Plus petits que la gomme à effacer au bout d'un crayon, les microplastiques sont présents dans les cinq Grands Lacs. Le dernier rapport du Conseil consultatif scientifique des Grands Lacs (CCSGL) de la Commission mixte internationale (CMI) recommande de lancer un projet de surveillance de la pollution par les microplastiques à l’échelle du bassin.
Le rapport recommande la mise en œuvre d’une surveillance régulière des microplastiques, étayée par les procédures opérationnelles courante pour l’échantillonnage proposé dans le rapport. Le document propose en outre de se doter d’un cadre d’évaluation des risques à partir des données de surveillance afin de savoir quand des mesures de gestion de la pollution pourraient s’imposer.
« Le plastique fait partie de la vie moderne [...] et à cause de sa pérennité inhérente il ne se décompose jamais complétement », a précisé Rebecca Rooney, coprésidente canadienne du Conseil consultatif scientifique et du Comité de coordination de la recherche, lors du webinaire sur le rapport du Conseil, en février dernier.
« L’augmentation de la production et l’application de méthodes d’élimination inadéquates entraînent une importante accumulation des microplastiques dans l’environnement, et les Grands Lacs ne font pas exception à la règle », indique Mme Rooney, qui est également professeure adjointe à l’Université de Waterloo.
Afin de mieux comprendre la présence des microplastiques dans les Grands Lacs, le CCSGL de la CMI a fait le point sur l’état de la science sur les microplastiques dans les Grands Lacs (en anglais seulement) et a proposé des outils pour mieux surveiller et évaluer la pollution par les plastiques.
Des centaines de personnes intéressées ont participé au webinaire du Conseil en février pour en apprendre davantage sur le rapport et les conseils qu’il adresse aux gouvernements canadien et américain. Ses principales conclusions et recommandations ont été résumées dans une infographie (en anglais seulement).
Le webinaire de février 2025 du Conseil consultatif scientifique des Grands Lacs concernant son rapport sur les microplastiques dans les Grands Lacs.
Le rapport identifie certains obstacles à la surveillance efficace des microplastiques dans les Grands Lacs. Les efforts actuels sont largement basés sur des projets et n’ont pas de méthodes standardisées. De plus, selon Chelsea Rochman — coauteure du rapport et professeure à l’Université de Toronto —, le CCSGL a conclu de son examen des écrits sur les microplastiques dans les Grands Lacs « qu’il n’existe pas de définition commune largement acceptée pour les microplastiques ». Le CCSGL propose de définir les microplastiques en fonction de leur taille, ce qui s’entend des plastiques d’un diamètre compris entre un micron et 5 mm (0,2 po.), conformément à ce qui est généralement défini par ailleurs.
L’adoption d’une définition commune des microplastiques facilitera la comparaison entre les données extraites de différentes études. « Les études et rapports consultés sur les microplastiques comparent des pommes avec des oranges. Une définition commune, qui permettrait de comparer des pommes avec des pommes, se trouverait à renforcer la surveillance, l’évaluation et la gestion des risques », ajoute Mme Rochman.
Sans une surveillance systématique, coordonnée et régulière des microplastiques dans les Grands Lacs, il ne sera pas possible de déterminer si le niveau de pollution des eaux, des sédiments ou des organismes vivants par le plastique est acceptable ou critique, ni si la situation s’améliore our s’aggrave au fil du temps.
Le Conseil propose des outils susceptibles de faciliter la mise en œuvre d’une approche commune et courante en matière de surveillance, notamment des procédures opérationnelles standard (POS) pour l’échantillonnage des eaux de surface, rivières, des sédiments et des espèces aquatiques végétales et animales. Ce projet a grandement bénéficié de l’expertise du Southern California Coastal Water Research Project (SCCWRP) (en anglais seulement) et du State Water Resources Control Board de la Californie (en anglais seulement).
Afin de s’aligner sur ce qui se fait en la matière ailleurs en Amérique du Nord, le Conseil a adapté le cadre de gestion des risques liés à la pollution par les microplastiques récemment élaboré par le SCCWRP.
« Le cadre que nous proposons comprend trois niveaux de catégorisation de la santé de l’écosystème, soit « bonne », « acceptable » et « mauvaise » en fonction de la teneur en microplastiques », précise Eden Hataley, coauteure du rapport et doctorante à l’Université de Toronto.
Le cadre adapté par le Conseil suit l’évolution de la santé des écosystèmes et définit deux valeurs seuils préoccupants. « Cette catégorisation vise à se conformer à la structure d’évaluation des indicateurs établie par les gouvernements du Canada et des États-Unis et de signalement déjà employée dans les rapports sur l’état des Grands Lacs », précise Eden Hataley. Les deux seuils, établis à partir des données sur la sensibilité des espèces des Grands Lacs à la pollution par les microplastiques, représentent les cas où les microplastiques auraient une incidence négative sur 5 % et sur 30 % d’une espèce aquatique donnée.
Le Conseil a également adopté les POS élaborées par le SCCWRP et créé des addendas propres à chaque Grand Lac. L’adoption de ces POS permettrait non seulement d’uniformiser la surveillance à l’échelle du bassin des Grands Lacs, mais aussi de s’aligner sur les travaux effectués ailleurs en Amérique du Nord, incluant la baie de Chesapeake et la Californie.

En raison du manque de surveillance coordonnée et systématique des microplastiques, « il n’est actuellement pas possible de connaître la situation et les tendances des microplastiques présents dans l’eau et dans les sédiments, pas plus que leur impact sur l’écosystème des Grands Lacs », ajoute la coauteure du rapport et membre du Comité des priorités du Conseil consultatif scientifique, Karen Kidd.
« Sans de tels indicateurs, il n’est pas possible d’évaluer l’efficacité des efforts de lutte contre la pollution par les microplastiques et de dépollution. « On ne peut pas gérer ce qu’on n’a pas d’abord mesuré », rappelle Karen Kidd, également professeure à l’Université McMaster.
Afin d’appuyer des efforts de surveillance coordonnés, le Conseil recommande que les États-Unis et le Canada évaluent la situation des microplastiques dans les Grands Lacs en vertu de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs. Plus précisément, il estime que les microplastiques devraient être officiellement considérés comme des produits chimiques sources de préoccupations mutuelles (PCSPM) et être surveillés en tant que sous-indicateurs de la présence de produits chimiques toxiques dans l’environnement des Grands Lacs.
L’évaluation des microplastiques en vertu de l’Accord engagerait les États-Unis et le Canada à adopter des mesures visant à réduire et à atténuer la pollution par les microplastiques et à faire le point de la situation en la matière dans leur rapport sur l’état des Grands Lacs (REGL) publié tous les trois ans.
Le Canada et les États-Unis envisagent de désigner les microplastiques comme les PCSPM en vertu de l’Accord. Advenant le cas, les gouvernements élaboreront des plans pour prévenir et atténuer la pollution par les microplastiques dans les Grands Lacs. En outre, ils évalueront l’état des microplastiques dans le REGL afin d’aider à déterminer si les mesures prises par les gouvernements améliorent efficacement l’environnement des Grands Lacs. Les outils proposés dans le présent rapport peuvent être adaptés par les gouvernements pour appuyer ce travail.
Le public peut aider à empêcher les microplastiques à pénétrer dans les Grands Lacs, par exemple en installant un filtre à microplastiques sur leur machine à laver. « Nous avons testé des filtres de machine à laver qui permettent de retirer au moins 80 % des microplastiques provenant des vêtements au lavage. Ils ne sont efficaces que sur une certaine plage de tailles de particules, mais ils donnent de bons résultats », précise Mme Rochman en référence à son travail à l’Université de Toronto.
Sur le site Web binational.net, les gouvernements du Canada et des États-Unis communiquent les renseignements dont ils disposent à propos de la désignation des microplastiques en tant que PCSPM, cela en lien avec leurs activités aux termes de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs.

Rachel Wyatt is the communications officer at the IJC’s Great Lakes Regional Office.