Dans un scénario de réchauffement modéré, certaines espèces envahissantes pourraient s’établir dans des régions qui sont actuellement trop froides pour les soutenir. L’une de ces espèces est le myriophylle aquatique envahissant, une plante dont l’habitat pourrait couvrir une grande partie des Grands Lacs d’aval d’ici la fin du siècle, affirment les scientifiques.
Le myriophylle aquatique a été introduit aux États-Unis dans les années 1890 comme plante ornementale pour les jardins aquatiques, et il a atteint le bassin hydrographique des Grands Lacs en 1962, selon Austin Bartos, analyste-SIG du programme Michigan Sea Grant du Great Lakes Environmental Research Lab (GLERL) de la National Oceanic and Atmospheric Administration, agence d’observation océanique et atmosphérique des États-Unis. M. Bartos a présenté un exposé à la réunion conjointe sur les sciences aquatiques tenue en mai dernier.
La région des Grands Lacs a constitué historiquement la limite nord de l’aire de répartition de la plante. On la trouve surtout en Ohio et dans le sud du Michigan le long de la rive ouest du lac Érié et, dans une certaine mesure, le long de la rive sud du lac Michigan, près de Chicago.
Toutefois, le myriophylle aquatique pourrait être une espèce envahissante préoccupante dans la région. Selon M. Bartos, il s’agit d’une plante à croissance rapide qui peut facilement prendre le contrôle d’un milieu humide ou d’une zone d’eau peu profonde, recouvrant la surface de ses feuilles plumeuses. Elle peut priver de lumière d’autres plantes, insectes et poissons qui dépendent de la lumière filtrant dans l’eau, réduisant ainsi la biodiversité. Le myriophylle aquatique peut également causer la stagnation de l’eau dans une zone, ce qui agrandit l’habitat de frai des moustiques et rend la zone environnante plus propice aux inondations.
Les principales tâches de M. Bartos dans le cadre du programme Michigan Sea Grant consistent à travailler à la base de données des espèces aquatiques non indigènes des Grands Lacs (GLANSIS), qui énumère et décrit 192 espèces non indigènes connues dans le bassin. L’on trouve 19 autres espèces indigènes dans les Grands Lacs, mais leur aire de répartition a augmenté au cours des dernières décennies.
Selon l’Environmental Protection Agency des États-Unis, environ 10 % des espèces non indigènes deviennent envahissantes, c’est-à-dire qu’elles peuvent évincer les espèces indigènes et endommager l’écosystème à moins d’être contrôlées. La base de données du GLANSIS place ce pourcentage encore plus haut, puisque 64 espèces (ou 31 %) sont considérées comme envahissantes en raison de leurs impacts environnementaux ou socioéconomiques marqués sur les lacs.
Alors qu’il travaillait sur de nouveaux produits répertoriés dans la base GLANSIS, M. Bartos est tombé sur le myriophylle aquatique. En lisant au sujet des limites climatiques de son aire de répartition actuelle, il a estimé que cette plante constituerait un bon exemple des effets des changements climatiques sur la répartition des espèces envahissantes.
« C’était ma première incursion dans la modélisation de la répartition des espèces depuis que j’ai commencé dans le programme Sea Grant, mais c’était un projet intéressant pour voir ce qui existait et pour utiliser notre base de données », précise M. Bartos.
Il existe plusieurs projections climatiques différentes, fondées sur la quantité de gaz à effet de serre que les pays émettront au cours des prochaines décennies. Pour le modèle du myriophylle aquatique, M. Bartos a utilisé ce qu’on appelle la projection RCP 7.0, qui prévoit une réduction de modérée à faible des émissions de gaz à effet de serre.
Selon ce modèle, d’ici 2040, l’habitat du myriophylle aquatique pourrait couvrir le littoral du lac Huron et la rive nord des lacs Michigan, Érié et Ontario, avec d’autres expansions vers le nord au fil du temps. En 2080, le modèle de M. Bartos suggère que l’habitat du myriophylle aquatique pourrait même s’étendre le long de la rive sud du lac Supérieur, ainsi que dans la baie de Saginaw et dans la baie Georgienne, au lac Huron.
M. Bartos souligne que le modèle pourrait être peaufiné davantage. Bien qu’il tienne compte de la profondeur de l’eau, par exemple, il pourrait être amélioré au moyen de renseignements supplémentaires sur les températures appropriées de l’eau, la couverture de neige et de glace et des données supplémentaires sur les infestations actuelles de myriophylle aquatique.
Il est en train d’élaborer des modèles pour des projections climatiques prévoyant des émissions de gaz à effet de serre extrêmement élevées et faibles afin d’avoir une idée des gammes minimales et maximales potentielles futures pour l’espèce. M. Bartos espère soumettre ses données à une revue scientifique d’ici la fin de 2022.
Ce modèle pourrait être utile pour recenser les zones et les espèces menacées en vue de mesures de gestion futures, a dit M. Bartos, et contribuer à la recherche de nouvelles populations de myriophylle aquatique autour des Grands Lacs.
Une projection de la qualité de l’habitat pour le myriophylle aquatique dans le bassin hydrographique des Grands Lacs à l’aide de modèles climatiques extrêmement élevés et faibles. Crédit photo : Austin Bartos
Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.