Alewife/Gaspareau

C’est par une majorité écrasante que, le 10 avril 2013, l’Assemblée législative du Maine a adopté un projet de loi visant à faire en sorte que le gaspareau puisse franchir sans contrainte les barrages de Woodland et de Grand Falls dans le bassin versant de la rivière Sainte-Croix. Dix jours plus tard, le 22 avril, la loi entrait en vigueur.

La construction, en 1981, d’une nouvelle passe migratoire au barrage de Milltown a favorisé une résurgence de la population de gaspareau anadrome. Entre 1981 et 1987, le nombre de retours du gaspareau est ainsi passé de 169 000 à 2 625 000, cette résurgence coïncidant avec un déclin marqué de l’achigan à petite bouche dans le lac Spednic, faisant craindre que l’augmentation de la population de gaspareau n’ait eu un impact sur celle de l’achigan à petite bouche. En raison de ces craintes, le passage du gaspareau a été bloqué en mai 1987 et, dans le cadre d’un programme d’évaluation visant à élaborer un plan de gestion à long terme du gaspareau, il a été décidé de bloquer temporairement le franchissement de cette espèce à Grand-Sault en 1991. En 1995, l’État du Maine a adopté une loi d’urgence pour fermer les passes migratoires des barrages de Woodland et de Grand Falls au gaspareau migrateur. Après ces fermetures, la population de gaspareau remontant la rivière Sainte-Croix est passée d’un sommet de 2,6 millions d’individus en 1987 à un creux de seulement 900 adultes en 2002. Le barrage de Milltown n’a pas été assujetti à la mesure législative de 1995 et, en 2001, le ministère des Pêches et des Océans du Canada a commencé à transporter le gaspareau par camion entre la passe migratoire de Milltown et un point situé à 16 kilomètres (10 milles) en amont de la passe de Woodland, où ils ont été relâchés pour la fraie. [Document du Conseil] (en anglais seulement). Le gouvernement du Canada a toujours demandé que la rivière Sainte-Croix soit ouverte au franchissement du gaspareau. Cet effort a permis à l’espèce de repasser à quelques 12 000 individus en 2006. En 2001, le Conseil a présenté à la CMI un rapport décrivant ses activités après le blocage du passage de l’espèce par le Maine à la faveur de sa loi de 1995. Le Conseil a activement cherché des compromis et des solutions entre les divers organismes et organisations sur cette question dans l’intérêt du maintien d’écosystèmes fluviaux et estuariens équilibrés et sains.

En 2005, le Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix de la Commission mixte internationale a publié un document de travail sur le gaspareau dans la rivière Sainte-Croix, document dans lequel il exposait les arguments scientifiques en faveur de la réouverture de la rivière. Cet examen des recherches existantes a montré que le gaspareau est une espèce indigène du bassin hydrographique et que les interactions entre le gaspareau et l’achigan étaient bénéfiques. Les chercheurs ont noté que, le gaspareau devant remonter les cours d’eau pour frayer en amont, l’espèce est essentielle aux réseaux trophiques et aux cycles des nutriments des habitats marins, d’eau douce et terrestres dans le bassin. Comme il est aussi un appât, il contribue aussi à soutenir la pêche côtière et le homard.

La loi du Maine a été modifiée en 2008 pour ouvrir la passe migratoire du barrage Woodland, ce qui n’a pas pour autant permis au gaspareau d’atteindre un taux de retour de 98 % dans son habitat de fraie traditionnel. À l’époque, le gouverneur de l’État avait l’intention de faire ouvrir les passes migratoires des deux barrages, mais lors des audiences de l’Assemblée législative, des Passamaquoddy se sont opposés à la remontée de l’espèce en amont de Grand-Sault.

Après un taux de participation record à la réunion publique du Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix en 2009, la Commission mixte internationale a écrit au gouverneur du Maine pour lui demander d’agir (en anglais seulement). Dans sa réponse (en anglais seulement), le gouverneur du Maine a demandé à la Commission d’amener les parties à s’entendre, auquel cas il modifierait alors la loi, ou d’utiliser son pouvoir en vertu du Traité des eaux limitrophes pour émettre une ordonnance d’ouverture de la passe migratoire. De plus, un groupe d’ONG a écrit à la CMI (en anglais seulement) pour lui demander de modifier ses ordonnances en vue de rendre obligatoire l’ouverture de la passe migratoire de Grand-Sault.

Dans le cadre de l’Initiative internationale sur les bassins hydrographiques [IIBH] qui vise à promouvoir des solutions locales à des problèmes locaux, la Commission a estimé que la meilleure solution à ce problème consistait à adopter une approche participative, à appuyer le passage de l’espèce dans la rivière et, en fin de compte, à modifier la loi de l’État du Maine.

Après avoir discuté des prochaines étapes avec la Commission lors de sa réunion du printemps 2009, le Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix a demandé aux membres experts du Comité directeur binational et interorganisationnel des pêches de la rivière Sainte-Croix (St. Croix Fisheries Steering Committee) d’élaborer un plan adaptatif pour la restauration du gaspareau dans le bassin versant, sous les auspices de la CMI. Le Comité directeur des pêches a convoqué un groupe de travail spécial, qui a été chargé d’élaborer un plan à la demande de la CMI. Le plan en question proposait de rouvrir la rivière au gaspareau tout en surveillant la population d’achigans à petite bouche du bassin.

Toujours en 2009, un rapport (en anglais seulement) a été rédigé en collaboration avec l’United States Geological Survey. Ce document décrit l’analyse de l’habitat historique de l’achigan à petite bouche en fonction du niveau du lac Spednic dans le but de quantifier les éventuels effets de la gestion du niveau du lac historique et les conditions météorologiques (de 1970 à 2009) sur l’effondrement de la classe d’âge de l’achigan à petite bouche. À ce titre, le rapport fournit une autre explication du déclin de la population d’achigans dans le lac Spednic à la fin des années 1980.

En 2010, le Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix a accepté les commentaires du public sur l’ébauche du plan de gestion adaptative visant à rétablir le gaspareau marin dans le bassin. Plus de 100 commentaires (en anglais seulement) ont été reçus par écrit au sujet du plan, presque tous négatifs, critiquant soit la lenteur du projet d’ouverture de l’accès à la rivière, soit carrément la décision de laisser passer le gaspareau en amont. De plus, une réunion publique tenue par le Conseil à Princeton (Maine), qui a permis de sensibiliser davantage le public à la question, a réuni beaucoup de participants et a été très animée.

Picture of two alewives in a bucket

De 2009 à 2012, la Commission mixte internationale et le Conseil de Sainte-Croix ont rencontré les parties intéressées, dont les commissaires des pêches, de la faune et des ressources marines des Passamaquoddy, dans le Maine (le 28 juin 2011), le gouverneur de l’État, les membres de la Maine Guide Association et les guides locaux dans le cadre de ses tentatives visant à dégager un consensus pour laisser de nouveau passer le gaspareau.

De nombreuses autres mesures ont été prises par ceux qui appuyaient l’ouverture du bassin versant au gaspareau en vue d’éduquer les populations et de discuter de l’importance de l’espèce pour la rivière et pour l’écosystème.

En 2011, le National Resources Defense Council a présenté une pétition visant à inscrire le gaspareau sur la liste des espèces menacées (en anglais seulement) sur la côte atlantique. Les Friends of Merrymeeting Bay ont intenté une poursuite en 2011 et une autre en 2012 pour que la rivière Sainte-Croix soit rouverte au gaspareau. En réponse à une enquête publique, l’EPA et le Maine ont échangé des lettres après que l’EPA eut fait remarquer que la loi constituait « une révision de facto des critères narratifs » et qu’elle était assujettie à un examen de l’EPA conformément à la Clean Water Act.

En octobre 2012, le conseil tribal des Passamaquoddy a changé de position, passant d’une opposition au passage du gaspareau dans la rivière Sainte-Croix à une demande d’accès immédiat du gaspareau sur toute la longueur de la rivière, ce qu’il a précisé par écrit à la Commission. Au début de 2013, la représentante des Passamaquoddy, Madonna Soctomah, a déposé un projet de loi d’urgence prévoyant la réouverture de la passe migratoire du barrage de Grand-Sault au plus tard le 1er mai 2013. L’assemblée législative du Maine a adopté la loi avec une majorité supérieure aux deux tiers normalement requis pour une mise en œuvre d’urgence, et le texte est entré en vigueur le 22 avril 2013. Grâce aux efforts combinés des gouvernements fédéral, provincial et des États, des Passamaquoddy, des groupes environnementaux et d’autres parties prenantes du bassin versant, le gaspareau pourra remonter la rivière Sainte-Croix ce printemps, pour la première fois depuis 18 ans.

Depuis 1959, la Commission mixte internationale, par l’entremise de son Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix, s’efforce d’améliorer la qualité de l’eau de la rivière et de faciliter la résolution des problèmes liés au bassin hydrographique à l’échelle locale par le biais d’une approche participative et inclusive. Nous accueillons favorablement le règlement de ce différend à l’échelle locale, lequel permet de ramener le gaspareau dans la rivière, et nous sommes déterminés à continuer de travailler avec les Passamaquoddy, tous les ordres de gouvernement, les organismes non gouvernementaux, le public et d’autres pour protéger et améliorer le bassin versant de la rivière Sainte-Croix.

Études diligentées par le Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix sur le gaspareau :

Consultez le nouveau site du Conseil international du bassin de la rivière Sainte-Croix ici.