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Précautions spéciales à prendre lors du déclassement d’une centrale nucléaire dans la région des Grands Lacs

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Allison Voglesong Zejnati
IJC
palisades lake michigan nuclear report

On recense 18 centrales nucléaires sur les rives des Grands Lacs, au Canada et aux États-Unis, qui fournissent de l’énergie dans toute la région. Mais qu’arrive-t-il quand ces installations arrivent en fin de vie utile?

La production d’énergie nucléaire crée des déchets radioactifs, et tant les exploitants des centrales que les organismes de réglementation appliquent des protocoles de confinement et de gestion prudente de ces déchets pour la mise hors service (ou « déclassement ») des centrales. Les mesures de protection en place visent à réduire au minimum le risque de pollution radioactive pendant le déclassement, d’autant que toute pollution radioactive résiduelle peut persister dans l’environnement pendant des générations.

Un nouveau rapport du Conseil de la qualité de l’eau des Grands Lacs de la CMI recommande aux gouvernements d’adopter des précautions spéciales pour mieux protéger la qualité de l’eau des Grands Lacs lors de la mise hors service de centrales nucléaires hors service. Comme le résume une courte vidéo, ce rapport recense les moyens possibles de réduire les menaces pour l’environnement des Grands Lacs lors des opérations de déclassement.

Le 29 avril, à l’occasion d’un webinaire de 60 minutes sur Zoom, les membres du groupe de travail du Conseil feront un résumé de leur rapport et répondront aux questions des participants. Le webinaire, qui est ouvert à toutes les personnes intéressées, débutera à 11 h 30 (HE). Pour y participer, vous devrez vous inscrire ici avant le webinaire, qui sera enregistré et affiché sur le site Web du conseil par la suite.

Les centrales nucléaires ont une durée de vie limitée, de 20 à 60 ans. Dans la région des Grands Lacs, seul Big Rock Point, dans le comté de Charlevoix (Michigan), a terminé le processus de déclassement. Huit autres réacteurs nucléaires répartis en six emplacements autour des Grands Lacs sont fermés de façon permanente, mais ne sont pas au terme de leur déclassement. Sept autres réacteurs devraient être déclassés d’ici 2025, et toutes les centrales nucléaires de la région des Grands Lacs devraient être mises hors service d’ici la fin du siècle, selon les organismes de réglementation canadiens et américains.

En plus des 18 centrales nucléaires du bassin, cette carte montre d’autres installations intervenant dans le cycle de vie de l’énergie nucléaire dans le bassin des Grands Lacs et aux alentours. Source :Citizens’ Clearinghouse on Waste Management and Great Lakes United

Les organismes de réglementation fédéraux de chaque pays (la Commission canadienne de sûreté nucléaire et la Nuclear Regulatory Commission des États-Unis) appliquent des protocoles détaillés pour encadrer le déclassement des installations nucléaires, mais ces protocoles diffèrent d’un pays à l’autre.

Selon Gayle Wood, coprésident du Conseil de la qualité de l’eau et directeur général à la retraite de l’Autorité de conservation de la nature, « le Conseil a étudié ce sujet parce qu’il était absolument nécessaire d’adapter à la situation de Grands Lacs l’approche réglementaire universelle adoptée par les gouvernements pour déclasser les installations nucléaires ».

Le Conseil recommande l’harmonisation binationale des règlements du Canada et des États-Unis dans quatre domaines clés du déclassement des installations nucléaires dans le bassin des Grands Lacs, soit la transparence et la participation de la collectivité, le stockage des déchets radioactifs, le transport du combustible nucléaire usé, le nettoyage du site et la surveillance du site à long terme.

Recommandations élaborées dans le cadre d’un processus de collaboration

Pour élaborer ses recommandations, le Conseil a organisé de multiples ateliers et tables rondes afin de tenir compte d’un large éventail d’intérêts, y compris de ceux des défenseurs et des critiques de l’énergie nucléaire.

« Même si nous venions tous d’horizons personnels et professionnels très différents, nous avons convenu de travailler à partir d’une base commune pour prendre des décisions fondées sur certains principes de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs comme le principe de précaution, la prévention des problèmes, l’engagement citoyen et la réflexion à long terme », nous a indiqué John Jackson, chef de projet du groupe de travail du conseil d’administration et organisateur du Toxics Free Great Lakes Network.

petoskey nuclear big rock point

La table ronde du Conseil, qui s’est tenue à Petoskey (Michigan), réunissait des particuliers et des organisations ayant pris part au processus de déclassement de l’installation nucléaire voisine de Big Rock Point. Crédit photo : CMI

Au début de 2020, à Petoskey (Michigan), le groupe de travail du Conseil sur le déclassement des installations nucléaires a organisé une discussion de groupe afin de recueillir les points de vue des particuliers et des organisations ayant participé au processus de déclassement de Big Rock Point, anciennement exploité par Consumers Energy.

« Il était important que les participants à notre processus de déclassement fassent part de leur expérience au groupe de travail du Conseil, sur la mesure dans laquelle nous sommes parvenus à consulter les intervenants et à gagner la confiance des collectivités locales en étant transparents à propos de tout ce que nous faisons pour protéger nos ressources naturelles, » précise Brandon Hofmeister, membre du Conseil et premier vice-président, Affaires gouvernementales, réglementaires et publiques, de Consumers Energy.

M. Jackson ajoute : « Notre rapport souligne l’importance pour les organismes de réglementation et les exploitants d’installations de renforcer le niveau de confiance de la collectivité par le biais d’une véritable consultation communautaire tout au long du processus de déclassement. »

La Nuclear Regulatory Commission des États-Unis recommande de mettre sur pied des conseils consultatifs communautaires (CCC) en tant que pratique exemplaire pour le déclassement, mais ces CCC ne sont pas en vigueur au Canada. Ils sont pourtant un outil efficace que le Conseil recommande aux deux pays d’utiliser afin d’améliorer la transparence et les communications.

« Après des opérations de déclassement de nombreuses centrales nucléaires autour des Grands Lacs, des déchets sont laissés en arrière, sur les rives » a déclaré M. Hofmeister. De plus, les stocks de combustible nucléaire irradié augmentent dans toutes les centrales nucléaires en exploitation autour des Grands Lacs.

À ce jour, ni le Canada ni les États-Unis n’ont autorisé d’installations permanentes de stockage de déchets radioactifs, et les déchets sont donc stockés temporairement sur place, à quelques mètres des eaux des Grands Lacs.

Le Conseil recommande que les gouvernements envisagent d’adapter la réglementation des installations nucléaires dans les Grands Lacs afin de tenir compte des répercussions des changements climatiques, comme l’érosion des berges et l’impact des inondations, qui pourraient toucher les installations de stockage temporaires sur site.

S’agissant de stockage permanent, le Conseil recommande que les gouvernements aient recours à l’approche fondée sur le consentement dans le choix d’une installation permanente d’élimination des déchets, et déconseillent de choisir des installation provisoires ou permanentes sur les rives des Grands Lacs ou de leurs affluents. Le Conseil recommande également que les déchets stockés temporairement en bordure des Grands Lacs soient transférés sans tarder dans une installation permanente autorisée et opérationnelle.

pickering nuclear

Ontario Power Generation exploite la centrale nucléaire de Pickering près de Toronto (Ontario). Certains réacteurs sont arrêtés de façon permanente, tandis que d’autres demeurent en fonction. Le combustible nucléaire irradié est stocké temporairement sur site. Crédit photo : John McArthur par Unsplash.

Le rapport du Conseil fournit également des conseils sur la façon de répondre aux préoccupations de la collectivité, notamment en matière d’environnement, afin de réduire au minimum les risques de pollution lors du transport des déchets nucléaires vers des installations de stockage définitif.

« Les répercussions à long terme du déclassement d’un site ne disparaissent pas quand les installations n’existent plus, et elles ne cessent même pas avec le transport des déchets », précise Frank Ettawageshik, membre du Conseil et directeur général des United Tribes of Michigan.

Une fois que l’exploitant de la centrale nucléaire a terminé les activités de nettoyage et remédié aux problèmes de pollution sur le site, le terrain peut être utilisé à d’autres fins.

Cependant, l’absence d’exigences en matière de surveillance ne laisse que peu de place à l’erreur dans le processus de déclassement. Le Conseil recommande une surveillance à long terme de tous les sites pour s’assurer que le nettoyage est complet.

Le rapport du Conseil indique les possibilités qu’offre le processus de déclassement pour réduire les menaces pesant sur le milieu naturel des Grands Lacs. Il n’évalue pas les avantages ni les risques liés à la production d’énergie nucléaire dans son ensemble, ni l’aspect scientifique qui sous-tend les risques relatifs pour l’environnement ou la santé humaine que représentent la production d’énergie nucléaire et les déchets produits. Le rapport n’évalue pas s’il y a lieu de délimiter l’emplacement de futures installations nucléaires ou comment ces installations seront exploitées pendant leur durée de vie utile.

Le Conseil a déjà publié un rapport de synthèse ainsi qu’une carte-récit qui compile des renseignements sur l’état des installations nucléaires en exploitation ou déclassées dans le bassin des Grands Lacs.

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Allison Voglesong Zejnati
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Allison Voglesong Zejnati is public affairs specialist at the IJC’s Great Lakes Regional Office in Windsor, Ontario.

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