
Élaborer des recommandations judicieuses pour un plan d’eau commun peut se comparer au fait de suivre une recette : si vous ne savez pas comment les ingrédients vont interagir, les résultats risquent de ne pas être à la hauteur de vos attentes. En ce sens, l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques (IIBH) de la CMI fournit les outils et le cadre nécessaires pour veiller à ce que les différents conseils de la CMI disposent des ressources nécessaires pour prendre des décisions fondées sur des données scientifiques en matière de gestion du niveau et du débit d’eau.
L’IIBH est conçue pour aider les conseils à adopter une approche écosystémique de la gestion d’un plan d’eau, et pas seulement de son niveau d’eau. Pendant une grande partie du XXe siècle, plusieurs conseils de la CMI ont travaillé an vases clos à la régularisation du débit d’eau ou à la surveillance de certains polluants. En 1998, la CMI a recommandé que ces conseils conjuguent leurs efforts pour éviter que des travaux soient dédoublés ou que des problèmes passent inaperçus du fait que les conseils n’ont pas une vue d’ensemble à l’échelle du bassin hydrographique.
Une partie de la nouvelle approche concernant les bassins versants a consisté à ajouter aux conseils de la CMI des membres locaux au fait de ce qui se passe dans leur propre cour. Elle a aussi prévu un financement fédéral américain et canadien, par l’entremise de l’IIBH, des études et des projets qui contribuent à la compréhension de ces réseaux hydrographiques. Grâce aux données et aux ressources issues des études et des projets de l’IIBH, les conseils peuvent fonder leurs décisions ou recommandations sur des fondements scientifiques solides. En ce qui concerne les Grands Lacs, ces fondements sont axés sur les activités des trois conseils de régularisation des eaux.
Dans les Grands Lacs, des conseils distincts s’occupent du niveau et de la qualité de l’eau. L’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs a mené à la création du Conseil consultatif scientifique des Grands Lacs et du Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs. Ces deux organes dispensent des conseils scientifiques et stratégiques à la CMI en ce qui a trait à la qualité de l’eau.
De plus, les conseils de régularisation gèrent le niveau et le débit des Grands Lacs séparément, en vertu du Traité relatif aux eaux limitrophes de 1909. Trois de ces conseils prennent des décisions sur le niveau et le débit de l’eau aux structures de contrôle des rivières St. Marys et Niagara et du fleuve Saint‑Laurent. L’IIBH fournit des ressources au Comité de gestion adaptative des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent (GAGL), qui dirige souvent les travaux des projets de l’Initiative qui permettent aux conseils de contrôle des Grands Lacs de mieux comprendre les effets physiques et écologiques de la régularisation de l’eau dans le réseau hydrographique.
Dans le récent Cinquième rapport aux gouvernements sur l'IIBH, publié en décembre 2020, il est souligné que l’IIBH a soutenu des projets utiles et novateurs à l’échelle transfrontalière. Dans les Grands Lacs, il s’agit notamment d’examiner les répercussions des crues et de la régularisation de l’eau sur une période de cinq ans, de 2015 à 2019.
Plusieurs projets ont porté sur le réseau hydrographique du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent et ont consisté à mener des études sur les répercussions écologiques du faible niveau de l’eau sur le lac Saint‑Laurent, à évaluer l’état de la protection des rives après les inondations de 2017, à surveiller les terres humides le long du lac Ontario, à déterminer l’étendue du roseau commun envahissant dans ces mêmes terres humides et à faire des relevés des répercussions des inondations de 2017 sur les entreprises et les résidents.
Pour l’ensemble des Grands Lacs, le financement de l’IIBH par l’entremise du Comité GAGL a contribué à des projets d’élaboration de mesures d’évaluation par télédétection pour différents types de milieux humides dans les Grands Lacs, à la création d’un nouveau modèle pour le bilan hydrique des Grands Lacs qui correspond plus étroitement aux mesures prises au cours du dernier siècle, et à la conception de nouveaux outils de modélisation informatique qui saisissent avec précision toutes les sources d’eau entrant dans les Grands Lacs, des renseignements utiles pour la gestion du débit et la projection des lacs dans un proche avenir.
Le rapport indique qu’il est possible pour le GAGL de recevoir du financement pour ses projets en dehors des objectifs de l’IIBH - dans son budget de 2016, le gouvernement canadien a proposé un financement de 5 millions de dollars sur cinq ans pour la gestion adaptative des Grands Lacs, à condition que les États-Unis égalent ce montant.
En décembre 2019, le gouvernement des États-Unis a adopté un budget de 1,5 million de dollars pour un examen accéléré du Plan de 2014 de régularisation du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent de la CMI, qui était admissible à des fonds de contrepartie du Canada en vertu de la proposition budgétaire de 2016. Dans le cadre de ces travaux, l’examen accéléré consiste à évaluer le Plan de 2014 en fonction d’une série de facteurs extrêmes liés à l’apport d’eau et au niveau d’eau, tant à l’extrémité supérieure qu’à l’extrémité inférieure, afin de déterminer les risques pour tous les intervenants le long de la voie navigable si des changements étaient apportés au plan de régularisation.
De plus, le financement de 1,5 million de dollars provenant du Canada et des États-Unis sert à financer des projets d’examen accéléré particuliers qui auraient autrement pu être admissibles au financement de l’IIBH. Par conséquent, le personnel de la CMI est en mesure de canaliser les fonds de l’IIBH vers d’autres propositions dans la région transfrontalière.
Dans le cinquième rapport, la CMI traite également des priorités du programme de l’IIBH jusqu’en 2025. Par exemple, veiller à ce que tous ses conseils soient au courant de l’incidence des changements climatiques sur leurs responsabilités et sur leur travail dans les décennies à venir est une préoccupation transfrontalière de premier plan pour la CMI et ses commissaires.
Ces priorités s’étendent aux Grands Lacs, où le Comité GAGL recueille et analyse de nouvelles données pour aider à raffiner les modèles informatiques utilisés pour établir les plans de régularisation. Ces travaux englobent des renseignements sur les tendances hydroclimatiques, les répercussions d’un niveau d’eau élevé ou bas et l’activité socioéconomique dans la région. Les conseils de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs examinent également les questions liées aux changements climatiques et à la qualité de l’eau. Même si la qualité de l’eau en général demeure une préoccupation majeure dans le cadre de l’IIBH, l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs reste le principal instrument pour régler les problèmes de qualité de l’eau dans les Grands Lacs.
La mobilisation des Autochtones est une autre grande priorité de la Commission et du programme de l’IIBH. De nombreux citoyens de la nation métisse, Premières Nations et tribus dans le bassin ont leurs propres préoccupations et peuvent mettre à profit leur expertise sur les Grands Lacs. La CMI reconnaît à quel point il sera essentiel d’intégrer les points de vue et l’expertise des Autochtones dans les années à venir. Dans le cadre de l’IIBH, cela peut comprendre l’élaboration de propositions avec les nations, les tribus et les organisations autochtones et l’intégration du savoir ancestral dans ces études.
L’IIBH et la CMI continueront d’appuyer les organismes gouvernementaux dans la tenue et la mise à jour des données sur l’eau des deux pays qui, grâce à l’IIBH, ont été harmonisées pour être plus facilement utilisées par les chercheurs du Canada et des États-Unis. L’IIBH prévoit également continuer d’appuyer les modèles de l’eau mis à jour à l’aide du modèle SPARROW, pour SPAtially Referenced Regression On Watershed attributes (modèle de régression par coordonnées spatiales appliquées aux bassins hydrographiques), qui s’appuie à son tour sur ces données harmonisées. Cela englobe la mise à jour du modèle des Grands Lacs à mesure que de nouvelles données deviennent disponibles.

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.