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Les chenaux qui relient les Grands Lacs nécessitent davantage de surveillance et d’évaluation

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Allison Voglesong Zejnati
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Victor Serveiss
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Vous êtes sur scène, debout derrière un pupitre de l’émission Jeopardy!, et l’animateur vous lit la question-réponse : « Ils contiennent environ 20 % des eaux douces de surface de la Terre ». Répondriez-vous du tac au tac : « Que sont les Grands Lacs (laurentiens) »? Et si la question-réponse était : « Une rivière, un détroit ou un lac fluvial qui relie deux Grands Lacs » : sauriez-vous nommer sans peine l’un des chenaux qui relient les Grands Lacs?

Les Grands Lacs sont reliés par sept chenaux : la rivière St. Marys, qui serpente entre le lac Supérieur et le lac Huron; le détroit de Mackinac, qui relie les lacs Michigan et Huron; la rivière Sainte-Claire, le lac Sainte-Claire et la rivière Détroit, qui relient le lac Huron au lac Érié; la rivière Niagara, qui s’écoule entre les lacs Érié et Ontario; enfin, le fleuve Saint-Laurent, qui déverse les eaux du lac Ontario dans l’océan Atlantique.

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Diapositive du webinaire d’octobre sur laquelle le Comité de coordination des recherches du Conseil consultatif scientifique des Grands Lacs énumère les chenaux qui relient les Grands Lacs. Photo : CMI

Comme ces chenaux de raccordement ne sont pas aussi vastes et majestueux que les « mers intérieures » qu’ils relient, ils n’attirent pas autant l’attention du grand public et des médias, et la communauté scientifique des Grands Lacs a elle aussi tendance à les ignorer.

Ainsi, une étude de 2007 démontre que ces chenaux ont reçu beaucoup moins d’attention que les lacs qu’ils relient. Très peu de publications scientifiques les mentionnent, parce que les gouvernements et les organismes de financement et de recherche ne s’en soucient que très peu.

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Les résultats d’un examen critique de la fréquence des publications indiquent que les chenaux de raccordement des Grands Lacs sont souvent négligés dans les publications scientifiques évaluées par les pairs. Graphique reproduit avec la permission du Journal of Great Lakes Research.

En menant une étude approfondie du suivi et de la surveillance des chenaux de raccordement des Grands Lacs, les directeurs de recherche qui composent le Comité de coordination des recherches du Conseil consultatif scientifique des Grands Lacs de la CMI ont découvert un certain nombre de lacunes. Ce groupe de travail comprenait des membres de l’US Geological Survey, de l’US Environmental Protection Agency, d’Environnement et Changement climatique Canada, du ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de l’Ontario ainsi que des universitaires et des membres d’autres organismes. L’élaboration du rapport était dirigée par un membre du Comité, Michael Twiss, auteur de l’étude de 2007 et professeur de biologie à l’Université Clarkson ainsi que par Rebecca Rooney, professeure adjointe à l’Université de Waterloo. 

Le Comité a récemment publié son rapport. Il a ensuite tenu un webinaire, le 8 octobre dernier, afin d’expliquer l’importance de cette question et de suggérer des moyens d’attribuer à ces chenaux de raccordement l’attention scientifique qu’ils méritent.

Historiquement, les communautés autochtones ont toujours considéré ces chenaux comme des lieux de rencontre importants. Ils y sont encore très présents à l’heure actuelle. Les chenaux de raccordement sont des liens cruciaux du réseau économique et écologique des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. Ils comportent des zones humides d’importance internationale (Convention de Ramsar), des frayères de poissons et des sites de nidification d’oiseaux absolument vitaux. Pourtant, ils sont menacés par de nombreux facteurs de stress environnementaux, comme les grandes villes, les sites industriels, les routes de navigation, les ponts et les passages de pipelines. Plusieurs ouvrages de contrôle du débit des chenaux de raccordement fournissent également de l’hydroélectricité et influencent marginalement le niveau de certains lacs.

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Sur cette diapositive du webinaire, le Comité de coordination des recherches du Conseil consultatif scientifique des Grands Lacs de la CMI présente des exemples des valeurs écologiques, sociales et économiques et des multiples menaces environnementales auxquelles font face les chenaux de raccordement des Grands Lacs. Tous les chenaux de raccordement (sauf la rivière Niagara) sont des couloirs de navigation. Toutes les rivières de raccordement comportent des zones préoccupantes. Photo : Rebecca Rooney

« En surveillant ces chenaux de raccordement, on discerne la santé de ces écosystèmes », explique Mme Rooney aux participants du webinaire. « Mais ce projet nous a surtout appris qu’en surveillant les chenaux, nous pouvons aussi mesurer l’intégrité des zones d’alimentation, des plans d’eau et des affluents situés en amont. Les résultats de cette étude ont révélé que la communauté scientifique et réglementaire des Grands Lacs ne reconnaît pas assez l’importance de surveiller ces chenaux. »

Le Conseil conclut son rapport en affirmant que les activités de surveillance actuelles des chenaux de raccordement sont insuffisantes pour soutenir adéquatement leur gestion. Pendant le webinaire, Mme Rooney a classé en quatre catégories les graves lacunes de cette surveillance : le manque de culture institutionnelle et de coordination entre les organismes, l’absence de normalisation des données, de l’infrastructure et de la technologie et le manque de personnel expérimenté.

L’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs de 2012 décrit deux processus que les organismes gouvernementaux doivent suivre en collaborant à la surveillance et à la gestion de la qualité de l’eau du bassin : le Plan d’action et d’aménagement panlacustre (PAAP) (Annexe 2) et l’initiative sur les activités scientifiques et de contrôle coopératives (expliquée en partie à l’Annexe 10). Les chenaux de raccordement (à l’exception du détroit de Mackinac) sont inclus dans ces deux processus à suivre pour certains lacs.

Toutefois, comme l’a expliqué aux participants du webinaire l’expert et coauteur du rapport, Jeff Ridal, directeur exécutif du St. Lauwrence River Institute of Environmental Science et ancien coprésident canadien du Comité de la priorité scientifique du Conseil consultatif scientifique des Grands Lacs de la CMI, les chenaux de raccordement sont inclus en bloc dans un processus axé sur les lacs et sur leurs résultats et dirigé par des spécialistes des lacs. Par exemple, les navires et les techniques dont on se sert dans les lacs ne conviennent souvent pas à l’échantillonnage que l’on effectuerait dans les eaux rapides et plus dangereuses des chenaux de raccordement.

Pendant le webinaire, M. Twiss a souligné que les méthodes de surveillance et de suivi établies par le passé pour l’ensemble du réseau des Grands Lacs ne fournissent pas les données spatiales, temporelles et spécifiques nécessaires pour comprendre l’état et les tendances de la santé des écosystèmes des chenaux de raccordement.

Pour remédier à cette situation, le Comité de coordination des recherches suggère que la CMI recommande aux gouvernements du Canada et des États-Unis d’élargir le libellé de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs de manière à y inclure la surveillance des chenaux de raccordement dans les deux processus prévus. 

Le Comité suggère également aux gouvernements du Canada et des États-Unis une façon d’élaborer un plan bien réfléchi de surveillance complète des chenaux de raccordement qui s’insère dans le cycle quinquennal des deux processus prévus dans l’Accord. Les gouvernements devraient pour cela coordonner le financement et les ressources en infrastructures, comme des navires capables de naviguer dans les eaux rapides des chenaux.

Le Comité recommande des changements afin d’améliorer l’éducation, la communication et la coordination globales pour aider la communauté scientifique à mieux comprendre ces écosystèmes. Pour diversifier l’initiative de coordination scientifique de façon à ce qu’un plus grand nombre d’experts des rivières, des détroits et des lacs fluviaux y participent, il faut améliorer l’éducation sur les chenaux de raccordement afin que les futurs scientifiques comprennent bien leurs caractéristiques particulières cruciales.

Le Comité a produit ce rapport pour que la CMI l’examine et pour sensibiliser les organismes gouvernementaux responsables des deux processus prévus dans l’Accord. En organisant ce webinaire et en le diffusant au grand public, le Comité vise cependant un objectif plus étendu. Ce rapport peut aider les organismes non gouvernementaux, notamment ceux qui se concentrent sur la surveillance et sur l’évaluation des Grands Lacs, à souligner de façon convaincante que les chenaux qui relient les Grands Lacs, ces lieux cruciaux d’interaction entre les humains et le biote aquatique, sont tellement essentiels et vulnérables que nous ne pouvons plus nous permettre de les négliger. Nous devons les placer au premier rang de nos priorités afin de bien les comprendre, les surveiller et les protéger.

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Allison Voglesong Zejnati
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Allison Voglesong Zejnati is public affairs specialist at the IJC’s Great Lakes Regional Office in Windsor, Ontario.

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Victor Serveiss
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Victor Serveiss is environmental adviser in the IJC’s US Section office in Washington D.C.

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