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Les changements climatiques et les barrages sont des entraves à la production de riz sauvage au lac à la Pluie

kevin bunch
Kevin Bunch
canoe and bed of wild rice in minnesota

 

Un riz sauvage poussant dans l’eau, Kathio State Park, Minnesota. Photo : Brett Whaley
Un riz sauvage poussant dans l’eau, Kathio State Park, Minnesota. Photo : Brett Whaley

Le riz sauvage pousse avec difficulté dans le secteur du lac à la Pluie, situé à la frontière de l’Ontario et du Minnesota, une zone pourtant connue pour sa fertilité. Bien que les changements climatiques aient joué un rôle dans la croissance moindre de cette plante notoirement délicate, la gestion du niveau de l’eau et du débit par l’homme y est également pour quelque chose.

Selon Allan Yerxa, coordonnateur des terres et des ressources de la Première Nation de Couchiching, au fil des décennies, les barrages et le régime de gestion de l’eau du lac à la Pluie ont grandement contribué au déclin du riz sauvage, autrement appelé en ojibwé, Manoomin). De plus, les récoltes n’ont été fructueuses que deux fois au cours des 13 dernières années.

Le lac à la Pluie est relié au lac Namakan, et plus en aval, au lac des Bois. Les niveaux d’eau des lacs sont gérés par une série de barrages. Les exploitants sont tenus de maintenir ces niveaux dans une fourchette déterminée par des courbes d’exploitation, sous la supervision du Conseil du bassin du lac des Bois et de la rivière à la Pluie de la CMI.

Le lac à la Pluie est situé au milieu d’un bassin hydrographique qui s’étend du nord du Minnesota au sud de l’Ontario, la Première Nation de Couchiching étant située sur la rive ouest du lac. Illustration : CMI
Le lac à la Pluie est situé au milieu d’un bassin hydrographique qui s’étend du nord du Minnesota au sud de l’Ontario, la Première Nation de Couchiching étant située sur la rive ouest du lac. Illustration : CMI


Le riz sauvage a de la difficulté à pousser en raison de la présence de la quenouille hybride envahissante qui prolifère sous l’effet des niveaux d’eau régularisés et constants. Cette plante aquatique prospère dans le même habitat que le riz sauvage et forme d’épais tapis qui gagnent du terrain sur les plantes indigènes. Le rat musqué est un important agent de contrôle naturel contre la quenouille, mais il ne survit que très rarement à l’hiver en raison de la diminution des niveaux d’eau durant cette saison, niveaux qui sont fonction des courbes d’exploitation établies en 2000. Toujours selon M. Yerxa, il y a également eu des problèmes de fluctuation du niveau d’eau pendant les saisons de croissance et de récolte, ce qui a eu pour résultat de tuer le riz.

« Il y a 100 ans, le riz sauvage que nous récoltions était pour nous un aliment de base. il faisait partie de notre régime alimentaire. Nous en cueillions assez pour toute une année. Mais aujourd’hui, c’est presque un luxe d’avoir du riz sauvage dans ses armoires. Voilà l’impact sur les Premières nations, » devait ajouter M. Yerxa.

M. Yerxa précise qu’avec si peu à récolter, sa communauté achète régulièrement du riz sauvage à d’autres Premières nations, situées plus au nord, pour les ateliers d’automne et les activités culturelles. De plus, ajoute-t-il, il n’existe aucune façon réaliste d’étendre l’habitat des plants de riz sauvage dans la région afin qu’ils puissent croître indépendamment du réseau du lac à la Pluie, comme c’est le cas pour d’autres communautés autochtones au nord et au sud.

La CMI s’intéresse à l’amélioration des conditions de culture du riz sauvage dans le bassin hydrographique du lac à la Pluie. Au cours des dernières années, la CMI a travaillé avec les Premières Nations de la région afin de financer des études sur le riz sauvage dans le bassin Rainy-Namakan (ainsi que sur d’autres enjeux importants pour leurs communautés).

Peter Lee, spécialiste de l’écologie des milieux humides à l’Université Lakehead de Thunder Bay (Ontario), estime que les récoltes de riz sauvage sur le lac à la Pluie varient d’une année à l’autre, parfois de façon spectaculaire. Par exemple, il n’y a pas eu de récolte appréciable en raison des niveaux d’eau élevés en 2014, mais les années 2015 et 2016 ont donné de meilleurs rendements. Il reste qu’on a constaté une baisse dans la durée.

 « Les récoltes de riz sauvage en Ontario ont diminué de plus de 150 000 livres sur le lac à la Pluie et de plus d’un million de livres sur le lac des Bois depuis les années 1970, pour un total de moins de 100 000 livres », ajoute M. Lee. Cela est en grande partie attribuable à l’augmentation des niveaux d’eau, bien que des facteurs économiques soient également en cause.

M. Lee a travaillé avec la Première Nation de Seine River et a utilisé le financement de la CMI pour déterminer les meilleurs régimes hydriques pour la croissance du riz. À l’aide de radeaux flottants, ils ont pu déterminer la profondeur d’eau idéale et le moment idéal pour la récolte du riz sauvage, concluant que le stade de submersion complète et celui où les feuilles flottent à la surface représentent les périodes les plus sensibles.

Une étude ultérieure réalisée par la Première Nation de Seine River et Lee a permis d’examiner la gravité des impacts de la quenouille hybride et de constater que des centaines d’hectares de rizières sauvages ont été envahis. Cette recherche a également révélé qu’en coupant les quenouilles sous la surface de l’eau – par exemple, à l’aide d’un aéroglisseur – on tuait les plantes envahissantes, tandis que toutes les graines de riz sauvage encore dans l’eau arriveraient à germer et à repousser.

D’autres ajustements à la façon dont les niveaux d’eau sont gérés sur le lac à la Pluie devraient également aider. De nouvelles courbes d’exploitation sont entrées en vigueur le 1 août, l’un des objectifs étant d’améliorer la survie du riz sauvage et les taux de récolte.

L’un de ces ajustements a consisté à modifier le moment de l’épuisement des lacs, ce qui a considérablement réduit la période hivernale de rabattement. Bien que le rabattement global soit similaire, cela devrait favoriser la survie des rats musqués pendant les mois d’hiver. En effet, ceci facilitera la construction d’abris plus près des eaux libres, ce qui devrait aider à contrôler le problème des quenouilles envahissantes et fournir plus d’espace pour que le riz sauvage se multiplie lui-même.

Le comité des niveaux d’eau du conseil du bassin hydrographique a publié de nouvelles lignes directrices opérationnelles à l’intention des exploitants de barrages. Bien que les nouvelles courbes d’exploitation offrent une marge de manœuvre pour cibler des niveaux et des débits d’eau précis dans la fourchette de la courbe d’exploitation pour des besoins ou des objectifs particuliers – moyennant les bonnes conditions météorologiques et hydriques - les lignes directrices fournissent des considérations saisonnières et des pratiques exemplaires. Ces lignes directrices opérationnelles seront ouvertes aux commentaires du public sous peu et devraient continuer d’être modifiées à mesure que de nouveaux renseignements et de nouvelles circonstances se présentent.

En tant que palier supplémentaire de soutien à la survie du riz sauvage, les nouvelles courbes d’exploitation permettent de maintenir les niveaux d’eau pour la croissance et la récolte du riz sauvage si les conditions météorologiques et l’eau le permettent.

M. Yerxa précise que la Première Nation de Couchiching, de concert avec les autres Premières Nationsvisées par le Traité no 3, travaille avec le conseil et le comité du bassin hydrographique à un protocole écrit sur le riz sauvage, lequel détaille les niveaux et les débits d’eau, et les calendriers idéaux pour la croissance du riz sauvage. Ils espèrent mettre ce protocole à la disposition du Conseil du bassin du lac des Bois et de la rivière à la Pluie et de la CMI pour les aider à la gestion de l’eau.

Il est difficile de planifier en fonction des changements climatiques. M. Yerxa indique que sa collectivité a constaté une augmentation de la fréquence et de la violence des tempêtes. Celles-ci peuvent abattre les plants, ou faire tomber les grains de riz des plants avant qu’ils ne soient récoltés.

Selon Peter David, biologiste de la faune de la Great Lakes Indian Fish & Wildlife Commission, outre les risques d’inondation pour les collectivités, ces tempêtes peuvent accroître le ruissellement des nutriments qui résulte en une plus grande turbidité de l’eau laquelle, à son tour, entrave la germination et le développement des plantes. Et les inondations au stade où les feuilles flottent à la surface peuvent causer des pertes dramatiques, notamment à cause d’une maladie fongique appelée tache brune.

Qui plus est, le riz sauvage est adapté aux climats difficiles dans les latitudes froides et septentrionales, ajoute M. David. Des hivers plus courts et plus chauds prolongent la saison de croissance, de sorte que le riz sauvage peut être facilement phagocyté par des espèces adaptées aux conditions plus chaudes.

Pour M. Yerxa, indépendamment de ces problèmes, la Première Nation de Couchiching continuera de conserver un sac de riz sauvage pour réensemencer son habitat sur le lac à la Pluie à chaque printemps, dans l’espoir que les plants de riz puissent germer et pousser.

Machine à récolter en train d’arracher les quenouilles hybrides envahissantes dans le parc national des voyageurs, en août 2017. Photo : CMI
Machine à récolter en train d’arracher les quenouilles hybrides envahissantes dans le parc national des voyageurs, en août 2017. Photo : CMI


 

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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