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Les poissons du lac Ontario ont aussi besion de leurs vitamines!

kevin bunch
Kevin Bunch
Les poissons prédateurs comme la truite et le saumon semblent souffrir d’une carence vitaminique dans le lac Ontario, et le coupable pourrait bien être l’une de leurs espèces de poissons proies, le gaspareau salé.
Dimitry Gorsky, biologiste, US Fish and Wildlife Service remet à l’eau un touladi dans le cours inférieur de la rivière Niagara. Gracieuseté de : USFWS

Dimitry Gorsky, biologiste, US Fish and Wildlife Service remet à l’eau un touladi dans le cours inférieur de la rivière Niagara. Gracieuseté de : USFWS

 

À l’automne 2014, des chercheurs ont observé que la truite arc‑en‑ciel qui migrait vers la rivière Salmon se comportait de façon anormale en raison de ce qui semblait être une piètre vision; des pêcheurs à la ligne ont même signalé des cas de mortalité. Après une enquête, les représentants officiels ont signalé que ces poissons souffraient d’une carence en thiamine.

La thiamine, aussi connue sous le nom de vitamine B1, n’est pas quelque chose que le poisson (ou tout animal) peut produire lui‑même. Il en a besoin dans son alimentation, ce qui comprend des espèces envahissantes comme le gaspareau salé, l’éperlan arc-en-ciel et le gobie à taches noires. Jacques Rinchard, Ph. D., professeur agrégé, au campus Brockport de la State University of New York (SUNY), a fait savoir que la carence en thiamine constitue un défi important pour les biologistes et les gestionnaires des pêches dans les Grands Lacs depuis la fin des années 1960 et le début des années 1970, lorsque le problème a été observé pour la première fois chez les espèces de saumon et de truite dans les lacs Michigan et Huron. Le gaspareau salé n’est pas indigène à ces réseaux lacustres, et finalement, un lien a été établi entre la carence et le gaspareau salé que les poissons avaient mangé.

Le gaspareau salé fait partie des aliments du saumon indique Rinchard. « Dans le lac Huron, lorsque la population de gaspareaux salés s’est effondrée, nous avons observé à nouveau la reproduction naturelle du touladi dans le lac, ce qui indiquait un lien entre le gaspareau salé et la carence en thiamine. »

Gaspareaux salés nageant dans une remonte de poissons. Gracieuseté : NOAA Fisheries/Jerry Prezioso

Gaspareaux salés nageant dans une remonte de poissons. Gracieuseté : NOAA Fisheries/Jerry Prezioso

Steven LaPan, chef de la section des Pêches des Grands Lacs qui travaille au New York Department of Environmental Conservation (DEC), a indiqué que le gaspareau possède une enzyme connue sous le nom de thiaminase, qui décompose la thiamine en ses systèmes. On ignore la cause de la variation de la quantité de cette enzyme chez le gaspareau d’une année à l’autre, signale LaPan.

Cependant, les répercussions sont claires. Sans le savoir, certaines espèces de poissons prédateurs se nourrissant de gaspareaux salés voient leur concentration en thiamine s’appauvrir, ce qui entraîne une carence vitaminique. Cela représente l’un des principaux facteurs qui ont entraîné l’effondrement des populations de truites et de saumons dans le lac Ontario lorsque le gaspareau salé a commencé à devenir plus abondant : les deux espèces se nourrissaient d’un nombre plus élevé de gaspareaux salés et devenaient malades en raison de cela (ils ont aussi souffert de la perte d’habitats, de la surpêche et de la présence d’espèces envahissantes, comme les lamproies de mer). Pour s’attaquer au problème du gaspareau salé, des espèces de saumon du Pacifique, comme le saumon quinnat et le saumon coho, ont été ensemencés dans les Grands Lacs pour contrôler la population de gaspareaux salés et permettre à au touladi et au saumon atlantique de se rétablir. La thiaminase a aussi des incidences sur ces espèces, mais elles ne sont pas aussi graves.

Matt Futia, étudiant diplômé, campus Brockport de la SUNY mesure la concentration en thiamine dans des tissus de poisson. Gracieuseté : Matt Futia
Matt Futia, étudiant diplômé, campus Brockport de la SUNY mesure la concentration en thiamine dans des tissus de poisson. Gracieuseté : Matt Futia

Les scientifiques du laboratoire de Rinchard au campus Brockport de la SUNY travaillent avec la Commission géologique des États‑Unis et l’Université Cornell à des recherches visant à découvrir les liens entre le gaspareau salé et la carence en thiamine dans le lac Ontario. Les résultats préliminaires devraient être disponibles au début de 2017.

Les programmes des pêches peuvent aider à compenser les incidences de la carence en thiamine. Les œufs peuvent être traités avec des bains de thiamine dans une écloserie pour veiller à ce que les alevins se développent correctement et soient en santé – un processus entrepris par le New York Department of Environmental Conservation (DEC). Les populations qui se reproduisent naturellement comme celles du touladi ou de la truite arc-en-ciel ne peuvent être aidées de cette façon, et les mesures visant à contrôler les populations de gaspareaux salés constituent le principal moyen pour aider ces espèces. Il est possible d’injecter de la thiamine aux truites arc-en-ciel en migration, afin que leurs œufs soient sains, mais cela ne représente pas une option viable dans un réseau de cours d’eau comme celui du lac Ontario.

Une autre possibilité est de laisser les populations de saumons quinnat, de saumons coho réduire la population de gaspareaux salés comme ce qui s’est passé dans le lac Huron (bien que la pénurie des aliments soit aussi un problème en cet endroit). Bien que cela serait une véritable aubaine pour les populations de poissons indigènes, LaPan indique que l’industrie de la pêche sportive dans cette région a réussi avec une espèce de saumon du Pacifique introduit, et les gestionnaires ne peuvent donc laisser la population de gaspareaux salés être décimée s’ils veulent maintenir ce prédateur dans le lac Ontario.

La carence en thiamine ne semble pas non plus être aussi grave dans l’ensemble du lac Ontario. LaPan indique que des échantillons de tissus de gaspareau salé provenant de la rivière Niagara, de Rochester et de Cape Vincent ont révélé une chute des concentrations en thiamine, du secteur ouest vers le secteur est du lac. Cela est cohérent avec le fait que la majorité des nutriments qui entrent dans le lac proviennent de la rivière Niagara et sont utilisés à mesure que l’eau se déplace vers l’est.

Le DEC de New York et le ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario considèrent une réduction de 20 pour cent de l’ensemencement du saumon quinnat, mais cela vise principalement à maintenir le rythme avec la faiblesse de la population de gaspareaux salés après les hivers excessivement froids de 2013 et 2014, indique LaPan. Du côté du lac qui se trouve à New York, l’État impose des restrictions sur les prises de touladi (deux par jour, avec des restrictions sur la taille) et de saumon atlantique (un par jour), tandis que les pêcheurs à la ligne peuvent encore pêcher trois espèces de saumon du Pacifique et la truite arc-en-ciel. L’Ontario autorise la prise d’un saumon atlantique par jour et jusqu’à trois touladis par des pêcheurs qui détiennent un permis exigé de ce côté du lac. La province autorise aussi la prise du saumons du Pacifique (jusqu’à cinq) et jusqu’à trois truites arc-en-ciel.

Ross Abbett et Rich Chiavelli, scientifiques de la Commission géologique des États-Unis, observent des saumons nager dans une auge d’alevinage à l’écloserie de la rivière Salmon de l’État de New York. Gracieuseté : USGS
Ross Abbett et Rich Chiavelli, scientifiques de la Commission géologique des États-Unis, observent des saumons nager dans une auge d’alevinage à l’écloserie de la rivière Salmon de l’État de New York. Gracieuseté : USGS

Kevin Bunch est un rédacteur spécialiste des communications au bureau de la section États‑Unis de la Commission mixte internationale à Washington, D.C.

Note de la rédaction : Cet article a été modifié le 14 novembre 2016 pour corriger les espèces de poissons mentionnés dans les problèmes apparus dans les lac Michigan et Huron.

 

 

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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