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La présence de la COVID peut être détectée dans les eaux usées non traitées

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Joan Rose, phD
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En ma double qualité de microbiologiste à l’Université d’État du Michigan et de membre du Conseil consultatif des professionnels de la santé de la CMI, je passe beaucoup de temps à réfléchir au lien qui existe entre l’eau et la santé humaine. De nos jours, et plus que jamais, notre santé est l’objet de toutes les attentions alors que nous continuons de faire face à une pandémie mondiale. La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), causée par le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2), est un agent pathogène aéroporté qui menace notre santé. Mais ce sont nos eaux — plus précisément nos eaux usées — qui aident les professionnels de la santé publique comme moi à surveiller la propagation du SRAS-CoV-2, à en apprendre davantage à son sujet et à le contrôler.

Répartition de cette maladie émergente dans le monde

La pandémie mondiale de COVID-19 est une urgence de santé publique d’ampleur internationale. Officiellement déclarée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cette maladie s’est propagée rapidement et a touché tous les coins du globe. Grâce aux données et aux aides visuels du site de l’Université Johns Hopkins (régulièrement mises à jour) on peut suivre la propagation du nouveau coronavirus dans le monde.

Le SRAS-CoV-2 est du type Coronaviridae, famille de virus à ARN simple brin. Tout comme on identifie les personnes par leur ADN unique, il est possible d’identifier le virus par son génome ARN.

Ce virus est lié au SRAS-CoV-1, responsable de l’éclosion de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2002-2003. Les membres de cette famille de virus, connus depuis environ 80 ans, sont à l’origine des rhumes chez les humains. Bien que le principal mode de propagation du SRAS-CoV-2 soit les gouttelettes exhalées par une personne infectée, il a été démontré que celui-ci se propage aussi par les mains et par les objets, comme les poignées de porte.

Partout dans le monde, les dirigeants doivent prendre des décisions difficiles sur la façon de contrôler la santé de leurs collectivités et, en fin de compte, de favoriser la reprise des activités. Il est difficile de se faire une bonne idée du comportement d’un virus dans une collectivité quand on se fie uniquement à des milliers de tests individuels et l’analyse des eaux usées devient alors une amorce de solution.

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Joan Rose, titulaire de la chaire Homer Nowlin de recherche sur les eaux à l’Université d’État du Michigan, est membre (section américaine) du Conseil consultatif des professionnels de la santé de la CMI. Crédit photo : Joan Rose

Détection du COVID-19 dans les eaux usées

Dans toute bonne série policière, les enquêteurs attrapent rarement les coupables la main dans le sac. En revanche, ils trouvent des indices, comme des brins de cheveux, qui peuvent les aider à identifier et à débusquer l’assassin.

Quand les scientifiques ont commencé à pister ce nouveau virus dans les fèces humaines, ils n’en ont pas trouvé de vivants, mais ont détecté son génome ARN, preuve d’infection. Il a été établi qu’une telle race d’ARN était également présente dans les eaux usées non traitées des réseaux d’égouts, en route vers l’usine de traitement.

Il y a déjà plus de 70 ans que l’on analyse la concentration des virus dans les eaux usées non traitées. Cependant, les récents progrès en biologie moléculaire et en génomique ont considérablement amélioré notre capacité de surveillance des eaux usées. Un nombre croissant d’études nous aident maintenant à comprendre comment l’échantillonnage des eaux usées non traitées peut contribuer à recueillir des données sur le virus et sur sa propagation.

Le SRAS-CoV-2 semble se désactiver lors de son passage dans le côlon et n’est pas infectieux dans les matières fécales et les eaux usées non traitées. En outre, le processus de traitement des eaux usées, dont la chloration, garantit la destruction des matières virales, comme l’ARN. Les pratiques normalisées de traitement des eaux usées sont efficaces et assurent la sécurité de nos voies navigables et de nos collectivités.

« Voir » le virus au niveau de la communauté

Quelque 39 rapports à l’échelle mondiale (en date du 13 septembre 2020) font état de la détection du SRAS-CoV-2 dans les eaux usées : en Australie, en France, en Israël, en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas et aux États-Unis. Le tableau de bord sur le coronavirus des Pays-Bas met en évidence les concentrations dans les eaux usées et établit le lien avec la COVID-19 dans les collectivités.

Selon les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis, l’analyse des eaux usées aux fins de détection du virus peut s’inscrire en complément des analyses individuelles et donner lieu à l’établissement d’un échantillon communautaire commun efficace. Le contrôle des eaux usées peut aussi faire office de système d’alerte rapide pour prévenir le milieu médical de la quantité de virus présente dans une collectivité. De tels contrôles permettent aussi aux professionnels de la santé de « voir » les tendances communautaires, comme une diminution du nombre d’infections ou, au contraire, une résurgence du virus.

Dans la région des Grands Lacs, des chercheurs universitaires du Canada et des États-Unis étudient la présence du SRAS-CoV-2 dans les eaux usées. Un effort est en cours à l’échelle de l’État pour mesurer la présence du virus dans les eaux usées au Michigan. Pour comprendre les différences entre les collectivités, les scientifiques doivent pouvoir comparer des pommes avec des pommes, ce qui exige qu’ils coordonnent leurs actions. Justement, le Réseau canadien de l’eau dirige la Coalition eaux usées COVID-19 qui aide à coordonner les efforts de surveillance.

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Description du processus de détection du virus SRAS-CoV-2 dans les eaux usées. Source : CMI

Il est fort à parier que, dans l’avenir, de plus en plus d’études se pencheront sur la prévalence des traces virales dans les eaux usées et, à terme, dans les eaux transfrontalières. Nous serons ainsi mieux renseignés sur les impacts des eaux usées et de cette pandémie mondiale sur les populations avoisinantes. Ainsi, tandis que nous entendons continuer de pister les sources humaines de matières fécales et de contrôler les eaux usées dans les Grands Lacs, nous devrons être à l’affût des signes de présence du SRAS-CoV-2.

Le lien entre les eaux usées et la santé publique

La CMI a sa propre histoire et sa propre expérience en matière d’analyse des eaux usées non traitées en réponse aux crises de santé publique. Ainsi, en 1914, elle a étudié la pollution fécale des eaux frontalières des Grands Lacs ainsi que le lien potentiel entre la maladie et la pollution des eaux usées. À l’époque, les égouts sanitaires non traités se déversaient dans les cours d’eau — les mêmes cours d’eau où les collectivités prélevaient leur eau potable non traitée. Les données de l’étude de la CMI ont mis en évidence les risques (à l’époque, mortels) pour la santé publique des eaux usées non traitées et de l’eau potable non traitée.

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Carte tracée à la main des « zones de pollution » identifiées dans l’étude de la CMI de 1913. Source : CMI

Un peu plus de 100 ans plus tard, alors que nous traitons les eaux usées et l’eau potable, nous devons encore effectuer un examen complet des risques et des sources de pollution fécale de nos eaux communes. Le Conseil consultatif des professionnels de la santé (CCPS) de la CMI a tenu un atelier d’experts en 2019 et il est en train de mener un projet dont l’objet est de déterminer dans quelle mesure il sera possible de coordonner une étude binationale pluriannuelle sur la pollution fécale et ses sources, dans l’ensemble du bassin des Grands Lacs. Le CCPS affichera des mises à jour sur son projet sur le site Web du Conseil. Conseil consultatif des professionnels de la santé

Des chercheurs comme moi-même et mes collègues du CCPS continueront d’étudier les traces et les influences des virus et des pathogènes dans nos eaux usées, traitées et non traitées, qui se déversent dans nos eaux communales. Tant que nous produirons des eaux usées, les professionnels de la santé devront continuer de prêter attention à ce que les eaux usées non traitées nous disent sur l’état de la santé publique.

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