
Cet été, des scientifiques canadiens et américains parcourront les Grands Lacs, où ils procéderont à des contrôles et à des échantillonnages. Ils recueilleront des données essentielles qui permettront de suivre l’état et les tendances de la qualité de l’eau et de la santé environnementale des lacs. Bien que nous ne préférions pas penser aux hivers froids pendant l’été, les conditions hivernales récentes ont un impact majeur sur la qualité de l’eau en été. Le réchauffement de la température de l’eau, les populations de poissons et la prolifération des algues sont autant de facteurs influencés par les conditions hivernales récentes.
Dans son rapport de mai, le Conseil consultatif scientifique des Grands Lacs de la Commission Mixte Internationale (CMI) met l’accent sur la science hivernale. Il s’agit d’une « saison sous-étudiée », comme l’explique le rapport, car beaucoup moins de scientifiques effectuent le travail de terrain glacial pour prendre la mesure des Grands Lacs pendant l’hiver ou les saisons intermédiaires qui y sont associées. Comme un puzzle dont il manque un quart des pièces, les lacunes de la science hivernale des Grands Lacs signifient que nous avons une image incomplète de la santé des Grands Lacs. Sans les données hivernales, les décideurs et les gestionnaires des Grands Lacs manquent de pièces essentielles pour comprendre l’ensemble de l’écosystème des Grands Lacs.
S’exprimant lors du webinaire organisé par le Conseil en mai pour présenter les conclusions du rapport, Heather Stirratt, ancienne directrice du Bureau régional des Grands Lacs de la CMI, a souligné que les observations du temps froid sont essentielles pour comprendre une saison qui est non seulement importante sur le plan écologique, mais qui est également affectée par des conditions atmosphériques de plus en plus imprévisibles.
« Bien qu’il soit important d’avoir une connaissance de base des effets de l’hiver sur les Grands Lacs, les conditions hivernales changent rapidement. Depuis 1973, les lacs ont connu une augmentation de la température de l’eau et une diminution de la couverture de glace[…] un déclin annuel d’environ 0,5 % dans le cas de la couverture de glace. Cela signifie que nous sommes en train de perdre l’hiver sur les Grands Lacs avant même de l’avoir pleinement compris » [traduction], a déclaré Mme Stirratt.

L’hiver a longtemps été une saison négligée pour la science des Grands Lacs. La collecte de données par temps froid peut s’avérer difficile, car elle nécessite un équipement spécialisé, un personnel hautement qualifié et des approches coordonnées en matière de surveillance. La plupart des activités de surveillance se déroulent de la fin du printemps au début de l’automne, lorsque les lacs sont accessibles de manière sûre et fiable à l’aide des outils de surveillance actuels.
La compréhension et la gestion de l’écosystème des Grands Lacs reposent sur l’échantillonnage et la surveillance pendant les saisons chaudes et sans glace. L’augmentation des activités de surveillance en hiver permettra de combler les lacunes et d’obtenir une image complète qui contribuera à des décisions stratégiques et de gestion plus efficaces.
Le Conseil consultatif scientifique des Grands Lacs a organisé en mai 2025 un webinaire consacré à son rapport sur l’état de la science hivernale dans les Grands Lacs.
Lacunes dans l’infrastructure scientifique et de recherche
Le rapport du Conseil fait état des lacunes actuelles dans la connaissance des facteurs physiques, biogéochimiques et biologiques en jeu dans les écosystèmes des Grands Lacs en hiver. Le rapport fait également état des lacunes dans la compréhension des impacts socio-économiques et culturels de l’évolution des conditions hivernales. Des données sur les conditions hivernales sont nécessaires pour mieux comprendre comment les changements dans ces domaines affecteront la qualité de l’eau des Grands Lacs et le bien-être des humains.
« Les changements dans les conditions hivernales dans les Grands Lacs devraient avoir une grande portée, avec des impacts sur l’écologie, la santé humaine et les aspects socio-économiques et culturels » [traduction], a déclaré Maggie Xenopoulos, co-auteure du rapport et membre du Conseil consultatif scientifique des Grands Lacs – Comité des priorités scientifiques.
Le rapport identifie les principaux domaines de recherche qui permettront de mieux comprendre comment les changements affecteront la qualité de l’eau des Grands Lacs.
« Bien que nous ayons quelques aperçus préliminaires des impacts de ces changements, il est difficile de conclure quoi que ce soit de définitif. Nous avons besoin de plus de données pour mieux comprendre comment ces changements observés et prévus affectent les Grands Lacs et influencent notre élaboration de politiques et notre prise de décisions » [traduction], a ajouté Mme Xenopoulos, qui est également titulaire de la chaire de recherche du Canada sur le changement global des écosystèmes d’eau douce à l’Université Trent.
Le rapport identifié également les lacunes et les besoins dans l’infrastructure de recherche sur laquelle repose la science hivernale des Grands Lacs. Ces lacunes comprennent un soutien accru aux activités de contrôle et de surveillance, le développement de modèles spécifiques au temps froid afin d’augmenter la précision des efforts de prévision, ainsi que la gestion et le partage des données, afin que les données collectées puissent être utilisées au maximum de leur potentiel. Répondre à ces besoins est une étape essentielle pour éliminer les obstacles et améliorer nos capacités en matière de science hivernale.
« Le principal besoin identifié a été un soutien accru aux activités de surveillance» [traduction], a déclaré Michael Twiss, coauteur du rapport et professeur à l’Université Algoma.
« La capacité de la communauté scientifique des Grands Lacs à recueillir des données hivernales est limitée par nos ressources scientifiques hivernales actuelles. Il est difficile de se rendre sur les lacs pour recueillir des échantillons et des données en toute sécurité, car cela nécessite de l’équipement spécialisé, comme des navires renforcés contre la glace, ainsi qu’une formation » [traduction], a déclaré M. Twiss, également ancien membre du Comité de coordination de la recherche du Conseil consultatif scientifique.
« Les investissements dans de nouvelles technologies émergentes comme des bouées résistantes aux glaces ou des véhicules sous-marins autonomes pourraient permettre la collecte de données dans le lac à longueur d’année. En plus de permettre une surveillance précieuse en hiver, cela fournirait des données pendant les saisons intermédiaires au début du printemps et à la fin de l’automne, lorsqu’il fait trop froid pour être sur l’eau, mais pas assez froid pour que de la glace se forme » [traduction], a déclaré M. Twiss.
Afin de soutenir les efforts scientifiques hivernaux, le Conseil recommande que les gouvernements du Canada et des États-Unis intègrent la surveillance hivernale dans le cycle d’échantillonnage de l’Initiative de coopération scientifique et de surveillance (ICSS). Dans le cadre du programme de l’ICSS, le Canada et les États-Unis coordonnent les activités de recherche et de surveillance dans les Grands Lacs. Les efforts se concentrent sur l’échantillonnage d’un lac par an, généralement pendant les mois d’été, dans le cadre d’un cycle quinquennal rotatif. L’intégration de la surveillance hivernale dans le programme garantirait la collecte régulière de données par temps froid. Des préparatifs sont en cours pour échantillonner le lac Michigan cet été.
« Pendant très longtemps, nous pensions que les lacs dormaient en hiver. La vie était inerte ou dormait. Je pense [en partie] que pour cette raison, l’hiver a été sous-étudié » [traduction], a déclaré Mme Xenopoulos à CBC Windsor.
Le Conseil signale que la science hivernale des Grands Lacs prend de l’ampleur, notamment grâce aux efforts initiaux visant à mettre sur pied un réseau hivernal des Grands Lacs ou à l’initiative « Winter Grab » de 2022. L’intensification des efforts scientifiques en vue de réaliser des observations régulières et systématiques intégrées à la surveillance existante est la pièce manquante qui permettra de dresser un tableau complet de l’écosystème des Grands Lacs, qui est bien éveillé et vivant tout au long de l’année.

Rachel Wyatt is the communications officer at the IJC’s Great Lakes Regional Office.