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Projet de la CMI visant à créer une référence portant sur la consommation de poisson à l’intention des pêcheurs autochtones

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Jennifer Boehme
IJC
bass

Le poisson est une ressource importante pour les résidents des environs des Grands Lacs, en particulier pour les communautés de Premières Nations, et les communautés tribales et métisses. 

De nombreux résidents des Grands Lacs complètent leur régime alimentaire par du poisson pêché localement, lequel constitue un important apport en éléments nutritifs essentiels, comme les acides gras polyinsaturés et les protéines.

Néanmoins, les produits chimiques toxiques présents dans le milieu naturel s’accumulent aussi dans les poissons. Les répercussions possibles sur la santé ne se limitent pas aux pêcheurs à la ligne, car de nombreuses espèces des Grands Lacs, comme la truite, le doré jaune et la perche, sont aussi vendues sur le marché.

Outre qu’elles sont exposées à des effets sanitaires potentiellement plus importants parce qu’elles consomment relativement plus de poisson que d’autres, les communautés de Premières Nations et les communautés tribales et métisses peuvent aussi subir des impacts culturels, économiques et spirituels distincts, surtout dans la région du lac Supérieur.

Faire la part entre les risques et les avantages de la consommation de poisson dans les Grands Lacs est un défi constant pour celles et ceux qui consomment ce produit. Or, des avis sur la consommation de quelques espèces de poissons présentes dans certains plans d’eau sont nécessaires en raison de la contamination chimique due à la pollution de l’environnement.

fish consumption warning sign
Panneau d’avertissement contre la consommation de poisson. Crédit photo : Boston University

Toute une diversité de facteurs ethniques, culturels et socioéconomiques influent sur les pratiques de pêche, les habitudes de consommation et, surtout, sur le respect des avis concernant le poisson. De nombreux groupes acceptent mal les avis concernant la consommation de poisson, surtout ceux qui en mangent beaucoup, comme les Autochtones, les pêcheurs à la ligne et leurs familles.

Les avis de santé sont aussi très préoccupants pour les personnes les plus vulnérables aux effets des substances toxiques, comme les femmes en âge de procréer et les enfants. 

Laurie Chan, coprésidente canadienne du Conseil consultatif des professionnels de la santé (CCPS) de la CMI, estime que « les avis qui restreignent la consommation de poisson d’origine locale peuvent avoir des conséquences néfastes imprévues sur la santé des Premières Nations, des tribus et des Métis, comme la perte de culture et d’identité, l’obésité et le diabète ».  

Le Conseil juge que les avis actuels restreignant la consommation de poisson ont un impact sur la perception de ceux à qui ils s’adressent, sur les données propres à chaque site ainsi que sur les facteurs culturels et socioéconomiques, et que les administrations responsables d’émettre ces avis devraient tenir compte de ces dimensions.

Malgré le travail considérable effectué par de nombreuses administrations, les conseils touchant à la consommation de poisson des eaux communes des Grands Lacs varient grandement d’un endroit à l’autre. Ces variations ont eu des effets sur tous ceux qui consomment de cette ressource. 

Par exemple, le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de l’Ontario et le Département de la Santé de l’État de New York ont émis des avis détaillés sur différentes espèces de poissons et différents plans d’eau. 

Cependant, les prescriptions qu’ils renferment sont souvent différentes même pour un même plan d’eau.

Ainsi, pour l’achigan à petite bouche pêché dans le Saint-Laurent à hauteur de Massena (État de New York), la province de l’Ontario propose que la population en général en mange de 2 à 16 fois par mois et que les femmes en âge de procréer ne dépassent pas 12 fois par mois, selon la taille du poisson.

En comparaison, l’État de New York conseille un maximum d’un repas par mois pour la population en général et recommande fortement aux femmes en âge de procréer de ne pas en consommer du tout. Au début des années 1990, un groupe de travail consultatif sur la pêche sportive dans les Grands Lacs a élaboré une série de protocoles visant à uniformiser les avis sur la consommation de poisson à l’intention des pêcheurs à la ligne des Grands Lacs. Ils doivent maintenant être mis à jour.

La consommation de poisson est associée à de nombreuses facettes de la santé humaine, comme les bienfaits qu’apportent les éléments nutritifs de cet aliment. Toutefois, l’exposition à de multiples contaminants et leurs effets sur les poissons, les êtres humains et les valeurs culturelles, ainsi que la disponibilité et la qualité des substituts, ne sont pas évalués dans le cadre des avis actuels concernant la consommation de poisson des Grands Lacs. 

Elaine Faustman, coprésidente du CCPS aux États-Unis, croit qu’un cadre intégré et équilibré pour les avis sur la consommation de poisson pourrait inclure de nombreux facteurs concernant les risques et les avantage de cette consommation.

C’est pourquoi le CCPS, le Conseil consultatif scientifique des Grands Lacs de la CMI, le Programme environnemental du Conseil des Mohawks d’Akwesasne et des représentants de l’Ontario et de l’État de New York explorent ensemble des façons d’établir un cadre consultatif sur la consommation de poisson qui tienne compte d’un ensemble élargi de facteurs et qui réponde aux préoccupations des pêcheurs sportifs et des Premières Nations relativement au secteur préoccupant (SP) du fleuve Saint-Laurent.  

Ce projet de collaboration est un effort unique visant à établir une orientation commune sur l’équilibre à atteindre entre les risques et les avantages associés aux conseils prodigués en matière de consommation de poisson. Ce document d’orientation commune se distincte de la constellation actuelle d’avis qui chevauchent les frontières et les populations et dont les recommandations varient.

Le SP du fleuve Saint-Laurent a été choisi pour cette étude de cas parce qu’il est préoccupant pour de multiples administrations et que de nombreuses substances chimiques présentes dans le poisson sont également préoccupantes. On pensera notamment au mercure et aux biphényles polychlorés (BPC) en Ontario et à New York, aux dioxines à New York et aux furanes dans la communauté du Conseil des Mohawks.

La communauté du Conseil des Mohawks ayant été déroutée par les avis contradictoires sur la consommation de poisson est maintenant réticente à modifier ses pratiques culturelles traditionnelles concernant l’eau, le poisson et les produits de la terre. La communauté d’Akwesasne est visée par cinq avis différents sur la consommation de poisson, soit ceux de New York, de l’Ontario, du Québec, du Conseil des Mohawks (organe de gouvernance dans la partie nord d’Akwesasne) et de la tribu mohawk de Saint-Régis (organe de gouvernance dans la partie sud d’Akwesasne).

Canadian St. Lawrence River Area of Concern
Secteur préoccupant du fleuve Saint-Laurent du côté canadien et des territoires d’Akwesasne. Source : Institut du fleuve Saint-Laurent

 

US St. Lawrence River Area of Concern
Secteur préoccupant du fleuve Saint-Laurent de côté américain et des territoires d’Akwesasne. Source : St. Regis Mohawk Tribe

Ce projet servira d’étude de cas pour explorer des approches susceptibles de contribuer à réduire la confusion qui règne au sujet des avis sur la consommation de poisson dans un contexte où de multiples administrations sont concernées, et à assurer la diffusion d’avis culturellement appropriés. 

Le projet porte sur plusieurs volets : étudier un cadre consultatif concernant le poisson dans le Saint-Laurent; donner des exemples de messages pour les avis concernant le poisson, le point de vue des Premières Nations étant pris en compte; et recommander un ensemble de priorités scientifiques et stratégiques à l’appui des cadres consultatifs de consommation du poisson en collaboration avec d’autres régions des Grands Lacs.

Le groupe de travail sur les autres bassins de la CCPS prévoit d’organiser un atelier cette année pour : établir et confirmer le partenariat entre les parties touchées; discuter des avis actuels sur la consommation de poisson dans la région; et parler de la concentration des principaux éléments nutritifs essentiels et des contaminants chimiques déclarés dans les espèces de poissons donnant lieu à des restrictions de consommation.

Le premier atelier présentera le projet et en jettera les bases à partir des valeurs que la communauté d’Akwesasne attribue au poisson et à l’eau. À la suite de cet atelier, les chercheurs effectueront des entrevues individuelles pour étudier davantage les valeurs et les connaissances dont il aura été question lors du premier atelier. Les résultats du premier atelier et des entrevues guideront l’élaboration d’un cadre d’avis sur la consommation de poisson d’ici la fin de l’année. Un atelier de suivi, prévu pour 2021, devra permettre de valider les résultats du processus d’entrevue, de déterminer si les interprétations en découlant sont acceptables aux yeux de la communauté, et de recueillir des commentaires sur le cadre auprès d’un vaste éventail de partenaires des différentes administrations. Le rapport final du projet, y compris le cadre, est attendu pour la fin 2021.

 

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Jennifer Boehme
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Jennifer Boehme is a senior environmental scientist at the IJC’s Great Lakes Regional Office and serves as chair of the GLOS Board.

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