L’article suivant est tiré d’un bulletin archivé. Consultez notre bulletin Eaux partagées.

La résilience sur les berges du plus profond des Grands Lacs

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Kevin Bunch
Photo of Christina Chiasson
Chrissy Chiasson
IJC
duluth road

Le présent article est le quatrième d’une série qui met en lumière les solutions novatrices auxquelles ont recours les collectivités riveraines des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent pour s’adapter à l’actuelle période de crues. Celui-ci présente les travaux réalisés au Minnesota et en Ontario en préparation à d’éventuels épisodes de crue dans l’avenir. Dans les articles antérieurs, nous avons traité des efforts déployés pour renforcer la résilience sur les berges du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent, des lacs Michigan et Huron, du lac Érié et de la rivière Niagara.

Pleins feux sur le lac Supérieur

Même s’il s’agit du plus grand des Grands Lacs, les abords du lac Supérieur sont les moins densément peuplés de tous ces géants. Ses rives, y compris celles des îles qui le parsèment, se déroulent sur quelque 4 350 kilomètres (2 700 milles) et la plus grande partie de ce territoire demeure sauvage et non exploité. Le littoral rocheux et le climat nordique ne se prêtent absolument pas à l’agriculture et à la colonisation. 

Quelque 230 000 personnes vivent sur les bords du lac Supérieur du côté canadien, dont la moitié environ à Thunder Bay (Ontario). Aux États-Unis, la population riveraine est d’environ 445 000 habitants répartis dans plusieurs petites villes riveraines, la plus grande étant Duluth (Minnesota), avec ses 85 000 habitants. La rivière St. Marys, qui est l’exutoire naturel du lac Supérieur, se jette dans les lacs Huron-Michigan.

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Bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Crédit photo : CMI

 

Étant le plus grand, le plus froid, le plus profond et le plus pur des Grands Lacs, le lac Supérieur a été épargné des pires afflictions d’origine environnementale qui frappent les autres Grands Lacs. La majeure partie du lac a toujours été trop froide et trop pauvre en nutriments pour que les algues y prolifèrent et que les espèces envahissantes s’y développent. Mais, avec les changements climatiques, des proliférations d’algues nuisibles sont apparues ces dernières années en partie à cause du réchauffement des eaux.

À l’instar de ce qu’on constate dans le reste des Grands Lacs, les changements climatiques contribuent à la formation plus fréquente de tempêtes intenses et à des niveaux d’eau du lac qui sont extrêmement hauts (causes d’inondations) ou bas. Les tempêtes intenses sont caractérisées par de grandes quantités de pluie qui déversent plus d’éléments nutritifs dans le lac et contribuent ainsi aux problèmes de qualité de l’eau et de prolifération d’algues. Les collectivités riveraines ont été obligées de tenir compte de ces nouvelles conditions et de prendre des mesures pour préparer leurs infrastructures et leurs berges à des crues.

Minnesota

Située sur la rive ouest du lac Supérieur, la ville de Duluth (Minnesota) a essuyé de multiples tempêtes violentes au cours des dix dernières années, des tempêtes amplifiées par le réchauffement climatique et par l’effet de lac. Après une inondation en 2012 et trois épisodes catastrophiques successifs de vents violents accompagnés de fortes vagues, en 2017 et 2018, l’administration municipale a reconnu qu’elle avait du travail à faire pour protéger les berges et les infrastructures de la ville portuaire.

À ce propos, voici ce que nous a déclaré Jim Filby Williams, directeur de l’administration publique de Duluth : « Nous avons pris conscience des impacts du changement climatique sur Duluth et les préjudices que nous allions subir si nous ne rendions pas notre collectivité plus résiliente ».

Selon M. Williams, cette quête de résilience comporte deux grands aspects. Pour contribuer à atténuer les inondations, la Ville est en train d’acheter environ 3 000 acres d’espaces ouverts, dont une grande partie de terres humides, qui seront ensuite protégés et, au besoin, restaurés ou renforcés.

Les terres humides peuvent aider à stocker l’eau qui inonderait autrement certains secteurs de la ville. M. Williams précise que ce travail se fait en collaboration avec d’autres organismes, certains de ces milieux antérieurement protégés s’étant dégradés au fil du temps et n’étant plus aussi efficaces en tant que zones tampons. Le rétablissement de leur fonction écologique et de leur capacité à retenir l’eau sera déterminant dans le cadre de l’initiative sur les terres humides de Duluth.

Le programme d’achat devrait débuter en 2021, nous précise notre interlocuteur, par l’acquisition de terres jouxtant le fleuve d’une valeur de 3,5 millions de dollars qui seront payées grâce à une subvention de 700 000 $ de l’agence américaine de protection de l’environnement. En outre, l’actuel propriétaire a consenti un rabais de 2,8 millions de dollars. D’autres terrains évalués à 3,9 millions de dollars, situés plus à l’intérieur, sont en cours d’acquisition sous la forme d’un échange de terres multipartite, et M. Williams précise que la ville de Duluth n’envisage pas de payer beaucoup que la valeur estimée.

La réduction des dommages causés par les ondes de tempête est une autre préoccupation. Duluth travaille avec la Federal Emergency Management Agency (FEMA) et avec l’État pour restaurer des sections de berges détruites en 2017 et 2018 et pour les remettre dans un état plus durable et plus propice à la résilience.

Dans la mesure du possible, les actifs et les infrastructures en place sont retirés des berges sans être remplacés, un minimum de travail étant réalisé pour stabiliser et naturaliser les secteurs riverains concernés. Là où la chose n’est pas possible, la Ville envisage de procéder au « retrait stratégique » des infrastructures publiques en front de lac, ajoute M. Williams, cela pour les mettre hors d’atteinte.

« Nous sommes en train de faire cela sur un tronçon riverain d’un mille de long. Nous éliminons l’ancienne route pour la reconstruire 200 pieds (61 mètres) à l’intérieur des terres et procédons à la restauration et à la naturalisation de cette zone autrefois asphaltée. »

Mais ces approches ne sont pas viables partout le long du front de lac à Duluth. La Ville doit souvent composer avec des structures sur lesquelles elle n’a aucune compétence – qu’il s’agisse d’axes routiers, de voies ferrées ou d’autres infrastructures importantes – et qui l’empêchent de dégager les zones riveraines.

Dans ces cas, il faut renforcer ce qui existe déjà par le recours à des formules relevant de l’ingénierie côtière, comme la construction de plages faites de déblais de dragage et l’ajout de rochers massifs brise‑lames, de la taille d’une voiture, le long des berges et au large. L’objectif est de maintenir ces structures en place au cours des 50 prochaines années, précise M. Williams.

Duluth travaille avec la FEMA pour évaluer les zones riveraines publiques de la Ville et offrir des options pour réduire la menace dans certaines zones. Les falaises riveraines s’érodent, ce qui met en péril les infrastructures comme les routes et les conduites d’eaux pluviales, et rend tout ce travail d’autant plus urgent.

Le plan Imagine Duluth 2035 de la Ville décrit tous ces efforts. Selon M. Williams, bien que l’accent soit actuellement mis sur la protection contre les crues, le plan reconnaît que les niveaux d’étiage posent leurs propres risques pour des endroits comme le port. Par conséquent, la Ville devra probablement travailler avec l’Administration portuaire de Duluth pour déterminer les mesures à prendre dans ces circonstances.

Ontario

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Couverture du document de stratégie de l’Ontario en matière d’inondations, mars 2020. Crédit photo : Gouvernement de l’Ontario, ministère des Richesses naturelles et des Forêts – Protéger les personnes et les biens : Stratégie ontarienne de lutte contre les inondations

L’Ontario prend également des mesures à l’échelle de la province pour accroître sa résilience aux inondations.

En 2019, à la suite d’inondations importantes dans différentes régions de la province, avec des niveaux d’eau supérieurs à la moyenne, deux offices de protection de la nature ont lancé une enquête spéciale le long de la rive ontarienne du lac Supérieur.

Le rapport produit alors formule de nombreuses recommandations pour améliorer la résilience et mieux atténuer les inondations. Par la suite, l’Ontario a élaboré sa Stratégie de lutte contre les inondations (2020) et a entrepris plusieurs initiatives pour renforcer la résilience aux inondations dans les villes et les municipalités.

Une de ces mesures a débuté en août 2020 par une toute première évaluation de l’impact des changements climatiques à l’échelle de la province qui déterminera où et comment les changements climatiques auront le plus d’impacts sur les collectivités et les infrastructures de l’Ontario.

Les résultats de l’évaluation fourniront aux municipalités et aux collectivités des renseignements à jour sur les répercussions régionales que certaines collectivités subiront à l’avenir.

Ces renseignements visent à aider la province, ainsi que les municipalités et les nations autochtones, à prioriser les projets destinés à rendre leurs rivages plus résilients. Les résultats de l’évaluation devraient être connus en 2022.

En 2019, le Canada a également investi 13,2 millions de dollars par l’entremise de son Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes dans un projet à Thunder Bay qui vise à atténuer les inondations extrêmes et à améliorer l’infrastructure de drainage des eaux pluviale.

La ville de Thunder Bay contribue également à hauteur de 19,8 millions de dollars au projet d’amélioration du barrage du Lac Boulevard, sur la rivière Current, afin d’accroître sa capacité à gérer les eaux d’inondation et d’améliorer les réseaux d’égouts et d’eaux pluviales de la ville.

Selon les responsables, les améliorations protégeront les résidents contre les inondations lors de phénomènes météorologiques extrêmes et réduiront les pertes économiques locales associées aux inondations. À long terme, le projet devrait permettre à la Ville d’économiser environ 15 $ en coûts de rétablissement et de remplacement, pour chaque dollar investi.

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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Christina Chiasson is a policy analyst for the Canadian Section of the IJC in Ottawa, Ontario.

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