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Renforcer la résilience aux crues le long des berges des lacs Michigan-Huron

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Chrissy Chiasson
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Kevin Bunch
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Voici le deuxième article d’une série qui met en lumière les solutions novatrices auxquelles ont recours les collectivités riveraines des Grands Lacs pour s’adapter à l’actuelle période de crues, en mettant l’accent sur la manière de se préparer, au Michigan et en Ontario, aux niveaux extrêmes à venir. Le premier article de la série, Résilience aux crues du lac Érié et de la rivière Niagara, a paru dans notre numéro de septembre.

Pleins feux sur les berges des lacs Michigan-Huron

Bien que souvent considérés comme deux plans d’eau distincts, les lacs Michigan et Huron sont, du point de vue hydrologique, un seul lac relié par le détroit de Mackinac. La rive des lacs Michigan-Huron est la plus longue des Grands Lacs, soit 8 800 kilomètres (5 470 milles), si l’on inclue le lignes de rivage des nombreuses îles de la baie Georgienne.

Le lac Michigan est bordé par les États du Michigan, de l’Indiana, de l’Illinois et du Wisconsin, qui comptent une population globale de plus de 12 millions d’habitants. Le lac Huron est bordé par l’État du Michigan et par la province de l’Ontario, qui regroupent une population d’environ 3 millions de personnes dans son bassin hydrographique.

La région des lacs Michigan-Huron a encore connu des crues records ces dernières années. Celles-ci ont eu des répercussions importantes sur les biens publics et privés, contribuant aux dommages et à la perte de terres et d’infrastructures riveraines.

Les collectivités et les organismes riverains élaborent et mettent en œuvre des stratégies novatrices pour gérer les menaces que posent les crues extrêmes pour les infrastructures, la population et la géographie le long des berges des lacs.

Création d’outils et de ressources pour les collectivités riveraines du Michigan

Au cours de la dernière décennie, un groupe de scientifiques et d’experts de l’Université du Michigan, de la Land Information Access Association, de la Michigan Technical University et de l’État du Michigan ont élaboré des recommandations et des méthodes que les collectivités riveraines locales de l’État peuvent utiliser pour se préparer à l’avenir.

Ce projet, connu sous le nom de Resilient Great Lakes Coast, prévoit des techniques d’analyse et permet de recueillir des renseignements qui peuvent être utilisés par les collectivités dans le cadre de leur travail sur les plans directeurs, les changements de zonage, l’amélioration des infrastructures et d’autres moyens de renforcement de la résilience le long des berges des Grands Lacs.

En raison des changements climatiques, les scientifiques s’attendent à ce que les conditions météorologiques dans les Grands Lacs deviennent plus extrêmes et plus humides à certaines périodes de l’année, plus sèches à d’autres périodes et généralement plus chaudes. En outre, 100 ans de mesures montrent que le niveau d’eau des Grands Lacs est cyclique et qu’il passe par des sommets et par des creux au fil des décennies. Selon Ronda Wuycheck, gestionnaire du programme de résilience côtière au Michigan Department of Environment, Great Lakes and Energy (EGLE), les collectivités riveraines sont généralement vulnérables aux dommages causés par les tempêtes violentes et les crues extrêmes.

« Nous essayons d’encadrer la réflexion à l’échelle locale pour faire accepter l’idée que ces grandes forces peuvent secouer les collectivités de la région, » indique Mme Wuycheck. « Les collectivités doivent réfléchir à ce qu’elles peuvent faire maintenant pour se préparer aux répercussions des crues extrêmes et des tempêtes. De cette façon, elles pourront traverser la crise sans trop en souffrir. »

Bien que l’État du Michigan ait été au centre de ces travaux, les recommandations et les techniques s’appliquent à l’ensemble de la région des Grands Lacs, affirme Richard Norton, professeur de planification urbaine et régionale à l’Université du Michigan. L’équipe de M. Norton a travaillé à l’élaboration d’outils qui peuvent être facilement compris et utilisés par les planificateurs locaux qui n’auraient pas de formation scientifique.

Le Michigan Great Lakes Historical Shoreline Viewer est l’un de ces outils. Il permet aux utilisateurs de voir les changements survenus le long des lacs Michigan et Huron pour ce qui est des niveaux d’eau, de l’érosion et des infrastructures à partir de données s’échelonnant sur 80 années, nous indique Guy Meadows, directeur du Centre de recherche sur les Grands Lacs à l’Université technique du Michigan.

De cette façon, les collectivités peuvent planifier en fonction des tendances dans leur région et des crues et étiages antérieurs. Un visionneur englobant le lac Supérieur devrait être terminé d’ici la fin de 2020, précise M. Meadows.

Selon le site Resilient Michigan créé dans le cadre du projet, des collectivités comme Fort Gratiot, Port Austin et South Haven utilisent toutes ces outils en prévision de l’avenir.

« La meilleure chose que les gens puissent faire est de s’éloigner de la berge, plutôt que de lutter contre les forces de la nature », affirme M. Norton.

« Nous devons apprendre à composer avec les aléas de la nature, et c’est difficile de s’y faire si vous n’y êtes pas habitué, mais c’est ce que tout le monde devrait envisager de faire à long terme. » 

La protection des terrains le long des berges peut sembler une bonne idée à l’heure actuelle, poursuivit notre interlocuteur, mais elle peut occasionner l’érosion involontaire des plages publiques par l’absence de sources de sédiments pour les reconstituer.

L’organisme Resilient Great Lakes Coast souligne également l’importance de se préparer à des crues extrêmes bien avant qu’elles ne surviennent.

Selon M. Meadows, après les crues des années 1980, des chercheurs du Michigan ont effectué des relevés des rives jusqu’en 2005, année où le niveau avait sensiblement baissé et où l’urgence de se préparer à l’inévitable crue avait disparu. Certaines collectivités permettaient aux gens de construire sur des terres qui n’existaient pas pendant le pic du niveau d’eau de 1986, ce qui cause bien des problèmes aujourd’hui. À l’inverse, les étiages peuvent créer des problèmes de navigation qui persistent même après l’élévation du niveau en raison du déplacement des sédiments dans les canaux de navigation.

En préparant des plans de résilience à long terme qu’elles vont respecter, nous indique M. Meadows, les collectivités riveraines dans l’ensemble de l’État peuvent se préparer à des périodes de fluctuation du niveau d’eau.

Plan d’action côtier

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Le niveau des lacs Michigan-Huron a atteint des sommets en 2020. Crédit photo : Sajith TS

Des efforts semblables sont déployés pour favoriser la résilience côtière le long des berges du lac Huron, côté ontarien. Le littoral diversifié du lac Huron comprend des écosystèmes, notamment des plages de sable, des dunes, des falaises et des ravins, particulièrement vulnérables à l’érosion causée par la fluctuation du niveau d’eau.

Le Lake Huron Centre for Coastal Conservation s’efforce d’améliorer la résilience côtière en favorisant l’adoption de mesures de gestion qui assureront la santé des écosystèmes côtiers du lac à l’avenir. Organisme de bienfaisance créé en 1998, le Coastal Centre a pour mandat d’exercer un leadership et de fournir une expertise pour assurer la santé de l’écosystème côtier du lac Huron. En 2019, il a publié un Plan d’action côtier assorti de conseils et de recommandations pour renforcer la résilience côtière face à un vaste éventail de facteurs de stress pour la rive sud-est du lac Huron entre Sarnia et Tobermory, en Ontario. Au nombre des partenaires du projet, mentionnons des sociétés comme Enbridge et Bruce Power, des administrations autochtones comme celles de la Première Nation Saugeen et de la Première Nation Aamjiwnaang, des municipalités riveraines comme Goderich et Sarnia, des organismes provinciaux et fédéraux et plusieurs districts de conservation.

Le plan renferme des renseignements détaillés sur les caractéristiques et les services tributaires de 10 types d’écosystèmes côtiers le long du lac, ainsi qu’un aperçu des facteurs de stress les plus importants dans chacun de ces environnements uniques. Il fournit également aux collectivités de la région des outils et de l’information pour mettre en œuvre des stratégies de gestion environnementale qui protègent les divers écosystèmes riverains contre diverses menaces.

Par exemple, le plan indique que le développement côtier, le renforcement des rives et le changement de vocation des sols sont les menaces les plus importantes à la destruction des plages et des dunes de sable le long du lac Huron, qui peuvent constituer une zone tampon importante entre le lac et les propriétés avoisinantes.

Le plan met en évidence des solutions qui peuvent réduire les répercussions, comme une largeur minimale des zones tampons entre le littoral et les zones bâties, la surveillance de l’éventail des effets des facteurs de stress sur la santé des écosystèmes, la sensibilisation accrue du public aux pratiques de gestion exemplaires et à la fragilité des écosystèmes côtiers.

Plus tôt cette année, le Coastal Centre a donné une série de webinaires au sujet des menaces qui pèsent sur le lac Huron et a recommandé des mesures de gestion. Parmi les webinaires (en anglais seulement) portant sur les crues et l’érosion, mentionnons Harnessing the Power of Nature, Going with the Flow et Sand Beach and Dune Restoration.

Au cours des dernières années, les collectivités, petites et grandes, situées le long des Grands Lacs ont fait face à de nombreux défis posés par les crues extrêmes des lacs. Les changements climatiques devraient entraîner des tempêtes extrêmes plus fréquentes dans la région, ce qui pourrait accroître les risques d’inondation à l’avenir.

Ces conditions causent d’importantes difficultés à de nombreuses personnes qui vivent près des eaux ou qui tirent leurs moyens de subsistance des lacs.

Dans les Grands Lacs, et comme le veut le dicton, tout ce qui monte finit par descendre. Compte tenu de la nature cyclique du niveau d’eau et moyennant des investissements porteurs de la part de tous les ordres de gouvernement ainsi que le soutien de différentes organisations, il sera possible d’atténuer l’ampleur des dommages dans les prochaines décennies.

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Chrissy Chiasson
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Christina Chiasson is a policy analyst for the Canadian Section of the IJC in Ottawa, Ontario.

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Kevin Bunch

Kevin Bunch is a writer-communications specialist at the IJC’s US Section office in Washington, D.C.

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