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Le réchauffement des eaux aide la lamproie envahissante à survivre aux traitements par lampricide

kevin bunch
Kevin Bunch
larval sea lamprey

Depuis les années 1950, la Commission des pêcheries des Grands Lacs utilise un lampricide pour contrôler la population de lamproies envahissantes. Néanmoins, des recherches récentes montrent que la quantité de lampricide nécessaire pour éliminer les larves de lamproie change en fonction de la température de l’eau, ce qui pourrait poser un problème à l’avenir.

Le lampricide est appelé TFM, en raison de la partie trifluorométhyle du composé. Le TFM est toxique pour plus d’espèces que la seule lamproie marine, y compris des poissons indigènes. Contrairement à la lamproie, qui transforme moins bien la substance, les autres espèces survivent généralement aux traitements qui tuent les larves de lamproie, selon Hugo Flávio, chercheur à l’Université Wilfrid Laurier, en Ontario.

M. Flávio a présenté un exposé sur ce sujet lors de la réunion conjointe sur les sciences aquatiques qui a eu lieu en mai 2022 à Grand Rapids, au Michigan. Avant l’utilisation du TFM, la lamproie marine avait un effet dévastateur sur les populations de poissons des Grands Lacs, tuant des espèces indigènes qui ne sont pas adaptées pour survivre à leurs attaques. Le lampricide élimine environ 95 % à 99 % de la population totale de lamproies marines dans les Grands Lacs, ce qui permet de contrôler la population et de s’assurer que d’autres espèces de poissons peuvent survivre et prospérer.

Selon M. Flávio, des recherches remontant aux années 1960 ont révélé que l’efficacité du TFM semblait diminuer pendant les mois d’été, à moins de l’appliquer à des concentrations plus élevées. Au cours des dernières années, ce phénomène a mené à des recherches sur l’effet du réchauffement des eaux, dans le contexte des changements climatiques, sur l’utilisation du produit.

Bien que des facteurs comme l’alcalinité aient également une incidence sur l’efficacité du TFM, une étude publiée en 2021 a confirmé que la température de l’eau était le principal facteur agissant sur l’efficacité du TFM au cours de différentes saisons, a-t-il dit. Cela a amené M. Flávio à commencer à examiner la fourchette des températures dans lesquelles les larves de lamproie marine sont les mieux placées pour survivre aux traitements du TFM.

En tant qu’espèce parasitaire dont l’aire de répartition indigène couvre une grande partie de l’océan Atlantique Nord et les eaux douces qui y sont reliées, la lamproie marine peut vivre dans une variété de températures de l’eau, a dit M. Flávio. En revanche, les espèces indigènes des Grands Lacs ont une aire de répartition plus petite et ont évolué dans les températures que l’on observe historiquement dans ces eaux.

« Nous savons que les Grands Lacs se réchauffent, et nous savons aussi que la lamproie marine réagit à ce réchauffement », affirme M. Flávio. « La saison de frai, par exemple, survient plus tôt en raison des températures printanières plus élevées. »

La recherche de M. Flávio a consisté à exposer les larves de lamproie marine à différentes températures de l’eau et à différents niveaux d’activité afin de déterminer leur aire de survie optimale – et leur capacité à résister aux traitements standards par lampricide. Bien que la lamproie marine meure à des températures d’environ 31 à 33 degrés Celsius (environ 88 à 93 degrés Fahrenheit), il y avait peu d’informations sur les températures dans lesquelles elle se développe en dessous de ce point. 

M. Flávio a conçu une série de chambres pour contenir les larves de lamproie marine à une température d’eau donnée, en mesurant leur consommation d’oxygène pendant qu’elles étaient au repos et lorsqu’elles étaient actives. Les taux d’utilisation de l’oxygène par la lamproie marine correspondent étroitement à l’efficacité du TFM à différentes températures, ce qui en fait un outil de mesure utile, explique-t-il.

Cette recherche confirme des études antérieures qui ont montré que la lamproie marine a une tolérance élevée pour les températures chaudes. Selon lui : « Les larves de lamproie marine présentent une grande plage thermique, ce qui indique que leur tolérance au TFM continuera probablement d’augmenter à mesure que la température de l’eau augmentera dans les Grands Lacs. »

Bien que ces renseignements soient utiles pour mettre à jour les tableaux de traitement par TFM afin de tenir compte des températures plus élevées, d’autres espèces doivent également être prises en compte, juge M. Flávio. Les étudiants de l’université effectuent des recherches sur l’incidence de la hausse des températures et de l’augmentation requise des concentrations de TFM sur les espèces indigènes.

« Nous craignons que pendant que les taux de survie de la lamproie augmentent (pour ce qui est des traitements par lampricide), les espèces indigènes pourraient s’approcher du point d’inflexion où leur situation se gâte et devenir moins tolérantes au TFM. »

Selon M. Flávio, l’atteinte d’un point où les traitements par TFM finiraient par tuer les espèces qu’ils sont censés protéger mènerait à un « moratoire complexe » en ce qui a trait à la gestion des populations de lamproies marines. Bien qu’il existe d’autres méthodes pour réduire les populations, le lampricide demeure l’un des meilleurs outils à la disposition des gestionnaires. Une fois que d’autres renseignements seront disponibles sur la transformation du TFM par les poissons indigènes à des températures plus élevées, les gestionnaires pourront commencer à déterminer la meilleure façon d’appliquer le TFM de manière à tenir compte de l’évolution des conditions.

M. Flávio déclare qu’une fois les travaux supplémentaires terminés, lui et les autres chercheurs ont l’intention de publier officiellement leurs résultats, idéalement l’année prochaine.

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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