agricoles (à la source) est une bonne façon d’éviter que ces éléments n’entrent dans l’écosystème », affirme M. Ure. « Pour éliminer le phosphate, on peut recourir au fer et à d’autres métaux, mais nous venons de découvrir qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser du fer, car la structure chimique tout à fait unique des racines de tomate suffit à la tâche. »

Il est essentiel d’éliminer le phosphate et le nitrate des systèmes d’eau agricoles avant qu’ils ne pénètrent dans les réseaux d’eau, car les municipalités, les États et les provinces s’efforcent de réduire le ruissellement des nutriments dans les Grands Lacs en vertu de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs. Les gouvernements du Canada et des États-Unis, ceux de la province de l’Ontario et des États riverains du lac Érié ont convenu de réduire de 40 % la quantité de nutriments pénétrant dans le lac d’ici 2025 (par rapport aux niveaux de 2008), cela afin de freiner la prolifération d’algues nuisibles.  

Dans son exposé devant l’International Association for Great Lakes Research (IAGLR), David Ure a indiqué que l’action des racines de tomate a été comparée à celle de copeaux de calcaire et à celle d’un mélange à base de poussière de fer, lors de tests menés à un site de Lion’s Head (Ontario) dont l’objet était de filtrer un flux d’eaux usées agricoles.

Les nutriments ont ensuite été extraits et mis en solution avec de la carboxyméthylcellulose (CMC ou carmellose), un agent d’épaississement non toxique employé dans de nombreux produits de consommation. Les copeaux de calcaire ne se sont pas avérés très efficaces, et le mélange à base de poussière de fer a commencé à se décomposer au bout de 13 jours, après avoir absorbé 26 % du phosphate et 58 % du nitrate. Les racines de tomate, elles, ont continué à capter les nutriments tout au long de la période d’essai de 23 jours, éliminant 71 % du phosphate et 58 % du nitrate. En outre, les racines se sont avérées durables.

Le grand avantage des racines de tomate par rapport aux solutions à base de fer réside dans le fait qu’il n’y a pas ensuite de lixiviation du fer dans l’eau filtrée. Ure note que les filtres à base de métaux comme le fer peuvent perdre une partie de leur teneur en métaux dans l’eau, une charge qui peut s’accumuler avec le temps. 

« S’agissant de capacité de captation, les racines ne sont pas ce que l’on connaît de mieux, mais elles sont l’un des moyens les plus efficaces pour éviter d’avoir à utiliser des métaux », devait ajouter Ure.

En outre, toujours selon Ure, même si les racines deviennent des déchets une fois la plante morte, elles sont beaucoup moins dispendieuses à l’emploi que d’autres solutions. Les agriculteurs pourraient réutiliser ce ruissellement de nutriments dans leurs champs en plantant des tomates faisant office de filtres. D’autres options de réutilisation de ces nutriments sont bien sûr possibles, telles que leur captation par de la CMC sous forme liquide ou en poudre, mais ces autres formes seraient probablement plus coûteuses que la simple utilisation de racines, devait ajouter Ure.

L’Université de Windsor est en pourparlers avec l’Autorité de conservation de la région d’Essex pour conduire de futurs essais dans la zone de terres humides du ruisseau Lebo, cela dans le cadre des efforts continus visant à maintenir les nutriments hors du lac Érié. Pour ce test, il serait question de faire une nouvelle comparaison entre le mélange à base de poussière de fer, de la fonte et des racines de plants de tomate. Les chercheurs prévoient également tester d’autres racines ainsi que des racines d’âges différents.

Ure fait remarquer que si l’on a également mis à l’épreuve les systèmes racinaires de l’ail, du poireau et du cannabis, aucun d’eux n’a fonctionné aussi bien que les racines de tomate. Une autre expérience consistera à pomper de la carmellose dans un système de filtration pour voir quelle quantité de phosphate peut être récupérée par les racines de tomate.

De plus, l’université utilise un dispositif de résonance magnétique nucléaire à semi-conducteurs, ou RMN – une technologie semblable à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) utilisée dans les hôpitaux – pour essayer de comprendre exactement ce qui rend les racines de tomate si efficaces pour fixer le phosphate. Cet indicateur pourrait devenir important dans la progression des technologies de filtration et d’élimination des nutriments.

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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