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Niveau d’eau du lac Ontario et du fleuve Saint Laurent : retour du temps pluvieux et répercussions persistantes de l’hiver

Conseil international de contrôle du fleuve Saint-Laurent

 
 

Malgré un retour à des conditions plus saisonnières en avril et en mai, le niveau d’eau dans la majeure partie du système lac Ontario - fleuve Saint-Laurent est resté bien en deçà de la moyenne pendant presque tout le printemps après un hiver exceptionnellement froid et sec.

Bien que les conditions pluvieuses que l’on a connues au début du mois de juin aient contribué à ramener récemment le niveau d’eau à la normale, le niveau plus bas que la moyenne, même s’il n'est pas particulièrement inhabituel, a inquiété de nombreux résidents du bassin, notamment les plaisanciers. Le présent document met en contexte les circonstances ayant menées au récent niveau d’eau et fournit de l’information sur les conditions prévisibles dans les mois à venir.

Les apports d’eau et les conditions extraordinaires de l'hiver dernier

Le niveau d’eau du lac Ontario dépend principalement de l’apport d’eau net total au lac, qui correspond à la quantité d’eau reçue du bassin du lac Érié (par la rivière Niagara et le canal Welland) et celle reçue du bassin du lac Ontario lui-même, c'est à dire les précipitations à la surface du lac et l’eau de ruissellement provenant du bassin de drainage, moins la quantité d’eau perdue par évaporation. L’apport d’eau peut varier considérablement et est difficile à prévoir, les derniers mois en sont un bon exemple.

Peu de gens oublieront à quel point il a fait froid l'hiver dernier. Les températures ont été généralement de 1 à 4 °C (1,8-7,2 °F) plus basses que la normale sur l'ensemble de la région Grands Lacs.

Le mois de février a été exceptionnellement froid avec des températures minimales records enregistrées sur l'ensemble du bassin du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent (figure 1), y compris à Rochester et à Syracuse dans l’État de New York, à Toronto en Ontario et à Montréal au Québec. Ces températures records ont créé des conditions de glaces quasi records dans le lac Ontario à leur plus fort y couvrant plus de 80 pour cent de la superficie, soit la plus grande étendue depuis 1979.

Figure 1. Système du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent.

Des personnes se rappelleront peut‑être que l’hiver a été neigeux. Pourtant, à part quelques chutes de neige abondantes dans certaines localités (Rochester et Syracuse ont reçu deux fois plus de neige que la normale en février), les précipitations à l’échelle du bassin ont été généralement inférieures à la normale au cours de la majeure partie de l’hiver (figure 2). 

Figure 2:  Precipitation across much of the Lake Ontario and St. Lawrence River system from December 2014 through February 2015 was well below the 1981-2010 average. Credit:  Meteorological Service of CanadaFigure 2 : De décembre 2014 à février 2015, les précipitations ont été bien en deçà de la moyenne enregistrée de 1981 à 2010 dans la presque totalité du bassin du lac Ontario et du fleuve Saint‑Laurent. Source : Service météorologique du Canada. 

De plus, une grande partie de la neige reçue était due à un effet de lac, créé par le passage de masses d’air arctique froid et sec arrivant du nord qui ont absorbé l’humidité du lac Ontario avant de la rejeter sous forme de neige sur la rive sud du lac, sans aucun apport net pour le bassin. Le temps froid record a aussi empêché cette neige de fondre retardant ainsi le début du ruissellement printanier par rapport à la période habituelle.

Le résultat net : l'apport d’eau dans le bassin du lac Ontario lui-même était presque le plus faible jamais enregistrés en février et en mars (figure 3), et le niveau d’eau a diminué de façon constante pendant ces deux mois. 



Figure 3 : L’apport d’eau total net au lac Ontario dépend de facteurs naturels, dont le débit provenant du lac Érié et l'apports d’eau net (précipitations et ruissellement moins évaporation) du bassin du lac Ontario. Le débit fait également varier le niveau d’eau, mais ce facteur est le seul qui fait l’objet d’un contrôle. Malgré un débit supérieur à la moyenne en provenance du lac Érié et le débit inférieur à la moyenne du lac Ontario, le niveau d’eau est à la baisse en 2015 en raison des conditions hivernales records en février et en mars 2015 quand l'apport d’eau dans le bassin du lac Ontario ont avoisiné les niveaux les plus bas jamais enregistrés.
Source : Environnement Canada

Dans les bassins du cours inférieur du fleuve Saint‑Laurent et de la rivière des Outaouais, le temps a aussi été relativement sec, et le niveau d’eau près de Montréal a baissé pendant cette période. Au début avril, le niveau d’eau était bien en deçà de la moyenne dans le système lac Ontario-fleuve Saint‑Laurent (figure 4). 

Figure 4 : Comparaison des niveaux d’eau du lac Ontario et du port de Montréal en mai 2015 aux données des années précédentes. Source : Environnement Canada

 

Les effets du débit et de la régularisation

Il y a un facteur additionel qui influence le niveau d’eau du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent : le débit du lac. Contrairement aux apports d’eau, l'écoulement du lac Ontario vers le fleuve Saint-Laurent est régularisé.

Le Conseil international de contrôle du fleuve Saint-Laurent a pour tâche de régulariser le débit au barrage Moses-Saunders (figure 5), à Cornwall, en Ontario, et à Massena, dans l’État de New York, selon un ensemble de règles et d’exigences prescrites dans les ordonnances d’approbation rendues par la Commission mixte internationale. Ces règles et exigences contribuent à définir le Plan de régularisation 1958‑D, qui établit le débit du lac Ontario. Fondées en grande partie sur les niveaux d’eau et les apports d’eau, les règles énoncent les limites de variation du débit permettant de protéger les intérêts en amont et en aval du barrage. 

Figure 5: Moses-Saunders Dam at Cornwall, Ontario, and Massena, N.Y. Credit: Environment CanadaFigure 5 : Centrale hydroélectrique Moses-Saunders à Cornwall (Ontario) et Massena (N.Y.) Source : Environnement Canada

En raison de la vaste étendue du lac Ontario, le débit y a une incidence beaucoup moins grande sur le niveau d’eau que les apports d’eau. Il n’est pas rare, notamment au printemps, qu’un seul épisode de pluie généralisée fasse monter de 1 centimètre (0,4 pouce) le niveau du lac en une seule journée. Pour que le débit sortant du lac Ontario ait une incidence aussi grande pendant une période aussi courte, il faudrait le réduire de plus de 2 000 mètres cubes par seconde (70 600 pieds cubes par seconde), ou d’environ 30 pour cent.

Un changement d’une telle envergure du débit ne serait pas permis, en partie parce que le débit du lac Ontario a des répercussions beaucoup plus importantes sur le niveau du fleuve Saint‑Laurent. À titre d’exemple, une réduction de seulement 300 mètres cubes par seconde (10 500 pieds cubes par seconde) du débit peut abaisser de près de 10 centimètres (3,9 pouces) les niveaux d’eau à proximité de Montréal. La même réduction peut faire monter le niveau du fleuve Saint‑Laurent d’autant de centimètres tout juste en amont du barrage Moses-Saunders, d’où la nécessité d’examiner les répercussions à l’échelle du bassin avant de modifier le débit.

Étant donné le rôle important du niveau d’eau du lac Ontario et les répercussions beaucoup plus grandes de son débit sur le niveau d’eau du fleuve Saint-Laurent, le Conseil peut souvent modifier de façon temporaire le débit pour répondre à des besoins à court terme des intérêts en aval sans nuire à ceux en amont. A titre d'exemple, le Conseil, diminue souvent le débit au printemps pour réduire les risques d’inondation en aval et peut ajuster le débit pour faciliter le hissage des embarcations hors de l’eau à l’automne. Le Conseil augmente également à l’occasion le débit pour faire monter le niveau d’eau et aider les navires à entrer dans le port de Montréal.

Cela dit, les intérêts en amont du lac Ontario ne sont pas laissés pour contre. Les effets de ces ajustements temporaires du débit sur le lac Ontario – bien que généralement minimes – sont habituellement compensés peu de temps après par une augmentation ou une diminution équivalente. De plus, le Conseil s’écarte périodiquement du plan de régularisation et révise les débits à la faveur des intérêts du lac Ontario. Il arrive parfois que le débit soit réduit pour éviter que le niveau d’eau soit extrêmement bas et, parfois, il est augmenté pour faire en sorte que le niveau ne soit pas excessivement élevé.

Cependant, les effets de ces écarts par rapport au plan restent limités, du fait en partie des contraintes et des exigences décrites précédemment, et aussi parce que le Plan de régularisation 1958-D permet d’ajuster le débit en fonction des apports d’eau et en tenant compte du niveau en amont et en aval.   

Ce printemps, le Plan de régularisation a permis de prendre des mesures face aux conditions généralement sèches que nous avons connues, en allouant un débit en deçà de la moyenne depuis le mois de mars. Néanmoins, le niveau d’eau du lac Ontario est resté inférieur à la moyenne. Pendant la même période, le faible débit ont aussi contribué à maintenir le niveau bien en deçà de la moyenne en aval dans le fleuve Saint-Laurent près de Montréal. Toute autre révision du débit pour augmenter le niveau qui profiterait à une région abaisserait le niveau aux dépens d’une autre région.
 

Conditions actuelles et prévues pour cet été 

Depuis la fin du mois de mars, les apports d’eau se sont maintenus plus près de la normale. L’effet conjugué des pluies printanières et de la fonte de la neige a fait monter rapidement le niveau du lac Ontario en avril et, comme on s’y attend à cette période de l’année, la hausse saisonnière s’est poursuivie en mai et jusqu’au début du mois de juin. Toutefois, le débit en deçà de la moyenne et les conditions printanières plus typiques de la saison n’ont pas suffi à compenser complètement les effets de l'hiver hors de l’ordinaire que nous avons connu, puisqu'au début du mois de juin, le niveau du lac Ontario était de 18 centimètres (7,1 pouces) inférieurs à la moyenne, soit le niveau le plus bas pour cette période de l’année depuis 2010.

Il en va de même pour le niveau près de Montréal, qui a aussi augmenté en avril, avant de diminuer de nouveau après la crue de la rivière des Outaouais; depuis il est resté bien en deçà de la moyenne. En mai, au port de Montréal, le niveau a dépassé en moyenne de 1 mètre (3 pieds) la moyenne à long terme, et était bien en deçà de la moyenne au début de juin.

À quoi devons-nous nous attendre cet été? Cela dépendra encore des apports d’eau. Bien qu’il soit difficile de prévoir les niveaux d’eau, le plus récent aperçu des niveaux d’eau pour les prochains mois indique que le niveau du lac Ontario continuera de monter pendant l’été, et devraient revenir à des valeurs saisonnières moyennes à moins que les conditions se révèlent particulièrement sèches (le temps exceptionnellement pluvieux pendant les premières semaines de juin a entraîné une hausse rapide du niveau du lac Ontario; au moment de rédiger ce document, le niveau se situait près la moyenne).

Par ailleurs, dans la plupart des scénarios et en dépit des fluctuations à court terme qui se produisent pendant des épisodes de pluie, on s’attend à ce que la baisse saisonnière du niveau se poursuive dans le fleuve Saint-Laurent, mais celui-ci devrait se maintenir au‑dessus du zéro des cartes de navigation pendant la majeure partie de l’été.  

Alors que les bas niveaux d’eau récents sont une source d’inconvénients et de désagréments pour certains intérêts,  le niveau du lac Ontario continue de se maintenir entre les limites supérieures et inférieures propres à ce lac, et le niveau d’eau du fleuve Saint-Laurent se maintient dans ses plages normales. Comme le niveau d’eau dans le système lac Ontario - fleuve Saint‑Laurent dépend principalement des apports d’eau, tous les intérêts doivent se préparer à faire face à de grandes variations de niveau d’eau maintenant, ainsi que dans les années à venir.

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