Énergie Nouveau-Brunswick a commencé à démanteler cet été le barrage de Milltown, qui se situe à proximité de Calais, dans le Maine, et de St. Stephen, au Nouveau-Brunswick. Les travaux ont débuté en juillet, dès que la société était en possession des permis exigés par nos deux pays et que l’évaluation environnementale et les examens par la CMI et son Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix avaient conclu.
« Il s’agissait d’ouvrir une partie importante de la rivière Sainte-Croix aux poissons de l’océan qui fraient dans les cours d’eau douce », a déclaré Sean Ledwin, membre du Conseil.
La construction du barrage hydroélectrique de Milltown remonte à 1881. Or, comme il ne génère qu’une modeste quantité d’électricité et qu’il serait trop coûteux d’y apporter des améliorations, Énergie Nouveau-Brunswick a commencé à planifier le déclassement en 2019.
La société a reçu ses approbations finales au printemps 2023 après des années d’étude et de commentaires du public des deux côtés de la rivière. Les démarches comprenaient notamment une évaluation des répercussions environnementales du Nouveau-Brunswick, l’obtention d’un permis du ministère de la Protection de l’environnement du Maine, un permis général et un avis des travaux d’exécution du projet du US Army Corps of Engineers, ainsi qu’une lettre d’approbation de la CMI.
Déclassement
Lors de la réunion du 5 juin du conseil du bassin, John Murphy, s’exprimant au nom de l’entrepreneur qui serait chargé du démantèlement, Pennecon Heavy Civil Limited, a annoncé que les travaux commenceraient en juillet, une fois que la montaison annuelle du gaspareau et de l’alose serait terminée. Les travaux ont débuté le 1er juillet et devraient s’achever en avril 2024.
Dans un premier temps, le déversoir vanné du côté américain de la rivière a été enlevé pour permettre à l’eau de continuer à s’écouler de la rivière Sainte-Croix pendant que les autres parties étaient asséchées et retirées. Après le démantèlement de la centrale et des déversoirs, a expliqué M. Murphy, l’endroit où se trouvait le barrage serait recouvert de substrat et de blocs rocheux pour former des refuges et aider à ajuster le débit afin que les poissons puissent nager à contre-courant sans crainte dans diverses conditions. Le barrage de Milltown est situé sur les lieux de l’ancien barrage de Salmon Falls, mais il est probable que sa construction ait modifié le fond de la rivière, ce qui aurait des répercussions sur l’habitat du poisson, a‑t‑il ajouté.
« Il s’agirait d’imiter ce à quoi il ressemblerait après des décennies d’érosion, et ce à l’aide d’un mélange de matériaux », a dit M. Murphy.
M. Ledwin a précisé qu’une fois le barrage enlevé, il y aurait un tronçon de 16 kilomètres (10 milles) de la rivière où les poissons pourront nager librement avant d’atteindre le barrage suivant du réseau, le barrage Woodland.
Mais même si le barrage de Woodland et de Grand Falls, en amont, crée des obstacles pour les poissons qui se rendent à l’intérieur des terres pour frayer, le retrait de Milltown sera une bonne nouvelle pour les poissons indigènes comme le gaspareau, l’alose savoureuse, l’alose d’été et la lamproie marine, qui avaient de la difficulté à franchir leur passe migratoire.
Chaque fois que les poissons passent devant un barrage et une passe migratoire, ils dépensent plus d’énergie que s’ils nageaient dans une voie fluviale ouverte. Cela empêchera naturellement certains poissons de se déplacer à contre-courant, d’où un risque accru de blessures ou de mort pour ceux qui se déplacent vers l’aval, explique M. Ledwin. Par conséquent, l’élimination du barrage de Milltown devrait multiplier le nombre de poissons qui passent par les barrages de Woodland et de Grand Falls, car ils pourront désormais se déplacer librement et dans les deux sens, au-delà de l’ancien emplacement.
Le démantèlement du barrage de Milltown permettra également d’ajuster la façon dont l’eau s’écoule dans les tronçons inférieurs de la rivière. Puisque l’eau pourra circuler librement, ce tronçon devrait être plus froid qu’il ne l’a été quand le barrage était en place. Cela devrait favoriser la pêche, surtout compte tenu des tendances au réchauffement de l’eau attribuables aux changements climatiques.
« Ce sera un réseau plus fluvial », a dit M. Ledwin. « Avec un débit moins stagnant, beaucoup de prédateurs comme le bar et d’autres espèces se débrouilleront encore bien dans les rivières, mais ils auront moins de chances de s’en prendre aux poissons indigènes. »
Carte montrant l’emplacement du barrage de Milltown dans le bassin de la rivière Sainte-Croix. Source : Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix
Surveillance et améliorations
Pour surveiller les conditions après l’enlèvement du barrage, y compris de l’ancienne passe à poissons, M. Ledwin a déclaré que son Institut collaborera avec les tribus Passamaquoddy du côté américain de la rivière Sainte-Croix et avec la nation Peskotomuhkati du côté canadien pour surveiller le va-et-vient des poissons dans la rivière nouvellement restaurée. Ce travail commence cette année et durera cinq ans, a‑t-il précisé. Par ailleurs, la CMI finance un projet de télédétection des poissons par l’entremise de son conseil et de la St. Croix International Waterway Commission.
Au-delà du barrage de Milltown
Des collectes de fonds sont également en cours pour remplacer les passes à poissons désuètes sur les barrages de Woodland et de Grand-Sault par des systèmes modernes plus sûrs, moins épuisants et plus efficaces pour un plus large éventail d’espèces.
M. Ledwin fait valoir que la première priorité est le barrage Woodland, où la conception d’un monte-charges à poisson est à l’étude. Il estime que la mise en œuvre complète de ce nouveau système de passage du poisson coûtera au moins 20 millions de dollars américains. Des subventions privées et des fonds fédéraux américains ont déjà permis de recueillir environ les deux tiers des coûts, a-t-il ajouté, tandis que le Maine Department of Marine Resources et ses collaborateurs s’efforcent de recueillir les fonds restants. Si le financement le permet, les travaux débuteront à la fin de 2024. Entre-temps, une nouvelle passe à poissons au barrage de Grand-Sault en est aux premières étapes de la conception et de la collecte de fonds.
« Le retrait du barrage de Milltown et les améliorations apportées aux passes des deux autres barrages entraîneront une montaison extrêmement importante du gaspareau et de l’alose d’été, voire une des plus importantes en Amérique du Nord », a déclaré M. Ledwin. « Il améliorera les montaisons de l’alose, de la lamproie marine et d’autres espèces de poissons indigènes, ainsi que le passage en amont et en aval de l’anguille d’Amérique, qui fait l’objet d’une pêche aussi répandue que lucrative dans le Maine. »
Avec le retrait du barrage de Milltown et l’aménagement d’une nouvelle passe à poissons à Woodland et à Grand-Sault, a dit M. Ledwin, la baie de Fundy, dans laquelle se déverse la rivière Sainte-Croix, pourrait accueillir des centaines de millions d’alevins chaque année, fournissant de la nourriture à des prédateurs comme les macareux, les baleines et les rapaces, ainsi que les appâts pour l’industrie du homard. Les gaspareaux ont également été traditionnellement consommés par les gens du bassin de la rivière Sainte-Croix, ce qui rend ces éventuelles montaisons massives bénéfiques pour la pêche de subsistance.
Avec des programmes d’empoissonnement et de gestion supplémentaires qui veillent de si près sur l’habitat, il est même possible que le saumon de l’Atlantique revienne à la rivière Sainte-Croix, a auguré M. Ledwin. Mais ce ne sont que des possibilités, et elles commencent toutes par le démantèlement du barrage de Milltown.
Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.