Harmonisation des données
Les États-Unis et le Canada ont élaboré leurs propres ensembles de données hydrographiques en se fondant sur différentes normes et approches. Les cartes des rivières, des lacs et des limites des bassins hydrographiques dans ces ensembles de données s’arrêtaient à la frontière internationale et, bien souvent, ne correspondaient pas aux cartes du pays voisin, ce qui engendrait une certaine incertitude à propos du comportement de l’eau. Ce manque de continuité des données s’est révélé problématique pour les gestionnaires, les planificateurs et les scientifiques qui les utilisent. Cependant, les écosystèmes ne respectent pas les frontières politiques. Une bonne compréhension de ces environnements est pourtant essentielle à l’évaluation de questions comme la santé des écosystèmes, les risques d’inondation et de sécheresse, ainsi que la gestion des ressources en eau.
Consciente à la fois des défis que posait l’incohérence des données ainsi que des avantages potentiels que pourrait procurer une meilleure mise en correspondance des ensembles de données hydrographiques géospatiales le long de la frontière internationale, la Commission mixte internationale (CMI) a convoqué en 2008 le Groupe de travail sur l’harmonisation des données hydrographiques transfrontalières (GTHDHT). Ce projet a été désigné comme une priorité stratégique de la CMI dans le cadre de l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques (IIBH), une initiative du XXIe siècle qui reconnaît que les écosystèmes fonctionnent en tant qu’entités globales et qu’ils doivent être gérés en tant que tels, au-delà des frontières et des administrations compétentes traditionnelles. L’harmonisation des données est essentielle au succès de cette initiative axée sur les bassins hydrographiques et comptant sur la participation locale.
Contexte / problématique
Un ensemble de données hydrographiques géospatiales numériques renferme de l’information sur les eaux de surface d’une région, y compris ses rivières, ruisseaux, canaux, lacs, étangs, glaciers, barrages et ses côtes ainsi que les limites de ses bassins hydrographiques. Les États‑Unis et le Canada ont chacun élaboré leurs propres ensembles de données hydrographiques en se fondant sur des normes et approches différentes. Du point de vue fédéral et provincial canadien, ces ensembles de données hydrographiques fondamentales sont connus comme le Réseau hydrographique national (RHN) du Canada et la version fonctionnelle des aires de drainage fondamentales (ADF) du Canada. Du point de vue du gouvernement fédéral et des États américains, les ensembles de données géospatiales comprennent le National Hydrography Dataset (NHD) des États-Unis pour les eaux de surface et le Watershed Boundary Dataset (WBD) des États-Unis pour les aires de drainage. Ces ensembles de données nationales s’arrêtaient à la frontière, ce qui empêchait un échange transfrontalier transparent des données et des informations hydrographiques. Les limites cartographiées des rivières, des lacs et des bassins hydrographiques étaient souvent décalées à la frontière internationale, ce qui engendrait une certaine incertitude quant au comportement de l’eau. De plus, les échelles des données, les noms des plans d’eau ainsi que d’autres renseignements qui y sont associés ne concordaient pas.
Les implications
En raison de ces incohérences hydrographiques, les utilisateurs fédéraux, étatiques, provinciaux, locaux, universitaires et privés en sont arrivés à leurs propres interprétations des cartes des eaux de surface pour la région transfrontalière. De plus, les différences dans la façon dont chaque pays présentait les données ont compliqué l’interprétation ou la mise en correspondance des résultats des études menées de part et d’autre de la frontière sur les questions environnementales et écologiques dans les bassins transfrontaliers. Par exemple, le terme anglais « basin » ne signifie pas la même chose dans le Dakota du Nord qu’au Manitoba. Ce décalage dans la façon dont l’hydrographie est décrite et quantifiée était apparent le long de toute la région frontalière.
L’une des conséquences de ces disparités était qu’une grande partie des aires de drainage était souvent négligée. Les aires de drainage, ou bassins hydrographiques, représentent la zone topographiquement définie du paysage qui s’écoule vers un ou plusieurs exutoires communs. En l’absence d’un ensemble de données uniformes, ces zones ne pouvaient être définies avec précision et s’arrêtaient souvent à la frontière internationale. Or, les écosystèmes ne respectent pas les frontières politiques, et une bonne compréhension de ces systèmes est essentielle à l’évaluation de questions comme la santé des écosystèmes, les risques d’inondation et de sécheresse ainsi que la gestion des ressources en eau. Il était clair qu’il fallait trouver un moyen d’harmoniser les données sur les bassins hydrographiques de chaque côté de la frontière pour permettre aux organismes qui les surveillent de bien interpréter leur débit et leurs caractéristiques physiques aux États-Unis et au Canada.
L’approche
Consciente à la fois des défis que posait l’incohérence des données ainsi que des avantages potentiels que pourrait procurer une meilleure mise en correspondance des ensembles de données hydrographiques géospatiales le long de la frontière internationale, la CMI a créé en 2008 le Groupe de travail sur l’harmonisation des données hydrographiques transfrontalières (GTHDHT). Ce groupe de travail s’est donné pour objectif d’élaborer une approche binationale et coordonnée pour l’harmonisation et l’intendance à long terme des ensembles de données hydrographiques portant sur une « bande » d’aires de drainage binationales le long de la frontière internationale. En harmonisant les données binationales, cette équipe favorise la coopération et améliore la prise de décisions grâce à une information harmonisée et à une compréhension commune des deux côtés de la frontière.
Ce projet a été désigné comme une initiative stratégique de la CMI dans le cadre de l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques (IIBH), une initiative du XXIe siècle axée sur les écosystèmes, qui reconnaît que les écosystèmes, en l’occurrence les bassins hydrographiques, fonctionnent en tant qu’entités globales et qu’ils doivent être gérés en tant que tels, au-delà des frontières et des administrations compétentes traditionnelles. L’harmonisation des données est essentielle au succès de cette initiative axée sur les bassins hydrographiques et la participation locale.
La « bande »
Les zones sur lesquelles se penche le GTHDHT sont appelées la « bande », représentée ci-dessus (figure 2.0) en deux tons de bleu. Ces zones représentent plus de 10 000 aires de drainage binationales accolées le long de la frontière internationale. Cette bande transfrontalière représente les zones où des activités d’harmonisation sont en cours. Les zones cartographiées en gris représentent la zone de drainage complète ou « contributive » des réseaux hydrographiques transfrontaliers. Les partenaires des États et des provinces le long de la frontière sont tenus informés des activités dans la bande.
Le problème et la solution
Composé de représentants des deux gouvernements, le GTHDHT s’est efforcé de remédier à l’absence d’hydrographie et de zones de drainage transfrontalières sans soudure (unités hydrologiques). Le GTHDHT a donc mis sur pied deux groupes techniques binationaux, l’un axé sur l’hydrographie et l’autre sur les aires de drainage, afin de s’assurer de l’harmonisation des ensembles de données nationales respectifs des deux pays dans la bande transfrontalière.
Une approche par étapes / situation actuelle
L’initiative d’harmonisation des données hydrographiques binationales de la CMI comprenait plusieurs phases et s’est déroulée de la façon suivante :
Phase I : Appariement et rapprochement des unités hydrologiques à 8 chiffres du Watershed Boundary Dataset (WBD) des États-Unis avec les sous-aires de drainage (SSAD) du Canada de 4e niveau
Phase II : Connexion, synchronisation et croisement de l’ensemble du National Hydrography Dataset (NHD) des États-Unis avec le Réseau hydrographique national (RHN) du Canada.
Phase III : Création de nouvelles aires de drainage « harmonisées » à plus haute résolution avec des unités hydrologiques à 10 et 12 chiffres du WBD des États-Unis (qui correspondront à deux nouveaux niveaux d’aires de drainage au Canada).
Phase IV : Attribution de noms et de codes hydrographiques (attribution) aux nouvelles aires de drainage à plus haute résolution de la phase III.
Les données harmonisées des phases III et IV ont été mises à la disposition du public au moyen du WBD.
Les données harmonisées sont maintenant prêtes pour toutes les phases et sont disponibles dans chaque ensemble de données source. Ces ensembles de données sont considérés comme étant « en évolution » et continueront à être améliorés et mis à jour à mesure que de nouvelles méthodes et données de base seront disponibles.
Mises en oeuvre et résultats
L’harmonisation des données hydrographiques et des données sur les bassins hydrographiques dans la bande transfrontalière a ouvert la voie à une gamme d’activités binationales qui exigent des applications et des analyses sans soudure. Ces activités ont favorisé et élargi le développement et la découverte de données au moyen d’une gamme de projets qui s’ajoutent aux efforts du GTHDHT.
Les aires de drainage harmonisées fournissent à la communauté des ressources en eau un cadre commun pour la communication de l’information et la définition des zones visées dans le cadre des études sur l’eau. L’information harmonisée sur les aires de drainage permet aux conseils de la CMI et à d’autres organismes comme le Conseil de gouvernance de l’eau des bassins versants de la rivière Saint-François (COGESAF) d’assurer la gestion intégrée des bassins versants dans une aire de drainage reconnue.
Les données hydrographiques géospatiales comprennent une fonctionnalité qui crée un réseau permettant la délinéation en amont et en aval. Cette fonctionnalité permet d’associer au réseau des informations relatives à l’eau (telles que l’emplacement des stations hydrométriques, des ouvrages de dérivation, des échantillons de qualité de l’eau ou des barrages) et de les utiliser pour les analyses, la gestion de l’eau, l’atténuation des risques et les modèles de quantité ou de qualité de l’eau.
Les données harmonisées sont également à la base d’applications comme StreamStats et de systèmes de modélisation comme SPARROW. StreamStats est une interface Web de l’U.S. Geological Survey (USGS – service géologique des États-Unis) qui permet de délimiter rapidement le bassin versant, de calculer les caractéristiques de certains bassins et de calculer le débit prévu en tout point des cours d’eau. StreamStats pour le bassin binational de la rivière à la Pluie constitue la première mise en œuvre internationale de l’interface Web et s’appuie sur les données hydrographiques harmonisées. SPARROW est un système de modélisation mis au point par l’USGS pour estimer le transport des nutriments ou d’autres constituants dans les bassins versants. Les modèles SPARROW qui s’appuient sur les données hydrographiques harmonisées font partie de l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques. Les données harmonisées et les partenariats établis entre les agences de ressources canadiennes et américaines ont également permis à l’USGS de développer NHDPlus High Resolution pour les bassins transfrontaliers. NHDPlus High Resolution (NHDPlus HR) est un cadre prêt à l’emploi qui sous-tend l’analyse hydrographique et les modèles comme SPARROW et StreamStats.
En plus d’améliorer et de faire évoluer les modèles de ressources en eau, l’analyse et la découverte de données, les efforts d’harmonisation ont aidé les partenaires du GTHDHT à élaborer des pratiques normalisées communes pour la gestion et le conservation des données géospatiales, tout en améliorant la collaboration et en renforçant les partenariats entre les organismes qui participent au travail.
L’équipe
Les rôles du GTHDHT comprenaient les données, la supervision, les communications et la facilitation de l’intendance.
Données : Les rôles du GTHDHT comprennaient l’harmonisation des ensembles de données géospatiales sur l’eau. Il est important de veiller à ce que ces produits de données fournissent aux intervenants un système normalisé d’aires de drainage transfrontalières et d’hydrographie pour des applications et des analyses dans le monde réel. Il faut également veiller à ce que les avantages se fassent sentir partout où le GTHDHT facilite l’intégration des données harmonisées dans les programmes géospatiaux des organismes participants.
Supervision et communications : Le GTHDHT a assuré la supervision des groupes techniques d’hydrographie et d’harmonisation des aires de drainage. Cela comprenait la communication, l’interaction et la coordination, ainsi que la réception des commentaires des groupes d’hydrographie et de drainage afin de peaufiner continuellement l’approche adoptée, tout en reconnaissant et en mesurant les réussites.
De plus, le GTHDHT a renforcé et officialisé la participation des intervenants fédéraux, régionaux et locaux, tout en sensibilisant les deux gouvernements au fait qu’un soutien institutionnel constant est essentiel à l’évolution et à la durabilité à long terme de cet effort.
Les Partenaires
Au-delà des données, l’harmonisation binationale exige une collaboration.
Sans partenaires, l’harmonisation des données hydrographiques transfrontalières ne pourrait être réalisée. Le rôle unique de la CMI dans les relations canado-américaines en matière de ressources hydriques a permis au Groupe de travail sur l’harmonisation des données hydrographiques transfrontalières de faciliter la collaboration directe entre les organismes responsables de la gestion des ressources en eau au Canada et aux États-Unis.
Il est important de souligner les efforts et le temps consacrés par tous les partenaires, de même que leur contribution à participer, à examiner et à corriger conjointement des problèmes liés aux données géospatiales hydrographiques dans les bassins binationaux partagés. Le GTHDHT consacre beaucoup de temps et d’efforts à la coordination, ce qui a été la clé d’une harmonisation réussie des données hydrographiques. Voici une liste partielle des partenaires qui ont contribué à cet effort d’harmonisation.
Canada :
- Développement durable Manitoba
- Environnement Yukon
- Infrastructure Manitoba
- Environnement et gouvernements locaux Nouveau-Brunswick
- Ontario - Ministère des Richesses naturelles et des Forêts
- Québec - Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN)
- Québec - Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques
- Ressources naturelles Canada
- Saskatchewan Water Security Agency
- Service Nouveau-Brunswick
- Yukon College
- Yukon Geomatics
États-Unis :
- Maine Office of GIS
- Minnesota Department of Natural Resources
- Minnesota IT Services
- Montana State Library
- New Hampshire Department of Environmental Services
- North Dakota Department of Health
- U.S. Army Corps of Engineers
- U.S. Bureau of Land Management
- U.S. Fish and Wildlife Service
- U.S. Forest Service
- U.S. Geological Survey
- U.S. National Oceanic and Atmospheric Administration
- U.S. National Park Service
- U.S. Natural Resources Conservation Service
- University of Alaska Anchorage
- University of Michigan
- Vermont Department of Environmental Conservation
- Vermont Agency of Natural Resources
- Washington State Department of Ecology
International :
- Commission Mixte Internationale
- Lake Champlain Basin Program
- Red River Basin Commission
- Skagit Environmental Endowment Commission
- Yukon River Inter-tribal Watershed Council
Coordonnées des personnes-ressources
Glossaire
- La « bande »
- Bassins hydrographiques transfrontaliers le long de la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis qui définissent la zone du projet d’harmonisation des données hydrographiques.
- Bassin versant / aire de drainage
- Zone topographiquement définie où les eaux de ruissellement s’écoulent vers un ou plusieurs exutoires communs (SSAD/ADF et WBD/HUC8).
- Carte hydrographique
- Représentation cartographique des eaux de surface incluant les cours d’eau, les rivières, les lacs et autres caractéristiques hydrographiques (RHN et NHD).
- Initiative internationale sur les bassins hydrographiques (IIBH)
- Créée en 1997, l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques (IIBH) vise à résoudre les problèmes liés aux eaux limitrophes et se donne pour principe que la population locale est la mieux placée pour trouver des solutions, à condition de lui fournir l’aide nécessaire. Cette approche étant écosystémique, elle reconnaît que les écosystèmes fonctionnent en tant qu’entités globales et doivent être gérés en tant que tels, au-delà des frontières et des administrations compétentes traditionnelles.
- National Hydrography Dataset (NHD)
-
Ensemble de données géospatiales numériques qui représente le réseau de drainage des eaux des États-Unis et qui comprend les cours d’eau, les rivières, les lacs, etc.
- Réseau hydrographique nationale (RHN):
-
Ensemble de données géospatiales numériques qui représente le réseau de drainage des eaux du Canada et qui comprend les cours d’eau, les rivières, les lacs, etc.
- Sous-sous aires de drainage (SSAD) et aires de drainage fondamentales (ADF)
- Ensemble de données géospatiales numériques du Canada contenant de l’information sur les aires de drainage du pays selon quatre niveaux hiérarchiquement imbriqués. Les SSAD et les ADF précisent la géométrie et l’attribution des unités hydrologiques au Canada.
- Unité hydrologique (UH)
- Une unité hydrologique représente la totalité ou une partie de l’étendue du drainage des eaux de surface vers une sortie de cours d’eau choisie. Un système d’unités hydrologiques est organisé selon un système hiérarchique imbriqué qui crée un cadre de base pour l’aire de drainage pouvant servir à l’analyse et à la communication des informations sur les ressources en eau. Le choix et la délimitation de l’aire de drainage reposent sur des principes hydrologiques.
- Watershed Boundary Dataset (WBD)
- Ensemble de données géospatiales numériques des États-Unis contenant de l’information sur les aires de drainage à huit niveaux imbriqués. Le WBD précise la géométrie et l’attribution des unités hydrologiques aux États-Unis.