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Le suivi des poissons dans le réseau de la rivière Rouge et du lac Winnipeg pourrait contribuer aux efforts de restauration

Jeff Kart
IJC
electrofishing

Les poissons du réseau de la rivière Rouge et du lac Winnipeg n’ont pas de passeport, même s’ils se déplacent entre le Canada et les États-Unis. Ils peuvent en outre profiter du fait que le réseau fluvial est relativement libre de barrages et d’autres obstacles, ce qui facilite leur migration et leur fraie.

Un projet binational de télémétrie ichtyologique soutenu par la Commission mixte internationale (CMI) permet de découvrir la distance parcourue par les différentes espèces dans le réseau et donne un aperçu de la façon dont l’élimination d’un plus grand nombre d’obstacles pourrait profiter à la pêche.

Le projet a débuté en 2016 et a permis de constituer ce qui pourrait être l’un des plus grands réseaux de récepteurs en eau douce au monde, couvrant 9 000 kilomètres carrés (environ 3 500 milles) d’habitat lacustre et plus de 860 kilomètres de rivière (534 milles) dans les rivières Rouge, Assiniboine et Winnipeg, affirme Eva Enders, chercheuse scientifique à Pêches et Océans Canada.

Plus de 780 poissons de sept espèces ont été marqués, y compris la barbue de rivière, le buffalo à grande bouche, l’esturgeon jaune et le doré jaune. Les marqueurs comprennent des émetteurs électroniques en communication avec des récepteurs installés dans tout le réseau afin de suivre les déplacements des poissons à destination et en provenance du lac Winnipeg et de la rivière Rouge.

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Un doré jaune marqué d’un émetteur. Photo : Doug Watkinson

« Ce que nous avons assurément appris, c’est que ces poissons se déplacent beaucoup et sur de grandes distances », explique Mme Enders.

Le rayon d’action d’un buffalo à grande bouche a été établi jusqu’à 500 kilomètres (310 milles) par année, par exemple. Même s’ils reviennent frayer chaque année au même endroit , ils se déplacent aussi dans tout le réseau, en utilisant tout l’habitat qui est à leur disposition.

« Il était important de montrer que si l’on permet aux poissons de se déplacer librement dans un réseau relativement libre d’obstacles comme celui de la rivière Rouge, où leurs déplacements ne sont pas interrompus par une chaîne de barrages hydroélectriques, ces poissons utilisent vraiment l’habitat », explique Mme Enders.

Les populations de poissons peuvent survivre dans de plus petites sections de rivière, comme dans la rivière Winnipeg, où les barrages peuvent nuire à la connectivité des rivières et, en conséquence, aux déplacements des poissons. Toutefois, permettre aux poissons de se déplacer au besoin est préférable pour la biodiversité et le flux génétique dans la population, et les poissons peuvent ainsi avoir accès à des sources alimentaires et à des conditions environnementales optimales, poursuit Mme Enders.

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Exemple de déplacement annuel d’un buffalo à grande bouche dans la rivière Rouge. Photo : Colin Charles

Les conclusions à ce jour

Les poissons, selon leur espèce et le niveau d’eau, peuvent franchir certains obstacles, mais pas d’autres.

Sur la rivière Assiniboine, le barrage du canal Portage est un obstacle au déplacement en amont, « un bloc assez solide », comme l’a expliqué Mark Pegg, écologiste piscicole à l’Université du Nebraska.

Sur la rivière Rouge, les poissons peuvent franchir le barrage Drayton et il leur est possible de se déplacer en aval au-delà de l’écluse et du barrage St. Andrews. « À l’heure actuelle, les poissons se déplacent en aval jusqu’à Lockport, dans le cours inférieur de la rivière Rouge, mais certains d’entre eux ne peuvent ensuite aller plus loin », affirme Mme Enders.

Cette année, plus de poissons seront marqués dans le lac Winnipeg, y compris la lotte.

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Pêche à la ligne de la barbue de rivière dans la rivière Rouge en aval de l’écluse et du barrage St. Andrews. Photo : Camille Macnaughton

Pourquoi procéder ainsi? 

La CMI a consacré 27 500 $CAN par année au projet dans le cadre de l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques (IIBH), financée par les gouvernements du Canada et des États-Unis. Le projet de télémétrie ichtyologique entame sa deuxième phase triennale en 2020 et devrait durer jusqu’en 2022.

Le Conseil de la rivière Rouge de la CMI compte un comité sur les écosystèmes aquatiques qui participe aux travaux, menés par Pêches et Océans Canada et l’Université du Nebraska à Lincoln. Parmi les autres partenaires, mentionnons le Minnesota Department of Natural Resources, la province du Manitoba, le North Dakota Game and Fish Department, l’Université du Manitoba et l’Université Lakehead.

« Ce financement à long terme (de la CMI) et la démarche binationale du projet nous ont vraiment aidés à obtenir beaucoup d’autres fonds de sources provinciales et fédérales », affirme Mme Enders.

Une meilleure compréhension de la communauté de poissons de la rivière Rouge et des déplacements des poissons entre le Canada et les États-Unis est considérée comme importante pour caractériser l’état écologique du réseau, et les différences entre les portions canadienne et américaine de la rivière Rouge.

Le Conseil de la rivière Rouge pourra utiliser les données sur les déplacements des poissons pour tenir compte du débit dont les poissons ont besoin pour mener leur cycle de vie à terme. Les administrations des États et des provinces et les gouvernements fédéraux peuvent aussi utiliser les données pour prendre de meilleures décisions sur la gestion des pêches et analyser les répercussions des projets sur les poissons en vue de mieux composer avec les inondations, par exemple.

Voir plus de détails dans un article publié par Mme Enders, M. Pegg et d’autres à propos de ce projet.

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Carte du bassin du lac Winnipeg comprenant les rivières Rouge, Winnipeg et Assiniboine et le marais Netley-Libau. Photo : Doug Watkinson

Planifier l’avenir

M. Pegg, écologiste piscicole à l’université du Nebraska, affirme que les travaux sont importants pour le Minnesota, par exemple, en raison de la réintroduction de l’esturgeon jaune dans la rivière Rouge.

« Ces poissons se déplacent-ils et, dans l’affirmative, où vont-ils? Vont-ils se mêler à la population déjà dans le réseau? Il s’agit avant tout de découvrir quelles sont les interactions », dit-il.

M. Pegg signale qu’on envisage de construire des rampes pour améliorer les passes à poissons, comme sur le barrage Drayton. De telles mesures ont été prises sur d’autres barrages plus en amont sur la rivière Rouge.

Un des étudiants de M. Pegg, Henry Hansen, a aussi conclu récemment une étude sur les ramifications de la pêche à la barbue de rivière. Une proposition visant à augmenter les prises commerciales dans le lac Winnipeg a été examinée.

« Nous avons constaté que dans les zones où il se pratique de la pêche récréative ou commerciale, les tailles des poissons diminuent… », dit M. Pegg. « Tout le monde pêche dans la rivière Rouge pour attraper de grosses barbues de rivière, alors si nous commençons à prendre des mesures qui entraînent une réduction des tailles, cela pourrait avoir des effets économiques très négatifs. »

Jeff Kart
IJC

Jeff Kart is executive editor of the Shared Waters IJC newsletter and a contractor to the US Section of the International Joint Commission in Washington, D.C.

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