
Qui n’a pas été fasciné par les évolutions des poissons dans un aquarium, même durant un bref moment. Une minute, ils se languissent au fond ou paressent sous la surface et, l’instant d’après, ils s’agitent frénétiquement, se pourchassant les uns les autres et jouant à cache-cache dans les décorations. Cependant, vous êtes-vous déjà demandé comment les scientifiques s’y prennent pour observer le comportement des poissons dans la nature, comme dans les Grands Lacs?
Pour comprendre le comportement et les déplacements des poissons en milieu naturel, les scientifiques ont généralement recours à l’observation directe ‒ ce qui revient à suivre les poissons dans l’eau en plongée avec tuba ou bouteilles ‒, ou à l’étiquetage auquel cas, ils s’en remettent aux pêcheurs pour savoir où le poisson a finalement été pris.
En 2010, l’initiative de recherche GLATOS (pour Great Lakes Acoustic Telemetry Observation System ou système d’observation télémétrique des Grands Lacs) a commencé à suivre des poissons à l’aide de la télémétrie avancée pour essayer de percer les mystères du comportement des poissons des Grands Lacs. GLATOS est principalement financé par la Great Lakes Restoration Initiative des États-Unis ainsi que par les organismes de ressources naturelles des États, des deux gouvernements fédéraux, de nos provinces et des tribus canadiennes et américaines.
Cette recherche avait pour objet de fournir aux gestionnaires des pêches les renseignements nécessaires sur les déplacements et le comportement des poissons indigènes afin de faciliter les efforts de conservation et de restauration et de guider la gestion des espèces aquatiques envahissantes.
Les systèmes d’observation de télémétrie acoustique des Grands Lacs GLATOS consistent en une série de récepteurs de télémétrie acoustique sous-marins déployés à la grandeur du bassin des Grands Lacs en vue de surveiller les déplacements des poissons porteurs d’un émetteur acoustique.
Quand un poisson marqué passe suffisamment près d’un récepteur pour que celui-ci « entende » le signal unique qui est émis, l’information captée est enregistrée par le récepteur où elle demeure stockée jusqu’à ce qu’elle puisse être téléchargée. Dans certains cas, il est même possible de surveiller cette information en temps réel.
Outre qu’ils peuvent déterminer la présence ou l’absence des poissons pris individuellement, les chercheurs peuvent connaître la température et la profondeur d’eau dans laquelle évolue un poisson si son émetteur est programmé pour enregistrer ces informations.
À ce jour, des poissons aussi gros que l’esturgeon jaune (qui peut atteindre près de 2 mètres ou 6 pieds de long) et des poissons plus petits comme la perchaude ont été marqués et suivis avec succès dans l’ensemble des Grands Lacs.
En date d’août 2020, plus de 13 000 poissons individuels représentant 47 espèces différentes avaient été marqués et relâchés dans le cadre de cette recherche, ce qui correspond à près de 390 millions de points de détection. Plus de 1 600 récepteurs acoustiques actifs associés au réseau GLATOS ont maintenant été déployés. Non seulement les chercheurs du projet GLATOS peuvent mieux comprendre les caractéristiques démographiques des populations étudiées, comme leur taux de survie et de déplacement, mais ils peuvent aussi fournir aux gestionnaires des pêches des renseignements importants sur l’utilisation à grande et à petite échelle de l’habitat d’espèces indigènes et non indigènes dans l’ensemble du bassin.
Par exemple, la télémétrie acoustique a été utilisée pour évaluer le comportement du frai et la sélection de l’habitat par le touladi près de l’île Drummond dans le lac Huron, ainsi que les déplacements du touladi et de l’esturgeon jaune dans le corridor Huron-Érié de la rivière Sainte-Claire, du lac Sainte-Claire et de la rivière Détroit.
Les données de télémesure ont également joué un rôle important dans l’évaluation des méthodes actuelles et dans l’élaboration de nouvelles stratégies de lutte contre les espèces aquatiques envahissantes, comme la lamproie marine et la carpe de roseau.
En outre, bien que la plupart des recherches menées à ce jour aient porté sur la compréhension des lieux d’évolution et du moment de déplacement (ou d’occupation) dans une zone particulière, les chercheurs espèrent à l’avenir mieux comprendre pourquoi les poissons occupent une zone particulière et comment les conditions environnementales influencent le mouvement et le comportement.
Chercheurs et gestionnaires ont besoin de réponses à des questions comme : Comment les poissons réagissent aux proliférations d’algues nuisibles? Les poissons modifient-ils leur comportement face au développement de proliférations? Sont-ils plus ou moins vulnérables aux prédateurs quand des proliférations apparaissent? Comment les poissons réagissent-ils dans les zones où les niveaux d’oxygène dissous sont faibles, ce qui se produit pendant l’été, comme dans les secteurs occidentaux et centraux du lac Érié, du lac Huron et de la baie Saginaw, ainsi que du lac Michigan et de la baie Green?
En comprenant le mouvement et le comportement des poissons, les gestionnaires des pêches peuvent mieux gérer ces ressources importantes sur les plans écologique et économique dans l’ensemble des Grands Lacs.