L’article suivant est tiré d’un bulletin archivé. Consultez notre bulletin Eaux partagées.

« Nous sommes tous dans le même bateau » - Le Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs anime un collectif sur la gestion des nutriments issus du fumier

Antonette Arvai
IJC
fan spraying manure

Les ordures des uns sont le trésor des autres, dit-on… En agriculture, les réjections animales (fumier et lisier) constituent une précieuse ressource qui favorise la croissance des cultures. Encore faut-il ne pas abuser des bonnes choses!

Emportés par les eaux de ruissellement, le fumier et le lisier épandus à des fins agricoles risquent d’aboutir dans les Grands lacs sous forme de nutriments qui aggravent le problème des efflorescences algales nuisibles. En janvier 2020, le Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs de la Commission mixte internationale (CMI) a publié un rapport contenant des recommandations stratégiques dont l’objet est de renforcer la réglementation sur la gestion du fumier en vue de favoriser la réduction des déversements de nutriments dans les Grands Lacs sous l’effet du ruissellement.

Le rapport du Conseil exhorte les gouvernements, les agriculteurs et les citoyens à travailler ensemble en vue de mieux appréhender le problème de l’épandage de fumier et de prendre des mesures pour le régler. En 2020, le Conseil a tenu une série de réunions avec ces groupes pour recueillir des commentaires sur ses recommandations relatives au resserrement des règles de gestion du fumier.

Selon Mark Wales — membre du Conseil, lui-même producteur agricole de l’Ontario et ancien président de la Fédération de l’agriculture de cette province —, les participants à la réunion ont généralement fait remarquer qu’il serait important d’appliquer des règles plus strictes encadrant l’épandage de fumier, mais a affirmé que celles-ci n’aboutiront pas forcément à une amélioration de la qualité de l’eau si elles ne sont pas pratiques pour les agriculteurs ou si elles sont économiquement ou politiquement impossibles à respecter.

Dans son rapport produit dans la foulée des réunions, le Conseil fait état d’une lacune fondamentale, à savoir le fait qu’il n’existe aucune entité donnant l’occasion aux principaux acteurs, des agriculteurs eux-mêmes aux organismes fédéraux, de commanditer et d’évaluer des programmes concernant la gestion des nutritiments et du fumier ainsi que la qualité de l’eau.

Pour aider à combler cette lacune, en 2021, le Conseil a lancé un projet visant à animer un collectif de 30 membres constitué d’agriculteurs, de partenaires et de dirigeants des secteurs de la conservation, de l’environnement, du monde des affaires, du milieu universitaire et du gouvernement.

L’objectif commun de ce groupe, baptisé Manure Nutrient Management Collaborative (collectif pour la gestion des nutriments issus du fumier, est de travailler à l’amélioration de la santé de l’eau tout en soutenant les activités agricoles et d’élevage dans la région des Grands Lacs.

Pour le moment, le Conseil anime les réunions du groupe, mais l’objectif ultime est que le collectif soit indépendant et en mesure de favoriser la collaboration autour de la formulation et de la promotion de recommandations collectives concernant la gestion du fumier en vue d’améliorer ou de protéger la qualité de l’eau des Grands Lacs.

Pour Sandy Bihn, membre du Conseil, co-responsable du collectif et directrice générale de Lake Erie Waterkeeper : « Il s’agit d’un projet unique pour le Conseil de la qualité de l’eau. Nous ne faisons pas que rédiger un autre rapport, car nous réunissons une communauté de personnes et établissons des relations pour réfléchir collectivement à ce problème complexe afin de trouver et de promouvoir des solutions économiques viables, susceptibles de nous aider à protéger ou à améliorer la qualité de l’eau des Grands Lacs. Nous sommes tous dans le même bateau. »

healthy lakes word cloud manure collaborative

Nuage de mots représentant la vision collective des membres. Source : Conseil de la qualité de l’eau de la CMI

Voici la réponse de Lambert VanderMade, producteur laitier dans le nord-ouest de l’Ohio, invité à décrire ce que pourrait être le succès pour le collectif : « J’espère que le collectif contribuera à stimuler les progrès technologiques en matière de manipulation responsable des nutriments afin de renforcer les liens entre les activités agricoles et la conservation, et d’aboutir en fin de compte à une eau propre pour tous, ainsi qu’à une agriculture dynamique fournissant des aliments abordables aux collectivités locales. »

Une autre membre du collectif, Margaret May, responsable régionale du programme de la Ontario Soil and Crop Improvement Association, affirme être tout à fait favorable à l’amélioration continue de la gestion du fumier : « Si nous parvenons à partager ces résultats avec les agriculteurs concernés, je pense qu’ils se montreront à la hauteur et adopteront des pratiques exemplaires. Ces pratiques leur seront d’ailleurs profitables tout autant qu’à la société en général parce que le lac sera plus propre. Nous aurons alors réussi! »

Pour l’aider à lancer le travail de collaboration, le groupe fera appel aux services d’un consultant pour recueillir et analyser tout un ensemble de données sur l’utilisation du fumier et d’éléments fertilisants en tant qu’intrants agricoles, sur les politiques et les pratiques dans deux petits bassins versants du lac Érié (celui de la rivière Auglaize en Ohio et celui de la rivière Medway Creek en Ontario). Ces thèmes ont été choisis en raison de la forte prévalence des activités de pâturage et d’épandage de fumier qui s’y déroulent. Le collectif examinera les pratiques exemplaires ainsi que d’autres méthodes de gestion et d’application du fumier à même de réduire le problème du déversement de nutriments dans les eaux.

Le problème du ruissellement des nutriments agricoles est particulièrement évident dans le bassin ouest du lac Érié, qui a connu une eutrophisation grave à cause de la prolifération d’algues nuisibles. La situation a d’ailleurs été aggravée par des épisodes de précipitations extrêmes plus fréquents ayant accentué le phénomène de ruissellement des nutriments agricoles.

Bien que des progrès aient été réalisés dans la gestion des activités d’application du fumier, il faudra continuer d’investir dans des technologies et des pratiques novatrices, en particulier dans le contexte des changements climatiques, de sorte à continuer d’améliorer les techniques de recours aux nutriments et à réduire la présence de ces éléments dans le lac.

harmful algal bloom lake erie 2017

Prolifération d’algues nuisibles dans le bassin ouest du lac Érié, le 20 septembre 2017. Crédit Photo : Aerial Associates Photography Inc. par Zachary Haslick sur le site de la NOAA sur Flickr

Ces projets pilotes ont pour objet de déterminer quels changements il conviendrait d’apporter aux pratiques d’utilisation des terres, à la recherche, à l’éducation et aux politiques en vue de protéger la qualité de l’eau. Il est question de formuler des recommandations sur la gestion du fumier pour une application à l’échelle régionale et à l’échelle du bassin des Grands Lacs.

La collectif a débuté ses activités en octobre 2021 et l’objectif est maintenant de le faire passer au statut d’organisation indépendante de la CMI d’ici le début de 2023, de lui permettre de poursuivre ses activités après l’achèvement du projet et de promouvoir des solutions et des stratégies en vue d’améliorer la gestion du fumier.

Antonette Arvai
IJC

Antonette Arvai is a physical scientist and secretary of the Great Lakes Water Quality Board at the IJC’s Great Lakes Regional Office in Windsor, Ontario.

Abonnez-vous à notre bulletin !

Formulaire d'inscription