Le Conseil consultatif des professionnels de la santé fait progresser l'analyse des menaces microbiennes pesant sur la qualité de l'eau et la santé publique dans les Grands Lacs

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Cet été, de nombreuses familles se prélassent au soleil, s’adonnent aux plaisirs de la natation, de la navigation ou de la pêche et fréquentent les milliers de plages bordant les Grands Lacs et formant plus de 10 500 milles (16 000 kilomètres) de littoral d’eau douce. Toutefois, certains de ces vacanciers pourraient se retrouver sous les lampes fluorescentes d’un cabinet médical en train de se plaindre d’un mal de ventre, d’éruptions cutanées ou d’autres malaises causés par des microorganismes aquatiques. D’autres encore refuseront de se baigner dans des eaux envahies d’algues qui leur donnent davantage l’apparence d’une soupe aux pois que d’un plan d’eau douce. 

Le projet d’évaluation de la qualité microbienne de l’eau dans les Grands Lacs, du Conseil consultatif des professionnels de la santé (CCPS) de la Commission mixte internationale, indique que nous pouvons et devrions améliorer la façon dont nous testons ces menaces microscopiques perturbantes pour la santé de nos eaux partagées et pour la nôtre.

Le dernier rapport sur l’état des plages en 2023 (en anglais seulement), de l’Environmental Protection Agency des États-Unis, montre qu’en 2023, un tiers des plus de 5 000 plages surveillées à l’échelle nationale ont fait l’objet d’au moins un avis ou une fermeture, ce qui s’est traduit par une réduction de près de 10 % des journées de plage. On estime qu’à l’échelle des États-Unis, la natation, le canotage, la navigation et la pêche sont à l’origine de plus de 90 millions de cas de maladies gastro-intestinales, respiratoires, auditives, oculaires et cutanées par année, pour un coût annuel de 2,9 milliards de dollars américains (4 milliards de dollars canadiens). 

« Ce n’est pas seulement parce qu’elle cause occasionnellement des maux d’estomac que la qualité de l’eau des Grands Lacs revêt une telle importance pour la santé publique », précise Tom Edge, professeur de biologie à l’Université McMaster et coprésident canadien du CCPS. 

« La qualité microbienne de l’eau des Grands Lacs peut changer rapidement, ce qui a une incidence sur les dizaines de millions de personnes qui comptent sur l’écosystème comme source sûre d’eau potable et d’activités récréatives », ajoute-t-il.

Une grande partie des problèmes constatés, comme les maladies d’origine hydrique contractées dans les eaux récréatives et les nécessaires avis d’ébullition d’une eau traitée et normalement potable, tient aux grandes quantités d’eaux usées non traitées rejetées dans les Grands Lacs. Il y a aussi des préoccupations émergentes comme les proliférations d’algues nuisibles, les problèmes de goût et d’odeur, et une plus grande prévalence de la résistance aux antimicrobiens.

Des recherches récentes du CCPS ont révélé un lien entre les précipitations extrêmes après une longue période de sécheresse et une augmentation du taux de maladies gastro-intestinales (sélectionner la langue française) dans les localités riveraines des Grands Lacs à cause de la présence de protozoaires dans l’eau du robinet. Le Conseil a également résumé l’état des connaissances scientifiques sur les effets sur la santé des proliférations d’algues toxiques (en anglais seulement).

Selon M. Edge : « Les changements climatiques et les phénomènes météorologiques extrêmes, ainsi que le vieillissement des infrastructures de traitement des eaux usées et de l’eau potable ne font qu’aggraver et rendre plus urgentes les menaces à la santé publique liées à la qualité de l’eau. Il faut s’attendre à ce que, dans l’avenir, ces divers facteurs continuent de nuire à la santé humaine et aux économies locales sur les berges des Grands Lacs. »

Avant de jeter l’éponge et de renoncer aux plaisir de la plage, on peut toujours consulter des applications comme le Guide de natation qui renseignent sur les avis et les fermetures concernant les plages surveillées de partout dans le monde. Et puis, les médias locaux diffusent les alertes émises par les responsables de la santé publique quand il est nécessaire de faire bouillir l’eau du robinet.

« Même si nos téléphones intelligents nous permettent, n’importe où et n’importe quand, de consulter des sites Web sur la qualité de l’eau, en réalité, l’activité de surveillance elle-même n’est pas aussi à jour qu’il y paraît », précise Joan Rose, professeure à l’Université d’État du Michigan, titulaire de la chaire Homer Nowlin en recherche aquatique et coprésidente américaine du CCPS.

« En effet — précise notre interlocutrice —, un avis d’ébullition d’eau émis aujourd’hui est fondé sur des échantillons recueillis et analysés la veille, voire plus tôt. Le processus de surveillance de la qualité de l’eau repose sur des outils dépassés, qui exigent du temps, comme les microscopes, les boîtes de Pétri et d’autres méthodes désuètes, pour mesurer et suivre les causes de ces menaces et d’autres menaces à la santé publique ».

« De nouveaux moyens, comme les techniques moléculaires et génomiques, permettent non seulement de parvenir plus rapidement à des résultats, mais aussi d’identifier et de retrace la source (en anglais seulement) de ces menaces microscopiques. « Le fait de savoir si le problème provient des excréments d’oies et de goélands ou d’une fuite d’eaux usées aide à prendre des décisions sur la façon de régler le problème et, dans la mesure du possible, d’empêcher qu’il ne se reproduise », ajoute Joan Rose.

Il est impératif de moderniser les moyens de surveillance et d’évaluation de la qualité de l’eau pour protéger la santé publique. C’est d’ailleurs à cette fin que le CCPS lance un projet pilote, dans le cadre du programme d’évaluation de la qualité microbienne de l’eau des Grands Lacs, qui consiste à déployer des technologies nouvelles et novatrices avec l’aide d’experts du Canada, des États-Unis, des Premières Nations et des tribus.

Ce n’est pas la première fois que la Commission mixte internationale dirige une étude à l’échelle du bassin pour évaluer les menaces que la qualité de l’eau fait peser sur la santé publique dans le secteur des Grands Lacs. En effet, en 1918, donc peu après la création de la CMI par le Canada et les États-Unis aux termes du Traité des eaux limitrophes de 1909, la Commission a mené des recherches novatrices et publié une étude (en anglais seulement) sur la qualité de l’eau dans les Grands Lacs, au Canada et aux États-Unis. Celle-ci a conclu que la pollution des eaux usées non traitée expliquait la prévalence anormale de fièvre typhoïde et d’autres menaces en matière d’assainissement et de santé humaine.

Un siècle plus tard, le Conseil consultatif des professionnels de la santé positionne de nouveau la Commission à l’avant-scène d’un effort déployé à l’échelle du bassin en vue de cartographier les liens entre la qualité de l’eau des Grands Lacs et la santé humaine.

Ce projet est en gestation depuis 2019; le Conseil a d’abord déterminé la faisabilité générale d’une telle étude dans son rapport de 2021 (en anglais seulement), et le travail qui a suivi en vue de définir les paramètres d’une étude d’évaluation de la qualité de l’eau à grande échelle a abouti à la publication d’un autre rapport l’an dernier (en anglais seulement). Le CCPS envisage maintenant de lancer une étude de validation de la méthode et une étude pilote pour déterminer ce que pourrait donner une évaluation à grande échelle de la qualité microbienne de l’eau des Grands Lacs.

Le Conseil consultatif des professionnels de la santé est en train de mettre sur pied un comité directeur composé d’experts du Canada, des États-Unis, des Premières nations et des tribus, qui établira des objectifs, des stratégies et des options de financement communs pour la mise en œuvre de l’étude à grande échelle. En outre, un groupe de travail technique sera chargé d’effectuer une planification scientifique détaillée et de coordonner des études de validation interlaboratoires et une étude pilote de démonstration, ainsi que le déploiement éventuel de l’étude principale à l’échelle du bassin. 

« Il est urgent de moderniser les techniques et d’adopter les meilleures technologies possibles pour protéger la santé humaine. Pour ce faire, nous devons mettre à profit et coordonner l’expertise scientifique dans le bassin des Grands Lacs. Ce conseil de la CMI recrute activement des professionnels pour contribuer à cet effort multinational et multidisciplinaire », conclut M. Edge.

Les experts et les laboratoires intéressés peuvent communiquer avec le Conseil consultatif des professionnels de la santé de la Commission mixte internationale pour savoir comment participer au projet d’évaluation de la qualité microbienne de l’eau des Grands Lacs.

 

Contact: Allison Voglesong Zejnati, allison.voglesong-zejnati@ijc.org, 519-551-0952