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Les gros orages sont précurseurs d’une augmentation des germes dans l’eau potable tirée des Grands Lacs : rapport du Conseil consultatif des professionnels de la santé de la CMI

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Jennifer Boehme
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Allison Voglesong Zejnati
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Quand ils ont signé l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs, les gouvernements du Canada et des États-Unis se sont engagés à faire des Grands Lacs une source d’eau potable sûre et de grande qualité. Or, les activités humaines et les phénomènes naturels peuvent avoir un impact négatif sur les eaux des Grands Lacs au point de nuire à la santé humaine. Les recherches les plus récentes du Conseil consultatif des professionnels de la santé de la CMI montrent que de fortes tempêtes risquent d’augmenter la présence de germes dans l’eau potable traitée provenant des Grands Lacs.

Les gros orages peuvent en effet entraîner des niveaux élevés de pathogènes indésirables comme des bactéries et obliger à la fermeture des plages des Grands Lacs en raison de risques pour la santé publique.

Ainsi, dans les quelques jours ou semaines qui suivent des pluies diluviennes, il n’est pas rare de voir pousser des pancartes sur les plages des Grands Lacs indiquant qu’elles sont fermées parce que dangereuses pour la baignade en raison de niveaux élevés de bactéries nuisibles à la santé. Toutefois, les maladies d’origine hydrique n’apparaissent pas seulement sur les plages. Le nouveau rapport de la Commission a examiné le lien entre la qualité de l’eau des Grands Lacs en tant que source d’eau potable traitée et les maladies gastro-intestinales aiguës d’origine hydrique.

Afin de comprendre les risques potentiels pour la santé des 40 millions de riverains canadiens et américains dont l’eau potable traitée provient des Grands Lacs, il est essentiel de compter sur la surveillance des eaux et la production de rapports. À la faveur de son dernier projet, le Conseil a combiné des données de surveillance de la qualité de l’eau avec des données sur les maladies (provenant de la Santé publique) et des données climatiques pour quatre villes riveraines des Grands Lacs. Ce travail de recherche par le Conseil a révélé que des précipitations abondantes après des périodes de sécheresse sont annonciatrices d’une augmentation du nombre de giardiases et de cryptosporidioses dans la population (deux types de « gastros »), dans les sept jours à sept semaines suivant un gros orage.

Gros orages, collecteurs de pluie et germes : un effet domino

Dans la région des Grands Lacs, les pluies diluviennes devraient augmenter d’intensité en raison des changements climatiques. Sous l’effet d’un phénomène de refoulement dans les réseaux d’égout entraînant le déversement d’eaux usées non traitées, les gros orages peuvent transporter des polluants directement dans les Grands Lacs.

Les eaux usées non traitées contiennent divers polluants, y compris des agents pathogènes qui peuvent poser des risques pour la santé.  On peut constater un effet domino entre les pluies diluviennes intenses sur les infrastructures qui provoquent une augmentation des germes dans les sources d’eau potable et, par voie de conséquence, une exposition accrue aux maladies hydriques dans les plans d’eau utilisés à des fins récréatives et en tant que sources d’eau potable traitée, comme les Grands Lacs.

Le CCPS (Conseil consultatif des professionnels de la santé de la CMI) s’est intéressé à deux pathogènes gastro-intestinaux aigus, le Cryptosporidium et le Giardia parce qu’ils sont particulièrement résistants aux processus courants de traitement des eaux et qu’ils peuvent donc être temporairement présents dans les réserves d’eau potable traitée.

Une raison d’effectuer des analyses supplémentaires, mais pas de s’alarmer

Selon le Dr Tim Takaro, professeur en sciences de la santé à l’Université Simon Fraser, qui a été coprésident canadien du Conseil de 2015 à 2020, « Initialement, l’étude a visé à recenser les données disponibles afin d’évaluer les dangers pour la santé humaine et de déterminer si des indicateurs environnementaux ou de qualité de l’eau permettraient de prévoir et même de prévenir les risques pour la santé publique. »

L’étude du CCRPS a donc porté sur la qualité de l’eau, la santé publique et les données météorologiques de 2009 à 2014 pour les régions de Toronto et de Hamilton (Ontario) qui puisent leur eau potable dans le lac Ontario, et pour deux villes américaines qui traitent l’eau extraite du lac Michigan, soit Green Bay et Milwaukee (Wisconsin).

« En fin de compte, il a été difficile de mettre la main sur des données pouvant être comparées dans le temps et d’une région à l’autre. Malheureusement, les données sur la météo, la qualité de l’eau et les maladies sont rarement intégrées aux fins d’analyse. C’est à cause de cette difficulté que le Conseil recommande également de mettre sur pied un centre binational d’échange d’indicateurs de la qualité des sources d’eau potable afin de normaliser et de centraliser les données », ajoute le Dr Takaro.

Les résultats de l’étude sont une première en ce qui concerne les Grands Lacs, mais ils confirment un phénomène semblable mentionné dans une étude de 2017 réalisée dans la région métropolitaine de Vancouver par Takaro, Bimal Chhetri et al.

« Cette étude établit une relation temporelle entre les pluies abondantes et les cas de deux maladies gastro-intestinales hydriques », indique le Dr Seth Foldy, coauteur du rapport du CCPS, membre du conseil et ancien directeur des services d’épidémiologie, d’informatique et de préparation à l’Institut de santé publique de l’hôpital Denver Health.

« On a constaté des changements simultanés de qualité de l’eau du lac et de qualité de l’eau traitée pour la consommation humaine, ce qui veut dire que l’eau potable pourrait être la source d’une partie des infections. Cependant, pour confirmer cette relation, plus de données et d’analyses seront nécessaires. »

« Malheureusement, les changements climatiques entraîneront des pluies diluviennes plus fortes dans la région. Il est possible qu’on assiste à une augmentation du nombre de maladies et de problèmes liés au traitement de l’eau. C’est pourquoi les données sur la santé, la qualité de l’eau et le climat devraient être systématiquement intégrées pour permettre un examen et une analyse continus à l’échelle du bassin hydrographique des Grands Lacs. »

Une meilleure compréhension de ces tendances contribuerait à atténuer la vulnérabilités des réseaux d’eau potable au Canada et aux États-Unis.

S’adapter aux changements climatiques

Il faut s’attendre non seulement à ce que les changements climatiques augmentent les extrêmes climatiques dans la région (temps pluvieux comme temps sec), mais aussi à ce qu’ils modifient les facteurs physiques, biologiques et chimiques qui influent sur la façon dont les services publics gèrent les eaux pluviales, les égouts sanitaires et le traitement de l’eau potable.

Par ailleurs, d’aucuns s’attendent également à ce que les changements climatiques aient une incidence sur plusieurs facteurs liés aux maladies gastro-intestinales, ce qui rend urgent l’évaluation de la capacité à surveiller cette relation. L’impact anticipé des changements climatiques souligne la nécessité, pour les services publics de traitement de l’eau potable, de mieux s’adapter et de mieux réagir aux changements climatiques afin de réduire les risques pour les millions de personnes qui dépendent des Grands Lacs pour leur eau potable.

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Des piétons pris dans un orage sautent par-dessus une flaque d’eau dans une rue de Chicago. Crédit photo : Charles Edward Miller/Flickr

La surveillance et la production de rapports sur la qualité de l’eau à des fins domestiques, dans des conditions climatiques changeantes, combinées aux données sur les tendances en santé publique, sont essentielles pour établir le lien de dépendance entre la santé humaine et la santé des lacs ainsi que les progrès des gouvernements dans le sens des objectifs de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs.

Fortes de ces connaissances, les villes pourraient mieux planifier et gérer le traitement de l’eau et des déchets face aux changements climatiques, tout en s’efforçant de mieux comprendre les causes et les effets des changements climatiques rapides et de s’y adapter. 

Pour en savoir plus, voir le résumé illustré, le communiqué de presse et le rapport complet sur le site Web du CCPS (en anglais seulement).

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Jennifer Boehme
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Jennifer Boehme is a senior environmental scientist at the IJC’s Great Lakes Regional Office and serves as chair of the GLOS Board.

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Allison Voglesong Zejnati is public affairs specialist at the IJC’s Great Lakes Regional Office in Windsor, Ontario.

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