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Pourquoi les rapports sur « l’état des Grands Lacs » doivent nous tenir à cœur

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Victor Serveiss
IJC
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Chaque fois qu’un rapport sur l’état des Grands Lacs est publié, il relève les conditions et particularités constatées dans les Grands Lacs et tente de déterminer si leur situation est en voie d’amélioration ou de détérioration.

Les catastrophes environnementales font les manchettes lorsqu’elles se produisent, que ce soit dans le bassin des Grands Lacs ou ailleurs. Beaucoup de gens ont vu ou entendu les nouvelles en juillet 2010, lorsque la rupture d’un oléoduc a causé le déversement de 24 000 barils de pétrole brut dans un affluent de la rivière Kalamazoo, ou encore en août 2014, à la suite d’une prolifération massive de cyanobactéries dans le lac Érié, où 400 000 personnes de la région de Toledo, en Ohio, se sont vues privées de leur source d’eau potable.

Pourtant, les conditions quotidiennes des Grands Lacs reçoivent beaucoup moins d’attention, malgré les diverses publications des gouvernements des États-Unis et du Canada, par exemple le rapport sur l’état des Grands Lacs de juin 2020 ou celui relevant les faits saillants et principales conclusions du rapport technique sur l’état des Grands Lacs paru en février 2021. Bien qu’ils soient fondés sur les travaux de plus de 200 scientifiques se spécialisant dans les Grands Lacs, ces rapports passent relativement inaperçus pour le public.

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Page couverture du plus récent rapport technique sur l’état des Grands Lacs.

 

Pourquoi les Grands Lacs sont-ils importants?

Les Grands Lacs contiennent un cinquième des eaux douces de surface de la planète et sont l’un des écosystèmes les plus diversifiés sur Terre. Ils fournissent de l’eau potable à des dizaines de millions de Canadiens et d’Américains. Les Grands Lacs sont importants pour l’économie des deux pays, car ils soutiennent les usines de fabrication, l’agriculture, le transport, le tourisme, les loisirs, la production d’énergie et d’autres formes de croissance économique. La santé des Grands Lacs revêt également une importance culturelle pour les nombreux peuples autochtones de la région.  

Pendant des années, on a utilisé des affluents des Grands Lacs comme dépotoirs des sous-produits de l’essor économique, pour l’élimination des déchets et de l’infrastructure vieillissante. Les déchets solides étaient souvent déversés dans des marais, les déchets industriels étaient enfouis ou déversés dans les eaux littorales et les terres humides, et les déchets liquides directement dans les cours d’eau et les lacs.

L’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs

Pour régler les problèmes environnementaux dans les Grands Lacs, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont signé l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs en 1972. Dans le cadre de l’Accord, les gouvernements travaillent en collaboration avec les nations tribales, les Premières Nations, la Nation Métisse, les gouvernements provinciaux, les gouvernements des États et les administrations municipales, les organismes de gestion des bassins versants, d’autres organismes publics locaux, l’industrie et le public afin de rétablir et de protéger la qualité de l’eau et la santé de l’écosystème aquatique des Grands Lacs. L’Accord a été révisé à plusieurs reprises, la dernière fois en 2012.

Dans la version de 1987 de l’Accord, les deux pays se sont engagés à évaluer les progrès réalisés vers l’atteinte des objectifs qui y sont énoncés.

Il n’est pas facile de répondre aux questions sur les conditions et les améliorations dans les lacs avec quelque crédibilité. Tout d’abord, les scientifiques et les gestionnaires des ressources environnementales doivent décider ce qui est important, ce qu’il faut mesurer et comment s’y prendre. Les indicateurs décrivent et mesurent l’état de l’environnement de la même façon qu’ils décrivent la santé humaine (p. ex., la tension artérielle) et la situation économique (p. ex., l’indice Dow Jones). Bien que les indicateurs doivent être fondés sur des données scientifiques, les messages à retenir sur les conditions et les tendances doivent également être compréhensibles.

Mais comment décider de ce qui compte le plus et de ce qui devrait être mesuré et devenir un indicateur? L’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs établit neuf objectifs généraux qui couvrent l’état de l’eau potable, les plages, les poissons comestibles, les niveaux de produits chimiques toxiques, les niveaux d’éléments nutritifs, les espèces envahissantes, l’habitat et les espèces, les eaux souterraines et d’autres substances, matériaux ou conditions (dont les changements climatiques) qui peuvent avoir une incidence sur l’intégrité biologique, chimique ou physique des lacs.   

Le Canada et les États-Unis élaborent le rapport sur l’état des lacs, dirigé par Environnement et Changement climatique Canada et l’Environmental Protection Agency des États-Unis. La CMI est chargée de fournir sa propre évaluation binationale indépendante des progrès. Dans son Rapport sur la qualité de l’eau des Grands Lacs de 2013 (pages Web 13-16), la CMI a discuté du lien entre son évaluation et les rapports sur l’état des Grands Lacs et a recommandé que ceux-ci utilisent un plus petit ensemble d’indicateurs clairement liés aux objectifs de l’Accord.   

Dans leur rapport sur l’état des Grands Lacs de 2017, les gouvernements ont adopté la recommandation de la CMI et utilisé neuf indicateurs pour faire rapport sur l’écosystème, chacun étant lié à l’un des neuf objectifs de l’Accord. Chacun des indicateurs a été évalué comme étant médiocre, passable ou bon en fonction de 44 paramètres plus précis appelés sous-indicateurs. De plus, des tendances d’amélioration, de stabilité ou de détérioration ont été relevées pour chaque sous-indicateur et indicateur. Cette approche s’est poursuivie dans le rapport technique publié en 2021, lorsqu’un sous-indicateur supplémentaire a été ajouté, pour un total de 45.

Échéancier des décisions

Est-ce que les lacs s’améliorent ou se détériorent? Pour répondre à cette question, il faut décider du laps de temps à examiner.

Selon le sujet, l’analyse des tendances pourrait s’étendre sur cinq ans, une décennie, une génération ou plus. Par exemple, dans son rapport d’évaluation des progrès de 2013, la CMI a comparé les conditions entre 1987 et 2012, soit la période de 25 ans qui s’est écoulée entre les révisions de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs.

Le rapport Première évaluation triennale des progrès de 2017 de la CMI (page 59) comprenait un chapitre qui traitait du rapport sur l’état des Grands Lacs et informait le public de la situation et des tendances. Dans l’annexe technique (page 39) et les communications informelles avec les gouvernements, la CMI a souligné la nécessité de produire à l’avenir des rapports sur l’état des Grands Lacs pour décrire les changements survenus à divers moments dans le temps.

Les gouvernements ont retenu cette recommandation. Dans le dernier rapport sur l’état des Grands Lacs, ils ont choisi un délai de 10 ans pour répondre à la question sur l’amélioration ou la détérioration des lacs. Cela est utile, car lorsqu’on se demande si les lacs se portent mieux ou moins bien, le rapport répond désormais à la question « par rapport à quand? »

Résumé de la situation et des tendances

Enfin, compte tenu de ce qu’il faut faire pour répondre aux questions, voici les réponses présentées dans le plus récent rapport sur l’état des Grands Lacs :

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Tableau adapté du rapport sur les faits saillants de l’état des Grands Lacs, publié en 2020.

 

Passable et inchangé

En deux mots, l’état général est passable et la tendance générale n’a pas changé. Ce tableau fournit des réponses rapides et apparemment simples à de grandes questions, mais il y a beaucoup de détails derrière ces évaluations.

Par exemple, l’eau potable et les plages sont en bon état, alors que la situation des espèces envahissantes ne fait que se détériorer toujours davantage. Les espèces végétales terrestres envahissantes continuent de nuire à l’habitat, à la biodiversité et à la qualité de l’eau, et diverses espèces de moules envahissantes continuent d’avoir une incidence négative sur la qualité et la productivité des écosystèmes lacustres.

Il y a toutefois de bonnes nouvelles. Grâce aux efforts fructueux déployés pour lutter contre la lamproie marine, les populations de touladis ont commencé à se rétablir depuis ces 10 dernières années.

Détails techniques

Le rapport technique sur l’état des Grands Lacs est utile parce que les scientifiques et les gestionnaires des ressources ont besoin de plus de données pour prendre des décisions éclairées.

Le rapport illustre les interrelations qui se produisent dans l’écosystème et entre les sous-indicateurs. Un exemple est le sous-indicateur « état des plages », qui est touché par plusieurs autres sous-indicateurs, notamment les niveaux d’eau, les précipitations, les proliférations d’algues nuisibles et les moules zébrées et quaggas. 

Le gros rapport technique sur l’état des Grands Lacs, qui compte 688 pages, n’a pas été rédigé à l’intention du public, mais fournit les données scientifiques à l’appui des évaluations et des messages clés. Prenons les produits chimiques toxiques, qui ont cinq sous-indicateurs, dont l’un est celui des produits chimiques toxiques dans les œufs du goéland argenté. 

Comme l’illustre le graphique, les concentrations d’un de ces produits chimiques dans les œufs des oiseaux (biphényles polychlorés ou BPC) ont diminué considérablement au cours des 40 dernières années, surtout depuis les 10 dernières. Il s’agit d’une constatation positive qui continue d’évoluer dans la bonne direction. Cependant, il y a des variations entre les lacs pour ce sous-indicateur et les autres qui sont énumérés dans le tableau récapitulatif de la situation, de sorte que l’état global des substances chimiques toxiques indicatrices dans les Grands Lacs est jugé passable, la tendance variant entre l’état inchangé et l’amélioration. 

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Les biphényles polychlorés (BPC) dans les œufs du goéland argenté sont en déclin. Source : Rapport sur les faits saillants de 2019 sur l’état des Grands Lacs

 

Variations et perceptions au niveau des tendances

Le rapport sur l’état des Grands Lacs réunit des milliers de points de données pour résumer l’état et les tendances de chaque lac et du système dans son ensemble, mais ces tendances présentent d’énormes variations. Donc, lorsque nous faisons l’expérience des lacs pour nous-mêmes, nous ne pouvons percevoir que quelques-uns de ces points de données à la fois; nous pouvons observer quelque chose qui correspond à la tendance déclarée, ou remarquer quelque chose qui ne s’inscrit pas dans la tendance.

Cette disparité est conforme aux conclusions du sondage de 2018 du Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs de la CMI. Le sondage a cherché à connaître les opinions des résidents sur les enjeux des Grands Lacs, y compris leurs perceptions de l’état et des tendances. Selon le rapport de 2017 sur l’état des Grands Lacs, les lacs étaient dans l’ensemble passables et inchangés, mais 33 % des répondants estimaient que les conditions se détérioraient, 29 % ont affirmé que les conditions étaient inchangées, 16 % que les conditions s’amélioraient et 22 % ne le savaient pas. Lorsqu’un résident des Grands Lacs observe les lacs, il peut voir si la tendance se confirme ou remarquer un écart.

Par conséquent, la prise de conscience et l’appréciation du rapport sur l’état des Grands Lacs peuvent mettre en lumière les différences entre les tendances très variées et nos propres expériences avec les lacs.

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Victor Serveiss
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Victor Serveiss is environmental adviser in the IJC’s US Section office in Washington D.C.

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