La rivière Ashtabula, en Ohio, qui se jette dans le lac Érié, a été retirée d’une liste binationale de « secteurs préoccupants » dans les Grands Lacs, ce qui signifie que la rivière a été assainie et qu’elle s’est remise de graves dommages environnementaux accumulés au cours des deux siècles précédents.
L’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis a fait l’annonce de cette importante réalisation en août. Il y avait 43 secteurs préoccupants (SP), officiellement désignés en vertu de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs de 1987. Cinq de ces secteurs chevauchent la frontière canado‑américaine, tandis que 12 autres se trouvent uniquement au Canada et les 26 autres sont aux États-Unis. L’on a déterminé que chacun de ces points chauds toxiques affichait au moins une altération des utilisations bénéfiques, ou AUB, allant de la perte d’habitat à la prolifération d’algues indésirables et aux restrictions sur la consommation d’eau potable ou de poisson.
La CMI a eu un rôle à jouer dans l’établissement des secteurs préoccupants dans les Grands Lacs lorsqu’elle a recommandé aux gouvernements d’effectuer d’autres travaux pour composer avec la contamination toxique à des sites précis dans son troisième rapport biennal d’évaluation des progrès de 1986. Résumant le travail effectué par le Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs au cours des années précédentes, la CMI a proposé des points de repère pour les administrations des Grands Lacs qui ont des problèmes chroniques de contamination, ainsi que pour l’élaboration de critères de nettoyage des sédiments contaminés dans les « sites préoccupants ». Ces recommandations ont constitué le fer de lance du programme des secteurs préoccupants.
Le Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs de la CMI a déterminé que la rivière Ashtabula était un secteur préoccupant. Lors de sa désignation officielle en 1987, le site affichait six des 14 altérations des utilisations bénéfiques qui devaient être résolues pour qu’il puisse être retiré de la liste.
Les problèmes de la rivière Ashtabula étaient attribuables à l’industrialisation, à la pollution chimique de l’eau et des sédiments et à la perte de l’habitat naturel des berges. Des restrictions avaient été imposées sur la consommation de poisson de la rivière en raison de la contamination par des produits chimiques, on déplorait la perte d’habitats de poissons et d’espèces sauvages en raison du développement industriel et de la contamination de la rivière par des produits chimiques, un déclin des populations de poissons et d’espèces sauvages coïncidant avec une dégradation de l’écosystème benthique (ou du fond de la rivière), et des restrictions sur le dragage des sédiments avaient été décrétées dans le secteur préoccupant en raison de la pollution et des nombreuses tumeurs cancéreuses trouvées dans les poissons du secteur.
Historique du secteur préoccupant de la rivière Ashtabula
Dans le cas de la rivière Ashtabula, les problèmes ont commencé dans les années 1800 avec le développement le long des tronçons inférieurs de la voie navigable pour permettre la navigation commerciale, ce qui a détruit des étendues d’habitat naturel. Les problèmes se sont intensifiés dans les années 1900, lorsque des usines de produits chimiques ont commencé à ouvrir en amont dans la région de Fields Brook, que l’EPA a désigné site du programme Superfund en 1993. Bien que l’adoption de la Clean Water Act en 1972 ait limité la contamination chimique future, les sédiments de la rivière sur le site du programme Superfund n’ont pas été éliminés et ont été progressivement poussés en aval vers le port.
« Il était clair que la contamination descendait la rivière », a déclaré Richard Nagle, avocat régional adjoint de l’EPA, dont la participation aux travaux sur le secteur préoccupant remonte aux années 1990.
Même si le port a été régulièrement dragué pour le transport maritime, on ne s’est pas occupé du secteur situé entre le port et la région de Fields Brook — environ du pont de la 24e Rue jusqu’à la cinquième Rue à Ashtabula — a déclaré Amy Pelka, cheffe de section du Bureau national des Grands Lacs de l’EPA.
Mme Pelka a également commencé à travailler à l’assainissement du secteur préoccupant dans les années 1990. Elle a déclaré que la sédimentation nuisait à l’habitat des populations de poissons et qu’elle entraînait également des problèmes d’accessibilité parce qu’elle rendait difficile le fait d’amener un bateau de plaisance sur la rivière. Comble de malheur, le simple fait de draguer les sédiments, avec toute la contamination qu’ils contiennent, aurait entraîné de nouveaux problèmes.
L’EPA a envisagé d’agrandir le site du programme Superfund pour englober la zone en aval afin de régler ces problèmes, mais la collectivité s’est opposée à une telle mesure. En fin de compte, l’EPA a convenu de ne pas étendre ses activités dans la rivière après la création d’un partenariat public-privé entre la collectivité, les organismes gouvernementaux américains et des entreprises locales. Selon M. Nagle, il a fallu plusieurs années pour élaborer un plan de gestion complet de restauration de la rivière et, par un heureux concours de circonstances, le Congrès américain a adopté en 2002 la Great Lakes Legacy Act, qui a donné à l’EPA le pouvoir et le financement nécessaires pour commencer à extraire les sédiments contaminés.
L’EPA, l’Ohio Environmental Protection Agency, l’Ashtabula City Port Authority, l’industrie locale et des propriétaires de bateaux de la région ont tous participé conjointement aux efforts visant à mettre en œuvre le plan de restauration, avec l’aide d’équipes techniques, d’équipes de sensibilisation et du financement nécessaire, a déclaré Scott Cieniawski, chef de section du Bureau national des Grands Lacs de l’EPA.
L’effort de nettoyage
Près de 500 000 verges cubes de sédiments contaminés ont été retirés de la rivière en 2006 et en 2007. Des plateaux ont été installés dans la rivière en 2009 et en 2010 pour constituer un nouvel habitat pour les poissons. Les coûts de ces projets ont été répartis également entre les partenaires fédéraux et les autres.
À l’entrée en vigueur de la Great Lakes Restoration Initiative des États-Unis en 2011, des millions de dollars ont permis de créer un habitat supplémentaire et de draguer d’autres secteurs contaminés de 2011 à 2013. Les travaux de l’EPA sur le site du programme Superfund de Fields Brook comprenaient l’élimination des contaminants dans l’affluent de Fields Brook et dans les secteurs d’origine près des diverses installations industrielles, ce qui a empêché une nouvelle contamination dans les zones qui avaient déjà été nettoyées. Selon le rapport sur les retraits de la liste, près de 70 millions de dollars ont été consacrés à l’élimination des altérations des utilisations bénéfiques dans le secteur préoccupant de la rivière Ashtabula.
L’étape de la surveillance
Une fois les travaux de restauration effectués, l’étape suivante a constitué pendant plusieurs années à surveiller l’assainissement de la rivière.
« Nous avons commencé à recueillir des données à de multiples fins en 2011 pour voir comment nous progressions à l’égard de chacune des AUB, selon Mme Pelka. Nous avons examiné les éléments physiques, la quantité de sédiments et l’ampleur de la contamination, les niveaux de contamination. Nous avons analysé le benthos (la couche la plus profonde de la rivière), ainsi que le poisson. L’État a établi un indice de l’intégrité biotique… tout ce travail devait être documenté afin d’établir la preuve de ces améliorations. »
Processus et mesures de protection
Une fois que l’EPA et ses partenaires locaux ont recueilli suffisamment d’information pour qu’il soit établi qu’une AUB a été résolue, celle-ci peut être retirée de la liste des problèmes actifs dans un secteur préoccupant. Pour la rivière Ashtabula, les altérations des utilisations bénéfiques liées à la perte d’habitats et de populations de poissons et d’espèces sauvages, ainsi qu’à la consommation de poisson, ont été éliminées en 2014. La dégradation benthique a été éliminée en 2018, et l’élimination de l’AUB concernant les tumeurs des poissons a suivi en 2019. Enfin, les restrictions sur le dragage ont été levées en 2020.
M. Cieniawski a précisé que les groupes consultatifs locaux qui aident à surveiller et à guider les travaux de nettoyage assurent habituellement la transition vers l’intendance et l’entretien à long terme d’un secteur préoccupant.
Progrès réalisés dans d’autres secteurs préoccupants des Grands Lacs
Depuis 1987, neuf des 43 secteurs préoccupants identifiés dans les Grands Lacs ont été retirés de la liste, soit six aux États-Unis (la rivière Ashtabula est la plus récente) et trois au Canada.
Outre les six secteurs préoccupants qui ont été retirés de la liste aux États-Unis, Mme Pelka a déclaré que neuf autres secteurs préoccupants aux États-Unis en sont à l’étape de la surveillance et que les travaux de nettoyage sont terminés, y compris des emplacements comme le secteur préoccupant de l’échancrure Rochester, au bord du lac Ontario et Waukegan Harbor, dans le lac Michigan.
Du côté canadien, trois des 12 sites inscrits à l’origine en sont à l’étape de la surveillance et de l’assainissement, soit la baie Nipigon, Jackfish Bay et Spanish Harbour.
De ce nombre, la baie Nipigon est celle qui est le plus près d’être officiellement retirée de la liste. Le graphique ci-après montre l’état de chaque secteur préoccupant des eaux canadiennes et des eaux canado-américaines aux fins de l’élimination des AUB. Les progrès varient sensiblement, aucune altération des utilisations bénéfiques n’ayant été éliminée dans certains sites et toutes les altérations ayant été complètement éliminées dans quatre sites. Veuillez noter que dans l’un de ces secteurs, la baie Nipigon, toutes les altérations des utilisations bénéfiques ont été éliminées, mais le secteur n’a pas été retiré de la liste parce qu’un rapport final du gouvernement fédéral n’a pas encore été terminé.
Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.