Les grandes fluctuations de niveau d’eau font partie du cycle naturel des Grands Lacs. Ces dernières années, les niveaux ont été historiquement élevés, mais ils avaient été extrêmement bas il y a moins d’une décennie. Les scientifiques cherchent à comprendre comment les changements climatiques peuvent dicter la gravité, la durée et la fréquence des épisodes de niveaux extrêmes dans les lacs.
Comme les personnes qui vivent et travaillent le long des Grands Lacs continuent de subir les répercussions importantes des conditions extrêmes causées par les changements climatiques, il est essentiel de comprendre les changements qui se produisent dans le bassin pour se préparer à l’avenir.
Cette année, lors de la conférence virtuelle de l’Association internationale de recherche des Grands Lacs (AIRGL), M. Andrew Gronewold, professeur agrégé à la School for Environment and Sustainability de l’Université du Michigan, a donné un aperçu des facteurs qui influent sur les niveaux des Grands Lacs et il a donné son point de vue sur les priorités de recherche susceptibles de mener à une meilleure compréhension de l’impact des changements climatiques sur l’hydrologie des Grands Lacs.
L’immensité et la grande complexité du réseau des Grands Lacs présentent des défis quand vient le temps de prédire et de modéliser le bilan hydrique de chacun des lacs d’une année à l’autre, estime M. Gronewold, qui est également membre du Conseil consultatif scientifique de la CMI.
Facteurs clés
Trois facteurs clés interviennent dans le volume net d’eau qui pénètre dans chacun des lacs, soit le ruissellement des précipitations terrestres, les précipitations directes au-dessus des lacs et l’évaporation au-dessus des lacs.
Les Grands Lacs sont exceptionnels en ce sens qu’à cause de leur incroyable superficie, ils reçoivent plus d’eau de précipitations directes que du phénomène de ruissellement. L’évaporation directe au-dessus des lacs représente une perte d’eau beaucoup plus importante que l’évapotranspiration (évaporation de la terre). Les Grands Lacs sont donc très sensibles aux conditions météorologiques de leur bassin.
Plusieurs masses d’air continentales déterminent le temps au-dessus du bassin des Grands Lacs, et les changements climatiques semblent accroître l’influence de certaines masses d’air sur le temps dans le bassin, apportant souvent des conditions plus chaudes et plus humides.
Des anomalies, comme le puissant vortex polaire de 2014, peuvent également entraîner des changements brusques des conditions météorologiques dans le bassin. La modélisation et la prévision du comportement de ces masses d’air constituent un défi pour les scientifiques. M. Gronewold affirme que des recherches plus poussées sur l’élaboration de modèles et d’ensembles de données précis pour prévoir le comportement des masses d’air autour des Grands Lacs nous aideront à comprendre les changements climatiques qui en résultent dans le bassin.
Les données historiques recueillies depuis 1860 montrent que les niveaux d’eau des lacs ont été principalement influencés par la quantité de précipitations dans le bassin. Dans les années 1970, on a assisté à un accroissement des précipitations sur le bassin, ce qui aurait logiquement dû entraîner une augmentation du niveau des eaux. Cependant, au cours des 15 dernières années, les données montrent également que l’évaporation a augmenté considérablement en corrélation avec l’augmentation des températures dans le bassin. Les changements climatiques se traduisent donc par des actions concurrentes sur le niveau des eaux, en raison de l’augmentation des précipitations et du temps plus chaud qui font augmenter l’évaporation.
Les scientifiques ne savent toujours pas ce que cela signifie pour les Grands Lacs. Une étude de 2010 souvent citée, publiée dans le Journal of Great Lakes Research, indiquait que les niveaux des Grands Lacs diminueraient dans l’avenir en raison de l’évaporation et de l’évapotranspiration accrues dues au temps plus chaud.
Depuis, des études reposant sur l’utilisation d’une modélisation à la fine pointe de la technologie ont révélé des résultats disparates qui ont mené à des désaccords au sein de la communauté scientifique sur la façon dont les changements climatiques influeront sur les niveaux des lacs. M. Gronewold soutient qu’il est essentiel de poursuivre ce type de recherche pour établir des prévisions plus précises du niveau de l’eau dans l’avenir.
Plus de surveillance
Pour ce qui est des autres besoins clés en matière de recherche, Gronewold souligne l’importance de poursuivre le travail du programme de surveillance du Réseau de surveillance de l’évaporation dans les Grands Lacs pour suivre l’évolution de l’évaporation en réponse aux températures plus élevées.
Il rappelle également la nécessité d’étendre la surveillance météorologique à l’ensemble du bassin, ce qui est difficile en raison du partage des Grands Lacs entre le Canada et les États-Unis. Selon M. Gronewold, les organismes fédéraux qui surveillent les conditions météorologiques dans le bassin pourraient accroître leur capacité de prédire les changements des niveaux d’eau en étant plus conscients de ce qui se passe au nord et au sud de la frontière.
Il conseille aux décideurs de tenir compte de leurs réactions à des niveaux d’eau extrêmes sur une plus longue période. Les décisions prises en réponse aux niveaux d’eau extrêmes pourraient avoir des effets durables à l’avenir, et étant donné l’incertitude que suscite l’incidence possible des changements climatiques sur l’hydrologie des lacs au fil du temps, nous devons faire preuve de prudence dans la mise en œuvre de solutions à court terme.
Christina Chiasson is a policy analyst for the Canadian Section of the IJC in Ottawa, Ontario.