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« Je suis la rivière et la rivière est moi » — personnalité juridique de l’eau

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Chrissy Chiasson
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L’adage « Je suis la rivière et la rivière est moi » était au cœur du message véhiculé cette année lors de la conférence principale du Symposium sur l’eau de l’Assemblée des Premières Nations (APN), tenu à Niagara, en Ontario. 

L’objectif principal était de promouvoir les idées et les pratiques des Premières Nations. Les conférenciers principaux, Dame Tariana Turia et Turama Hawira de la Nouvelle-Zélande, ont été invités pour parler du rôle qu’ils ont joué dans la protection et la gestion du fleuve Whanganui à Aotearoa.

Les deux responsables — l’un nommé par les Whanganui, tribu autochtone maori de la région de Whanganui, et l’autre par l’État —, représentent tous deux Te Pou Tupua, le fleuve, lui donnent une personnalité juridique et parlent en son nom. 

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Te Pou Tupua accepte un cadeau de l’Assemblée des Premières Nations.

Le rôle de Te Pou Tupua a été créé conformément à la Te Awa Tupua (Whanganui River Claims Settlement) Act 2017. Cette loi confère au fleuve Whanganui le statut d’entité vivante avec les mêmes droits, les mêmes pouvoirs, les mêmes responsabilités et les mêmes devoirs qu’une personnalité juridique au titre des lois de la Nouvelle-Zélande. 

Cette approche à la gestion de l’eau peut sembler étrange pour les Nord-Américains. Cependant, les peuples autochtones ici ont des vues similaires quant au maintien de la qualité de l’eau. D’ailleurs, les mouvements citoyens qui ont été soulevés à Toledo, en Ohio, prouvent que cette approche gagne également en popularité chez les résidents non autochtones.

Les représentants ont parlé des efforts déployés par la tribu maori Whanganui depuis une centaine d’années pour que la Nouvelle-Zélande reconnaisse le statut juridique d’entité vivante du fleuve Whanganui. Les Maori ont également réussi à faire reconnaître dans la loi leurs liens profonds et indéniables avec le fleuve, qu’ils considèrent comme un ancêtre, et le rôle inhérent qu’ils jouent pour assurer le bien-être du fleuve.

L’adoption de cette loi en Nouvelle-Zélande est un autre exemple de la montée du mouvement pour les « droits de la nature » qui prend son essor partout dans le monde ces dernières années. Les participants à ce mouvement souhaitent que l’on confère aux ressources naturelles des droits juridiques. Parmi les dernières victoires, citons celles des fleuves Gange et Yamuna en Inde, le Vilcabamba en Équateur et le Rio Atrato en Colombie.  

En Amérique du Nord, le droit autochtone a reconnu l’eau comme une entité vivante longtemps avant la colonisation occidentale sur le continent. Depuis des décennies, les peuples autochtones militent pour que les législateurs au Canada et aux États-Unis reconnaissent l’eau comme un être vivant qui est connecté à toutes les formes de vie.

Ils exhortent également les gouvernements à reconnaître le rôle des peuples autochtones comme gardien de l’eau. Au cours des dernières années, ces actions ont suscité de plus en plus l’attention. Les actions militantes sur l’eau d’Autochtones influents, comme Autumn Peltier, qui s’est adressée à l’Assemblée générale des Nations unies l’an dernier, et feu Josephine Mandamin, la marcheuse pour l’eau, qui chaque année entreprenait une randonnée autour des Grands Lacs, ont permis de raviver les discussions sur la nature de la gestion de l’eau et la responsabilité des utilisateurs pour sa protection.

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Vue de Toledo, en Ohio. Crédit photo : Harold Stiver/Shutterstock

Il n’existe toutefois aucun précédent dans la loi canadienne ou américaine concernant l’octroi d’un statut juridique à un plan d’eau, malgré ces efforts de sensibilisation de longue date.

La situation pourrait toutefois changer bientôt. En février 2019, les résidents de Toledo, en Ohio, ont voté massivement en faveur d’une charte des droits pour le lac Érié, visant à conférer au lac le droit juridique d’exister, de s’épanouir et d’évoluer naturellement. 

Bien que la loi fasse l’objet d’une contestation devant les tribunaux, le vote a indiqué clairement à l’industrie et aux législateurs que les citoyens veulent mieux protéger cette ressource qui est précieuse et essentielle à leurs yeux. L’adoption d’une loi reconnaissant un lac comme entité vivante avec des droits serait révolutionnaire en Amérique du Nord d’autant plus que ce plan d’eau sert de frontière entre deux pays et est régi par le gouvernement canadien et américain en plus des peuples autochtones.

Bien que l’avenir des droits du lac Érié soit encore inconnu, les gestionnaires de l’eau en Amérique du Nord commencent à reconnaître que les citoyens souhaitent de plus en plus que les pays assument la responsabilité de la protection de nos ressources naturelles les plus importantes.

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Chrissy Chiasson
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Christina Chiasson is a policy analyst for the Canadian Section of the IJC in Ottawa, Ontario.

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